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Mon Janvier 2007

Voilà déjà janvier qui s’en va.

Janvier presque sans neige, et je n’ai même pas skié les quelques jours d’ouverture en début de mois.

Janvier plein de virus, rhumes et gastro, et je suis encore face au dernier en date: Ondine a la varicelle, pourvu que je n’en fasse pas un zona… en attendant la grippe annoncée pour ces jours-ci… soupir.

Janvier au boulot, de plus en plus démotivant avec tous ces projets qui traînent et l’ineptie de ma mission – je suis coincée entre en faire vachement plus, avec toutes les manoeuvres au bulldozer que cela signifie, ce qui m’est inacceptable, et en faire de moins en moins, ce qui m’est tout aussi insupportable. J’ai même été musarder sur les sites de bilans de compétence pour comprendre où j’en suis et pourquoi après tant d’années intéressantes j’arrive à une telle démotivation. Et je ne sais toujours pas si j’aurai le feu vert pour ma demande de formation, le seul gros projet qui me motive sérieusement pour cette année. Mais j’irai le défendre jusqu’à la direction s’il le faut. Petit objectif au passage pour février: avec les dossiers en cours, atteindre le seuil symbolique de mon 10ème dépôt de brevet en 5 ans. Et encore un petit plaisir égocentrique: une semaine de vacances en plus cette année, merci l’ancienneté… reste à rêvasser sur son usage!

Janvier et tout le stress pas résolu de mes problèmes de garde d’enfants. Répit jusqu’à fin février, mais je ne sais toujours pas comment faire ensuite. Pleurnicher auprès de la nounou de remplacement pour qu’elle me garde au moins la petite jusque fin juin, et caser la grande ailleurs? Bricoler un jour ici un jour là? Transformer la femme de ménage en nounou à domicile? j’en ai marre de me casser la tête sur ces questions. Presqu’envie de laisser traîner et attendre que ma bonne étoile se charge de tout. Après tout, elle ne m’a jamais trahie sur ce coup-là, même quand il a fallu recaser d’urgence Lili à 2 ans en moins de 4 jours pour 40 heures par semaine…

Mais aussi bien des petites et grandes joies pour ce mois de janvier! Ce voyage dans mes souvenirs que j’ai mis en forme ici m’a recentrée sur des clés essentielles qui sommeillaient en attendant leur heure au fond de moi (mais je ne sais toujours pas pour quelles portes). Beaucoup de plaisir aussi à découvrir d’autres blogs, certains nouveaux, d’autres pas encore explorés. Une vraie bouffée d’air pour mon cerveau si curieux d’apprendre et de découvrir, après ces journées de travail toujours aussi actives mais devenues intellectuellement fades car vides de sens.

Et vu comme cela s’annonce, Février ne devrait pas être très différent…

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L’homme, parasite de la plante

L’homme n’est, dans sa plus simple expression, qu’un parasite de la plante, qui lui fournit l’oxygéne (O2) qu’il respire et le carbone (C) qu’il mange, directement ou indirectement (la vache mange la plante et l’homme boit son lait de la vache, et mange sa viande).Photosynthese

Car la plante sait tirer directement du soleil l’énergie nécessaire à la transformation du CO2 (dioxyde de carbone) en ces deux éléments nécessaires au métabolisme de l’homme, ce que l’homme ne sait pas faire, notre organisme n’étant pas capable de photo-synthèse (*).

Depuis que j’ai lu cette analyse dans le livre "Après nous le déluge" emprunté à la bibliothèque courant janvier, elle me fascine et je ne regarde plus ma salade de la même façon!

Malheureusement le reste du livre est sans intérêt, se contentant de geindre sur les différents avenirs possibles de l’humanité sans réflexion en profondeur, mais rien que pour cette image du parasite de la plante, je lui devais une rév(f)érence…

(*) en réalité l’équation est un peu plus compliquée et fait aussi intervenir l’eau et le glucose, à l’inverse de notre respiration.

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Maternités

"La spiritualité, c’est aussi dans la relation à l’Autre qu’on la vit."

J’ai parlé de la plus égale et la plus longue, la plus singulière aussi, au sens de l’unicité, de mes relations à l’Autre pendant ces 15 ans – le Couple.

J’ai parlé de toutes ces relations croisées notamment sur mon chemin professionnel sans en citer une en particulier, mais en mesurant leur importance dans mon progrès personnel – confiance en moi, ouverture aux autres – la Vie Sociale.

Il reste les Enfants.

