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Ils rêvent de gagner à l’Euromillion – moi pas

Les doutes de Desperate Workwife sur son rapport à l’argent lus au travers de ma corvée des factures mensuelles ce dimanche après-midi a mis le sujet sur mon tapis… devrions-nous tous donc rêver de gagner à l’Euromillion pour débarasser nos dettes et être à jamais (ou du moins sur plusieurs générations) à l’abri de la peur du lendemain qu’exprime si justement Desperate Workwife:

Donc, comme certainement beaucoup de nos semblables, nous donnons l’image d’une famille bourgeoise, aisée, sans difficultés, jouissant de situations solides, etc. A l’intérieur, le doute sur notre avenir, notre peur d’avoir fait des paris risqués nous ébranle et nous fait vaciller. On se rassure comme on peut, en se disant qu’après la prochaine déclaration ce sera forcément plus souple, on s’en sortira, que ces années de rattrapage sont particulièrement difficiles, etc…

Le fait est que, avec le report de la cagnotte Euromillion toujours pas gagnée, collègues, voisins, commerçants autour de moi m’ont l’air tout excités…

Mais moi, je ne joue pas à Euromillion.

Je suis complètement hermétique à ce genre d’espoirs. Je suis beaucoup trop lucide sur l’impact qu’un gain de 200 millions aurait sur ma vie, même si une bonne partie part aux impôts (en Suisse).

Je me trouverais projetée dans le clan des (très) riches. Je devrais équiper ma maison d’alarmes (ou mieux déménager), mettre mes filles dans une école privée par peur du racket, me prendre la tête à contrôler que des gestionnaires de fortune ne sont pas en train de m’arnaquer… Euromillion

Mais surtout, je serais en décalage avec ma famille, mes relations, mes amis d’hier et d’aujourd’hui; et j’aurais toujours un doute sur la motivation cachée dans les relations à autrui… l’argent compte dans les relations sociales, familiales, amicales. Mari Charmant a fait quelques périodes de chômage dans son parcours, avant de réussir à monter son business. Il a vu terriblement clairement comment les gens se comportaient différemment au cours du temps: méprisants devant le "looser" qui ne le fréquentaient plus que parce qu’à travers moi, restée dans la boucle des salariés méritants; puis quand le vent a changé, clairement intéressés devant le "winner" devenu susceptible un jour de les embaucher (ils peuvent toujours courir: il ne leur a pas pardonné!). L’idée de me faire bouffer le restant de ma vie par tous un tas de parasites espérant récolter des miettes ne m’enthousiasme absolument pas…

Par ailleurs, il m’arrive de descendre dans un hôtel 4 étoiles à l’occasion de conférences professionnelles, mais je m’y sens toujours mal à l’aise de croiser indifféremment dans le couloir les femmes de ménage à la vie laborieuse et des "femmes de luxe" aux bijoux présomptueux. En fait, je me sens plus proches des premières, je leur dis toujours bonjour… Elles me rappellent les femmes que je côtoyais sur la chaîne de mon premier boulot d’été, simple case "stage ouvrier" pour moi dans mon parcours de formation d’ingénieur, mais tout leur avenir sans autre horizon probable pour elles. On papotait un peu à la pause: elles avaient 20 ans comme moi, mais souvent déjà des gamins à nourrir, habiller, éduquer… et à la fin du mois, comme elles étaient pour la plupart intérimaires, elles tremblaient d’angoisse devant le verdict du patron venu annoncer dans l’atelier s’il les reprenait ou pas, selon la marche des affaires… je n’ai jamais autant mesuré la chance d’avoir un autre parcours (merci l’école).

Quand aux autres, les "femmes de luxe", de toute façon, elles m’ignorent si elles me croisent: je n’ai pas le bon look, les bonnes manières, les codes sociaux-culturels des hautes sphères. Je ne suis pas à l’aise, gauche et malhabile; elles le sentent. Pourtant j’ai appris, cela va beaucoup mieux qu’il y a 10 ans; on ne me surnomme plus Bécassine (c’était gentil, mais juste!). Pour moi, devoir naviguer dans le beau monde, c’est une vraie corvée: je suis convaincue qu’être multi-millionnaire me dénaturerait.