Il est difficile de mettre en mot l’expérience de la Maternité qui n’est malheureusement biologiquement accessible qu’à la moitié d’entre nous, et pratiquement pas toujours réalisable, car il faut être deux, en avoir le désir, être prête à l’assumer moralement, physiquement, nerveusement, financièrement, etc…  Bref, pour celles qui un jour se lancent dans l’aventure, c’est par le corps qu’elle commence pour beaucoup d’entre nous (pas toutes): tiraillements dans le bas-ventre, seins lourds, nausées, fatigue… Pendant 9 mois, il va falloir le partager, ce corps! et bébé est exigeant.

Si vous mangez mal (et parfois, si vous mangez tout court, et parfois, même si vous ne mangez pas): la tête dans les toilettes…

Si vous dormez mal (et vous dormez mal, car il faut vider la vessie, digérer des rêves bizarres, et après quelques-mois, s’accorder sur les coups de pied): somnolence toute la journée…

Si vous avez des doutes ou des angoisses (forcément, en 9 mois, cela arrive): crise de larmes…

Si vous êtes coquette ou active (ou les deux): vous devez ravaler votre fierté en traînant votre forme de poire bosselée plus ou moins bien habillée au rayon Maternité de votre boutique de fringues préférée (quand il existe!) et vous contenter de quelques exercices ramollis de préparation à l’accouchement à grand renfort de musique douce au lieu d’aller faire du step au fitness ou danser sur de la techno…

… et si vous êtes mince en temps normal, vous finirez tout de même par expérimenter avec horreur les malheurs des gros, par exemple devoir renoncer à une place de parking en épi parce que, de profil, impossible de se glisser entre les portières: les 2 derniers mois, c’est de face qu’il faut passer au plus étroit! Impossible, aussi, de lacer ses chaussures sans se mettre en position du lotus, ce qui est assez malpratique…

Bref, je n’aime pas être enceinte.

Mais… il y a la rencontre, ensuite. Quand je repense aux premières années avec mes petites, je me vois vraiment comme n’importe quelle maman du monde mammifère. Je les ai nourries, portées, lavées, éduquées. Et surtout: aimées. Choisir, ou reconnaître, un Prince Charmant, c’est déjà toute une affaire en matière d’amour, mélange d’hormones et d’intellect, bref de l’affectif sophistiqué à haute dose. Mais porter et élever un enfant, c’est encore toute une autre dimension.Mere_et_enfant_caravaggio1607

Il y a la responsabilité, d’abord. Cette vie dépend d’abord totalement de la nôtre, puis encore pendant longtemps, des soins et de l’amour que nous lui accordons. En fait, une mère est toute-puissante! Mais moi, cela m’angoissait tellement pendant ma première grossesse que j’ai passé des centaines d’heures à lire tous les livres que j’ai pu trouver sur la grossesse, les bébés et l’éducation des enfants, au point que je pourrais presque encore en citer des passages… Pourtant je ne suis pas devenue une maman poule, je me suis séparée sans peine de mes petites pour reprendre le travail puis les confier à l’école, mais je me sens quand même responsable d’elles et je ne préfère ne pas réfléchir à la folie qui pourrait me prendre si on leur faisait du mal. La colère est un sentiment qui m’est quasi-étranger en temps normal, mais là…

Il y a l’amour, ensuite, l’affaire de 5 sens et même plus: cela sent bon, un tout-petit, c’est beau, cela gazouille, sa peau est toute douce, on le mangerait de bisous! et puis il y a le 6ème sens, se réveiller la nuit 10 secondes avant l’appel d’un bébé affamé ou d’un grand qui a soif, qui a fait un cauchemar ou dont le nez coule…

Mes petites ne sont plus des bébés et je n’ai plus depuis longtemps le bain hormonal de la grossesse et l’allaitement – la cadette, Ondine, a 4 ans – mais elles sont toujours une telle dimension de ma vie affective que je ne pourrai jamais le mettre en mots. Je vois bien, dans les notes des autres mamans d’enfants devenus grands qui s’expriment sur cette blogosphère, que même quand ils ont ont 15, 20, 30 ans, ce sentiment d’amour maternel reste puissant. S’il y a un amour éternel, cela doit bien être celui-là!

Quant à la spiritualité… donner la vie m’a rendue beaucoup plus sereine quant au sens de la mienne, et m’a aussi libérée de certaines angoisses liées à mon manque de confiance dans mon corps, à ma peur de mourir trop vite…

En résumé, la Maternité est une belle expérience, exigeante certes, mais fondamentale et incroyablement gratifiante. Dommage simplement que cette expérience ne puisse être universelle…

Image extraite d’une peinture sur toile (détail) "Sette opere di Misericordia" de Caravaggio, datant de 1607… ces peintures m’impressionnent beaucoup par leur réalisme, on dirait une photo: l’homme derrière cette oeuvre n’a pas porté d’enfant, mais ce qu’il a réalisé est une ode à la vie aussi!

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Avancer avec les Autres

En fait, pendant ces 15 années, j’ai consacré la plus grande partie de mon temps, de mon énergie, de ma créativité, et même de mon développement personnel, à mes activités professionnelles.

Le métier d’ingénieur, que j’avais choisi en procédant par élimination plus que par vocation, m’a ouvert des portes et des expériences que je n’aurais jamais imaginées dans le petit esprit étroit et timide qui était le mien à l’adolescence. Je suis peureuse et sceptique de nature, mais de temps en temps, une opportunité de progrès se présente, et là, heureusement, j’ose avancer. Derrière chaque ligne de mon CV se cache un petit pas de ce type: mes études postgrades en Suisse, mon stage aux Etats-Unis, ma participation à des groupes de travail internationaux, mon expérience du management démarrée sans que je demande rien dans les années de la folie télécom où le moindre projet obscur passait de 1 à 10 personnes en 18 mois, etc.

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A chaque petit pas, un gros stress, la peur de ne pas être à la hauteur, les scénarios catastrophes de tout ce qui peut rater; mais ce stress est moteur, il me force à apprendre et à progresser. Au final, même si ce qui aurait pu être un grand bond en avant n’est qu’un petit pas ridicule, même si ce petit pas ridicule est tremblant ou de travers, peu importe: j’ai bougé, j’ai avancé. Et comme j’ai bien plus d’un tiers de ma vie derrière moi désormais, quand je regarde en arrière, le cumul de ces petits pas si ridicules (exemple: oser téléphoner en anglais sans être terrorisée…) fait un bon bon de chemin tout-à-fait mesurable, et cela fait que j’ai beaucoup plus confiance en ma capacité d’adaptation et d’évolution aujourd’hui qu’à 20 ans.

Mais au-delà de cette analyse égocentrique, ce que je trouve intéressant à disséquer aujourd’hui, c’est le rôle qu’ont eu les Autres dans tout ce cheminement. Quant on fait systématiquement de l’introspection pour savoir d’où on vient, où on va et où on en est, ce qui est une tendance maladive chez moi depuis au moins le soir de 12 ans, il est facile de passer son temps à mesurer la température interne de son ego en oubliant complètement qu’il est plongé dans un environnement complexe qui l’influence en permanence. Il est en fait beaucoup plus intéressant de s’interroger sur les interactions que l’on a avec les Autres et sur leur influence, et quand on commence à pratiquer cet exercice, on devient d’autant plus attentif aux Autres… et on s’adapte, on apprend, on s’enrichit et on évolue d’autant plus…

Par exemple, si je reprends ma peur de téléphoner en anglais, elle s’est résolue naturellement quand j’ai commencé à être appelée régulièrement en anglais par des gens avec qui j’avais établi au préalable et de visu une relation de confiance.  A force, cela m’est devenu tout naturel.

Le plus difficile est de se focaliser sur les relations positives (ou plutôt sur les aspects positifs d’une relation car le verre n’est jamais complètement vide ou totalement plein). Il y a toujours quelque-chose à apprécier ou à respecter chez l’Autre.

En commençant cette note je ne savais pas où elle me mènerait; j’avais juste l’intuition de son thème, juste envie de parler l’importance de mes relations aux Autres pendant toutes ces années, en prenant l’exemple neutre du travail car, contrairement à ses amis et ses amours, on ne choisit pas ses collègues, et contrairement à sa famille qu’on ne choisit pas non plus, on peut y côtoyer des gens d’horizons très variés (quoique j’aie aussi une famille un peu multinationale à présent, c’est vraiment par le travail que j’ai découvert dautres cultures). Tracesdepasmultiples_1

En fait, cette note est difficile à achever, car je me rends compte en faisant cet exercice de synthèse qu’il y a dans mon parcours tellement d’Autres avec qui j’ai avancé qu’il me faudrait tout un recueil de portraits pour en décrire les plus significatifs. En outre, j’ai surtout de bons souvenirs de tous ces petits pas ensemble. Je n’avais jamais réalisé à quel point j’avais tendance à voir ce passé en rose: j’espère que ce n’est pas la manifestation d’une démence sénile précoce!

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15 ans de pointillés…

Et après?