Enfin, je ne pense pas que l’argent rende plus heureux, même si le manque d’argent rend la plupart du temps plus malheureux. Je crois, par contre, que le travail rend heureux, quand il est choisi et pratiqué avec conscience. Le goût du travail bien fait, le plaisir de se savoir utile: comme le chantait si bien Lavilliers, si demain par aventure, je devenais super riche…

J’voudrais travailler encore – travailler encore
Forger l’acier rouge avec mes mains d’or
Travailler encore – travailler encore
Acier rouge et mains d’or

J’peux plus exister là
J’peux plus habiter là
Je sers plus à rien – moi
Y a plus rien à faire
Quand je fais plus rien – moi
Je coûte moins cher – moi
Que quand je travaillais – moi
D’après les experts

… conclusion: l’euromillion… je le laisse aux autres!

   

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Répit pour l’ancêtre

L’ancêtre est sauvé. Je l’ai appris de source sûre il y a quelques semaines.Epicea_2

Bien sûr, la décision nous appartenait. Mais je me voyais mal me fâcher avec mes futurs voisins à cause de lui.

Bien sûr, Lili avait décrété que c’était SON arbre, mais on lui en aurait trouvé un plus joli, à la place de ce mastodonte tout fourchu et étêté.

Bien sûr, on y aurait gagné un peu de soleil dans la soirées du solstice estival, mais on n’a pas de terrasse de ce côté, de toute façon.

Bien sûr, il est protégé par l’Office Fédéral de l’Environnement, comme tous les autres grands arbres du coin. Mais… "dans la mesure du possible" dit le texte local. Ce qui n’est pas du tout une garantie de survie, du coup, vu que sur les 5 dernières années, ils en ont abattu 2 bosquets sur la piste, plusieurs autres sur la lisière de l’autre côté, ce matin, un arbre "tout sec" chez le voisin du coin, m’a dit le garde forestier pour me prévenir de la coupure de la route (la vérité est probablement que la récente mise en vente du chalet unusuellement luxueux du dessus donnait une valeur à 6 chiffres suisses à son abattage, car il gâchait le panorama…); et bien sûr, pour construire, les futurs voisins doivent abattre 3 ou 4 ancêtres qui mangent toute leur parcelle.

Bref, c’est l’hécatombe, donc il paraît qu’on va devoir préserver absolument l’ancêtre du fond plus que quelques autres situés à des endroits moins stratégiques. Condition sine qua non pour l’abattage chez les futurs voisins.

C’est puéril… mais quelque-part, cela me soulage: je pense, à en juger par son épaisse écorce ridée et sa circonférence impressionnante, qu’il n’a pas loin des 500 ans réglementaires atteints par cette espèce. Je me plais à l’imaginer bébé, poussant à la Renaissance, puis vigoureux dans le Siècle des Lumières, puis mâture à la Révolution Industrielle, puis vieillissant dans le chaotique 20ème siècle et toujours, au long de ces décennies, imperturbable dans un paysage bucolique enneigé l’hiver, en compagnie des vaches l’été. Jusqu’au tournant du millénaire, où il a vaillamment résisté au dévastateur Lothard qui a pourtant rasé toute une colline de ses congénères, sous ses yeux, en face.

C’est alors que nous sommes venus nous installer, à deux dizaines de mètres sur ses pieds, mais sans le déranger, même si ce faisant, ce sont peut-être les racines de ses ancêtres que nous avons délogées de l’argile de nos fondations dont une partie a été, ironie, coulée le jour même où les 2 plus hautes constructions d’une bien plus vaste cité humaine s’écroulaient, percutés par la folie des hommes…

L’épicéa est le symbôle de la naissance: j’espère ne pas le voir mourir.

Longue vie à l’ancêtre!