Pause…

Je crois que mon chemin est devenu plus lisse… simple, banal. Sans histoires. Petite vie tranquille en pointillés…

La spiritualité, c’est aussi dans la relation à l’Autre qu’on la vit.

C’est cette dimension, peut-être plus "pointillée" que mes précédentes quêtes mystiques plus ou moins fondamentalistes, qui devait m’occuper les 15 années suivantes.

Tout d’abord, la relation à mon Alter Ego: Mari Charmant.

A force d’espérer le Prince Charmant, j’avais fini par le rencontrer, ou plutôt, le reconnaître. Non pas qu’il s’agisse d’une espèce rare, comme je l’ai indiqué dans ma note sur les Maris Charmants: je suis du genre optimiste sur l’espèce masculine. Mais ces choses-là prennent du temps. Et de construire une relation à deux, équilibrée, forte et constructive pour les deux, sur la durée, plus encore. Nous y avons mis cinq ans, grosso modo, jusqu’à être assez installés dans nos vies et dans nos têtes pour nous engager officiellement. Je sais que cela ne se pratique plus guère, mais le mariage était une étape importante dans notre cheminement, et, de mémoire, la dernière source de profond désaccord sur deux points:

1) mon changement de nom, qui me paraissait une perte d’identité totalement inacceptable: perte de ce qui me restait de breton dans mon exil, et perte de ce que j’avais si fièrement construit puisque je venais de faire mes premières publications à mon nom;

2) le fait de faire une cérémonie religieuse, avec tout ce que cela implique de rituel et de sacré auquel, mine de rien, je tenais encore.

Heureusement, ce choix n’en était pas un. Du fait de notre émigration en Suisse, c’est là-bas que nous devions célébrer notre mariage civil, et comme nous avions convenu de faire une grande fête en Bretagne organisée à 90% par mes parents (aspect logistique absolument non négligeable auquel (futur) Mari Charmant ne pouvait être que sensible!), il semblait difficile de faire déplacer famille et amis des 4 coins de la France et de Suisse sans… le prétexte d’une cérémonie! ouf…

Quant au nom, même cause, mêmes effets. La femme Suisse qui choisit de prendre le nom de son mari perd, lors de son mariage, toute son identité pour prendre celle de son mari: nom et lieu d’origine (du nom de famille, utilisé dans l’état civil suisse et très utile d’ailleurs pour les généalogues). La femme Française, à l’inverse, se contente d’adopter le nom d’"épouse untel", derrière le nom de jeune fille dans la carte d’identité (au lieu de Untel née Truc en Suisse), et c’est juste par "usage" qu’elle prend le nom de son époux dans la pratique quotidienne. Du coup, pour assurer la compatibilité de la paperasse, les Françaises qui se marient en Suisse, même à un Français, n’ont pas d’autre choix que de faire celui, dans l’état-civil Suisse, de garder leur nom de jeune fille, qui reste du coup utilisé au jour le jour en Suisse. Re-ouf…

Je sais bien que cette histoire de nom peut paraître puérile, mais il était important pour moi de publier ma thèse et les articles associés sous le nom de mon père et de mon grand-père. Ma réussite était importante à leurs yeux, ils l’avaient assez encouragée sans se soucier que je sois une fille (je crois que dans la culture d’où je viens, cela n’a pas d’importance). Je leur devais bien cela.

D’un autre côté Mari Charmant s’identifiait aussi fortement à son nom, et associait cette démarche de rejet du nom à celle de la femme divorcée qui reprend son nom de jeune fille, alors que sa démarche de mariage se faisait dans le sens de s’engager à construire une famille, un patrimoine génétique et patronymique à long terme, s’inscrivant dans la durée et la transmission. L’homme ne porte pas les enfants, mais il leur transmet son nom…

C’est d’ailleurs là-dessus que nous avons, tout seuls, construit notre consensus. Nos enfants porteraient son nom, comme j’ai porté celui de mon père, et nous ne les baptiserions pas, indépendamment de ma nostalgie pour le rite et la fête qu’on y associe dans notre culture, car c’est de leur spiritualité qu’il s’agit, pas de la nôtre (d’ailleurs certains mouvements protestants ne pratiquent le baptême qu’à l’âge adulte, conscient et responsable, et c’est le même genre de questionnement qui justifie l’existence du sacrement de confirmation dans les autres pratiques).

Match nul, donc!

Il était clair que nous avions nos deux (fortes) individualités à concilier sur le long terme pour progresser ensemble, et que la main-mise de l’une sur l’autre ne nous conduirait pas à l’équilibre. Nous avons finalement admis nos différences… comme des enrichissements! c’est à cette époque que nous avons commencé à aller voir deux films différents au cinéma, à lui l’action, à moi le sentiment… et le plaisir d’avoir deux films à se raconter après. Pour nous ressourcer après une semaine à travailler comme des dingues sur nos projets de recherche et les projets industriels qui les accompagnaient, j’allais marcher dans la nature, il allait bricoler dans la cave, moi la contemplative, lui le créatif… et nous sommes devenus sereins et respectueux l’un de l’autre, et de plus en plus complémentaires.

C’est tout bête, mais quand on l’explique aux autres couples, à part les vieux qui ont construit 40 ans de complicité sur de telles différences et qui nous regardent comme si c’était une évidence, on passe pour des extra-terrestres.

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Ainsi accordés et équilibrés, nous avons pu construire énormément tant dans notre travail que dans notre famille, ce qu’il faut que j’explore encore dans les pointillés…

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Et Dieu s’effaça dans la brume

Alors j’ai lu… de la science fiction, des essais. Des écrits de savants disant leur foi. Mais aussi des livres donnant un éclairage nouveau à la vision du monde de mes 20 ans, comme La Mélodie Secrète, ou L’homme qui devint Dieu.

Puis, une énième nuit de discussion, face à 3 potes agnostiques, nous avons parlé de la vie après la mort, suite à je ne sais plus quelle sortie d’un film Alien où l’héroïne se suicide pour tuer l’alien dont elle était enceinte. La mort les terrorisait tous les trois, au point qu’ils ne comprenaient pas ce geste dans le film. En fait, ils espéraient au contraire qu’à terme, la science et la technologie permettrait de l’abstraire un jour en donnant accès à l’immortalité à leurs consciences incarnées.

Et moi je ne les comprenais pas.

J’étais certes angoissée comme eux, mais de mourir déjà demain, parce que cette mort-là aurait fait que ma vie n’aurait pas eu de sens – pas eu le temps de donner la vie, tant de beauté à découvrir encore; mais si cette mort, même demain, avait soudain un sens comme de permettre à d’autres de vivre au prix de mon seul sacrifice (ce qui était clairement le cas dans le film), je pouvais alors l’envisager avec davantage de sérénité (du moins abstraitement!), voire la considérer comme nécessaire.

Plus généralement, la mort me semblait s’intégrer comme une simple étape au sein d’un cycle immuable et naturel contre lequel je ne voyais pas l’intérêt de me révolter, et il me semblait intuitivement que l’unicité (ici) et l’éphémère (maintenant) de ma conscience était une simple illusion égocentrique qu’il fallait dépasser pour vivre sereinement. En sciences, le principe de conservation de l’énergie stipule que "rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme"… je l’utilisais comme analogie, car il exprimait en fait assez bien ma conception de la conscience (ou de l’âme en terminologie chrétienne).

Et là ils se sont moqués de moi… tes convictions, m’ont-ils expliqué, ne sont pas catholiques. Tes histoires de cycle naturel et immuable, d’harmonie et de nature… on dirait du bouddhisme!

Et là, j’en ai eu marre. C’est vrai que dans ma perception de l’âme et de la mort, le paradis et l’enfer ne me parlaient pas du tout. Si encore j’avais pu faire de la théologie pour approfondir les mystères de la foi catholique! mais non, les séminaires, c’était pour une élite exclusivement masculine. Au moins, les écoles d’ingénieurs étaient désormais ouvertes aux filles… voilà qui m’incitait sans hésitation à choisir mon camp!

C’est ainsi qu’à 20 ans, j’ai laissé tomber la pratique du catholicisme qui me conduisait à trop de contradictions intellectuelles.

Je suis devenue agnostique.Eglisedanslabrume_2

Dès lors, pour moi spécifiquement car je continuais de respecter les convictions des autres (surtout si je jugeais qu’elles leur faisait du bien à l’âme comme je l’avais expérimenté moi-même), Dieu s’effaça dans la brume.

                         Ni tout à fait absent,

                              ni tout à fait présent,

                                       juste flou et lointain…

    

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Le temps des Lumières

Suite à ma confirmation, j’ai continué ma recherche spirituelle. L’expérience m’avait tant convaincue que je m’étais engagée pour encadrer la préparation des générations suivantes. Je participais aussi à différents rassemblements de jeunes catholiques – fêtes diverses, pélérinages.

CiergeSur un plan plus personnel, je retournais souvent me recueillir dans l’église de la confirmation, car elle était au milieu des 2km séparant le lycée de ma maison, et c’était une étape pour moi pour méditer mes soucis de la journée et retrouver une certaine sérénité entre ces deux sphères de relations aux autres -mes camarades et les profs d’un côté, ma famille de l’autre – qui m’étaient alors si compliquées. 

Mais peu à peu, je devenais adulte. Après le bac, j’ai quitté la maison pour aller étudier à quelques 200km. C’est en procédant par élimination que j’avais choisi ma voie: je voulais un métier avec des débouchés, j’étais trop timide pour faire du commerce, trop phobique à la vue du sang pour faire médecine, et comme j’étais bonne en maths et en physique, le choix d’une école d’ingénieur s’était imposé assez naturellement.

C’est alors que j’ai commencé à faire le grand écart.

D’un côté, la Foi: cette conviction intérieure, ce vécu si fort derrière mes pas d’alors, et pourtant indicible. Croire…

De l’autre côté, la Science: celle qu’on m’inculquait au jour le jour – physique, chimie, algèbre, mécanique – mais surtout l’esprit scientifique dans lequel je baignais du matin au soir dans ce milieu d’étudiants passionnés de maths, de sciences, de technologie; s’interroger, proposer des hypothèses, expérimenter, valider ou invalider, conclure; mais aussi, échanger, discuter, critiquer. Réfléchir…

Il est difficile de résumer en un paragraphe les heures innombrables et le plus souvent fort avancées dans la nuit, parfois même à la veille d’examens ce qui donnait encore plus de piment à l’expérience, que j’ai passées en résidence universitaire à discuter sans fin de la nature de la conscience et la capacité de l’homme d’en créer une artificielle, ou de la transférer dans une machine, du chat de Schrödinger, de la théorie du chaos et des fractales, de la peur de la mort, du mystère de la foi, de l’existence de Dieu… Mes camarades étaient tous devenus agnostiques, voire athées, au cours de leur maturation, et moi avec ma bonne foi catholique, j’étais un mystère pour eux: comment pouvais-je concilier sans conflit mes convictions scientifiques et mes convictions religieuses?Fractale

Evidemment, nous n’avons rien inventé: les arguments avaient beau être parfaitement logiques, nous partions d’hypothèses de base différentes – Dieu existe, ou Dieu n’existe pas – et il était impossible de valider, ou invalider, l’une ou l’autre de ces hypothèses dans la limite de notre expérience.

Et de l’autre côté, quand je rentrais le week-end, je tournais en rond. Des confirmants que j’accompagnais me regardaient avec de grands yeux étonnés quand j’essayais d’expliquer que non, la notion de Dieu ne se confine pas à celle du bonhomme à grande barbe planté sur son nuage qui surveille leurs faits et gestes, et qu’il serait temps de s’intéresser au 3ème élément nettement plus abstrait de la Trinité, ce fameux Esprit si difficile à mettre en mots mais que je leur souhaitais tant de rencontrer. Peine perdue? la plupart étaient là parce que leurs parents les avaient envoyés là… la dimension bassement culturelle de la religion me sautait soudain en pleine figure…

J’ai commencé à douter.

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La transmission des 7 dons – célébration

Si vous avez loupé le début, l’exploration de mon parcours spirituel commence ici

14h29. Les pieds sur les pavés bruns du parvis, aux bords arrondis usés par d’autres piétinements au cours des siècles, je regarde l’heure, car il me semble que je dois mémoriser tous les détails de ce jour-là. Je suis dans le petit groupe à qui la décoration de l’église a été confiée, et le responsable de l’animation musicale vient de se joindre à nous. Il se présente. Je ne le connaissais pas; il me frappe par la force tranquille qu’il dégage. Je crois qu’il fait partie des gens qui ont une aura quasiment perceptible par le commun des mortels. Mais il en est inconscient. C’est un messager.

Nous passons l’après-midi à décorer l’église, des panneaux de nos poèmes et credos, de dessins colorés figurant la descente de l’Esprit sur le groupe, de bouquets de fleurs que j’arrange au gré de leurs couleurs, au hasard de mon inspiration du moment. Je ne connais pas cette église, de l’autre côté de la ville, mais elle respire une profondeur inhabituelle. J’ai l’impression de percevoir le passage des âmes venues prier ici depuis des générations dans ses dalles et ses boiseries. Il y règne une grande sérénité.

Mais le temps n’est pas au recueillement, le temps est à la fête! cette église, nous allons l’animer formidablement ce soir, avec tout l’éclat et le dynamisme que notre jeunesse réclame. Les fleurs, les panneaux de couleur, bien sûr; mais aussi un son-et-lumière, pour la mise en scène théâtrale qui s’impose pour frapper notre génération télé-stéréo de la puissance du souffle de l’Esprit-Saint qui va descendre sur nous. C’est le messager qui a la responsabilité de ce spectacle, et tandis que nous finalisons la déco, il peaufine ses répétitions. Dans le petit groupe, l’excitation monte, les yeux brillent, on rigole. Enfin tout est prêt; une petite pause dans le café d’à côté, puis tout le monde rentre souper et se préparer, car la cérémonie aura lieu en soirée.

Quand je reviens, il fait nuit, il fait froid. Les miens rentrent dans l’église, avec les familles. Nous restons sur le parvis, attendant que vienne enfin l’heure de notre entrée solennelle dans l’église illuminée où l’évêque va nous accueillir.

Car le sacrement de la confirmation fait partie des sacrements que seul l’évêque peut donner, ou si nécessaire son représentant, mais ce dernier doit être explicitement nommé par l’évêque pour le remplacer. Les prêtres ordinaires peuvent baptiser, confesser, marier, enterrer, soigner les malades, donner la communion; mais pas confirmer.

Ce n’est pas un sacrement anodin.

Tout cela m’intimide. Je me sens bizarre, j’ai un noeud dans le ventre. Serai-je à la hauteur? j’ai tellement de doutes sur ma valeur, ma capacité à faire le Bien, à avancer vers la Lumière. Comme tous les confirmants, j’ai écrit une lettre justifiant ma démarche à l’évêque. C’était la dernière étape de la préparation. Ma lettre était très longue, plusieurs pages, car j’ai voulu exprimer toute cette difficulté de discernement, et en même temps, dire combien j’ai envie de chasser définitivement mes idées noires, mes angoisses, ma peur du Mal, pour progresser vers plus de force, de sagesse, de bonté.

Peut-être que ma lettre va lui faire peur. Peut-être que je ne suis pas prête.

Toutes ces pensées se bousculent dans ma tête. Sous le porche, je croise le messager. Il a dû percevoir mon angoisse et mes doutes, ils doivent se lire sur mon visage inquiet: il hausse les sourcils, interrogateur: "çà va?".

Oui, çà va… sourires. Je me détends.Venu_esprit

C’est en musique et en lumière que nous entrons dans l’église qui est pleine ce soir. C’est magnifique, c’est grandiose! les chants, les lectures, la liturgie s’enchaînent dans cette ambiance festive: il y a une énergie, une joie incroyable dans cette cérémonie.

Vient le moment du sacrement lui-même. Pénombre et silence. D’abord, l’évêque invoque l’Esprit-Saint – puis il impose les mains sur les confirmands en évoquant les 7 dons du Saint-Esprit que nous allons recevoir: sagesse et intelligence, conseil et force, science et piété, et la crainte de Dieu. C’est par un grand fracas et une grande lumière que sa descente est symbolisée. Alors, un par un, nous allons à la rencontre de l’évêque, afin qu’il marque notre front d’un signe de croix avec le Saint Chrême.

Quand vient mon tour, je lui dis mon prénom; il me sourit: il a lu ma lettre, et il m’encourage.

Que m’a-t-il dit exactement? pendant des années, je me suis accrochée à ses mots dans les moments de doute. Puis je les ai oubliés! j’ai retenu tous les autres détails, mais pas ceux-là! reste l’essentiel: la conviction d’avoir un long chemin devant moi, mais que ce chemin est le bon.Confirmation

J’ai reçu le sacrement – mon front est huileux. Je regagne ma place.

Et… je tremble. Je tremble, je tremble! je ne peux plus m’arrêter de trembler, comme si toutes les vannes de mes émotions les plus fortes s’étaient ouvertes.

Depuis, en m’intéressant aux médecines énergétiques, j’ai lu que ce type de réaction peut se produire lors d’un puissant travail sur les chakras. En l’occurence ici, probablement les 7eme (imposition des mains) 6e (onction sur le front) et 5e (mention verbale de la descente de l’Esprit Saint dans le coeur).

La cérémonie s’achève comme elle a commencé, dans la lumière et la musique, dans la joie et l’énergie. Nous sortons aussi solennellement que nous sommes entrés, mais cette fois, chacun avec une petite bougie allumée dans les mains – symbôle de la lumière de l’Esprit que nous portons plus fortement en nous désormais.

La petite flamme dans mes mains est encore un peu faible et vacillante, comme mon corps qui tremble. Mais elle est brillante.

J’ai gardé précieusement cette bougie pendant les quelques années qui suivirent, où je poursuivis, mais vainement cette fois, ma quête spirituelle dans le catholicisme: ce sera l’objet du prochain épisode…

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La transmission des 7 dons – préparation

Dans le diocèse où j’ai grandi, dans les années 80, c’est à 15 ans révolus que l’on pouvait préparer le sacrement de la confirmation. A cet âge, ne restaient plus guère que les enfants de bonnes familles pratiquantes, plutôt bourgeois et quasi tous scolarisés dans le privé, pour qui la confirmation était une évidence comme la messe du dimanche. Il y avait aussi toutefois quelques ados plus atypiques, par exemple de rares (nous étions en Bretagne) immigrés latins étonnés de l’extrême laïcité, voire de l’anti-cléricalisme, de la culture française, et impatients d’imiter leurs parents et cousins confirmés dans la foulée de la communion solennelle. Et bien sûr nous étions aussi quelques-uns à venir dans une démarche plus individuelle, curieux électrons libres à la recherche d’un engagement spirituel personnel ou d’un approfondissement de notre bonne foi d’enfant.

La préparation se faisait sur une année sous forme principalement d’ateliers mensuels le samedi après-midi: études de texte, rédactions de poèmes ou de courtes histoires, dessins, chansons, discussions et débats, sur un sujet tel que la vie en société, notre projet de vie, notre engagement de chrétien, etc.  Bien sûr, le thème central auquel tous ces sujets revenaient finalement était le Saint Esprit, divin porteur de sens, de sagesse et de force dont tout baptisé bénéficie des premiers bienfaits, mais que la confirmation devait renforcer ad vitam aerternam.

J’étais ravie de cette notion bien abstraite qui exprimait enfin les sentiments, sensations, émotions du divin que je ressentais, et qui étaient si difficiles à décrire avec des mots de tous les jours. Je crois que je devais être un peu mystique dans le fond!

De plus, j’étais heureuse dans ce groupe comme nulle part ailleurs, loin de mes doutes et questions existentielles. L’ambiance y était beaucoup plus chaleureuse qu’au lycée, et c’était un espace de construction personnelle et de liberté loin des parents, même si des adultes nous encadraient, car la plupart était à peine plus âgés que nous – animateurs MEJ, séminariste, étudiants…

Kersaliou_1La cérémonie devait avoir lieu en novembre. Le dernier temps fort de la préparation était, en septembre, une retraite d’un week-end dans un château en bord de mer. En deux jours, le groupe finissait de sceller son "Esprit" au moyen d’une randonnée-jeu de piste et de réflexion, de repas et d’une belle veillée en commun animée de guitares et chants, d’ateliers approfondis, et d’une célébration.

Et j’eus pour ma part la chance supplémentaire de vivre là-bas une jolie expérience personnelle, de celles qu’on garde bien au chaud dans son carnet de vie. Moi qui suis une vraie marmotte impossible à sortir de dessous la couette au petit matin, ce dimanche-là dans le dortoir, je me réveillai au petit jour, en grande forme et  pleine d’allant. Comme tout le monde dormait encore, je décidai de sortir doucement pour aller marcher au dehors.

C’était un de ces beaux matins d’automne, à peine brumeux, et mes pas me conduisirent naturellement vers la plage en contrebas pour admirer le lever du soleil, car elle donnait à l’Est. Sans doute était-ce une grande marée montante d’équinoxe, car de larges vagues régulières se succédaient bien haut sur la plage. Et tandis que je leur faisais face, le soleil s’éleva, magnifique sphère de lumière encore mêlée aux rouleaux d’embruns et d’écume, dardant aux travers de l’eau des rayons aux couleurs chaudes qui me semblaient ainsi directement adressés. Le vent dormait encore, et tout l’air de ce matin respirait la sérénité. Je restai là de longues minutes à respirer, à vivre simplement, parfaitement heureuse d’être en ce lieu-là à ces instants-là.

Sunrise_1 Quel moment magique! il n’en fallait pas plus pour achever de renforcer mes convictions les plus positives. Je crois que pour un peu, j’aurais vu l’Esprit-Saint partout, si je n’avais pas avant tout le caractère à bien garder les pieds sur terre dans ma vie quotidienne. Evidemment, je me réjouissais vraiment de vivre l’étape ultime, ce fameux sacrement qui finaliserait mon parcours spirituel dans la foi catholique, l’affermissement de la confirmation avec la transmission des sept dons de l’Esprit, le jour J… qui fera l’objet du prochain épisode!