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Pause et projets

Pas très prolixe ce mois d’octobre – le quotidien m’a complètement débordée entre le boulot (cf Sisyphe) et quelques soucis domestiques majeurs genre mais-où-est-donc-passée-ma-femme-de-ménage (forcément, si elle a disparu, je dois aller dépoussiérer et détartrer au lieu de bloguer, ce qui n’a rien, mais alors rien, de réjouissant) et mineurs genre l’assureur-est-passé-avec-10-offres sur-tout-les-sujets-de prévoyance-possibles-et-imaginables (forcément, avec toutes les catastrophes possibles qu’il a dépeintes, on serait tenté de tout signer, mais comme on est des êtres doués de raison et pas seulement d’émotion, cela demande quand même un minimum de réflexion factuelle. Terriblement ennuyeux, mais nécessaire, et là encore, consommateur de mes si précieuses soirées…). 

Avec accessoirement une semaine de vacances au soleil au milieu de tout cela et quelques visites familiales… ben voilà, la tempête de foehn de lundi a fini d’arracher les feuilles aux arbres et je ne me souviens à peine les avoir vu jaunir.

Petit pense-bête tout de même pour quelques futures notes un peu plus spécifiques que je me promets d’écrire dès que je retrouve du temps:

– l’ancêtre de mon jardin est sauvé.

– Novembre m’inspire.

– Les plus âgés sont-ils plus sages?

– Papyrus #2 (une nouvelle encore à créer sur la ritournelle ci-dessous):

Trois soeurs

A la première, il manquait la beauté.

A la dernière, il manquait la santé.

La cadette avait tout hérité.

(à suivre…)

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Sisyphe

Sisyphe Je me sens comme Sisyphe ces jours au boulot: devant de lourdes tâches sans cesse recommencées. Je ne sais pas si c’est l’effet post-rentrée ou si décidément tout devient plus compliqué, mais il me semble que je n’arrête pas de sauter de tâche en tâche, en plus, elles se complexifient et les directions à suivre sont contradictoires (elles changent de jour en jour). Ce qui m’étonne le plus, ce sont les stratégies différentes que les gens adoptent face à ces situations cornéliennes.

Il y a les fatalistes, qui font l’autruche ou le mort; les agités, qui s’énervent et s’agitent en tous sens; les râleurs, qui commentent et critiquent; les sceptiques, qui attendent que çà se passe; et les pragmatiques, qui bricolent avec les moyens du bord.

Je suis aussi fascinée de voir à quelle dilution de compétences un boîte de taille pourtant réduite  peut rapidement arriver et à la difficulté de coordonner/gérer une telle ruche au jour le jour (sans parler de planification à long terme!).

Mais je continue de ramasser ma boule, la monter où je peux, puis je passe à une autre boule, je la remonte où je peux, puis… etc.

Faut que je relise Dilbert…

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Papyrus: “Fille du Poher”

Voici la nouvelle dont l’écriture a tout chamboulé dans ma tête cet été comme je l’ai expliqué dans une de mes premières notes. J’ai reçu la lettre du concours aujourd’hui: elle n’a pas été retenue, ce qui me permet de la publier librement ici (enrichie d’images et hyperliens: vive le multimédia!).

Qui sait, peut-être ce papyrus trouvera-t-il quelque écho chez un lecteur de passage… vos commentaires sont bienvenus.

Note: Les portraits illustrant ce récit sont des miniatures tirés de l’oeuvre magnifique de Sandrine Gestin, une jeune artiste d’origine bretonne que j’ai découverte sur la toile. Si vous cherchez des idées de cadeaux, elle a une boutique pleine de merveilles ici.

Fille du Poher

Elle était née dans un village du massif armoricain, si érodé que le granite affleurait dans la plupart des champs. C’est pourquoi la terre y était pauvre ; mais les hivers étaient doux, l’eau ne manquait jamais, et cette contrée à l’écart des cités de pierre où s’épanouit l’ambition des hommes n’était que rarement atteinte des guerres et épidémies que drainent leurs grands chemins.

Ainsi elle se savait fille, petite-fille et arrière-petite-fille de femmes dont les traits rappelaient les siens, et dont la vie s’était écoulée semblable à la sienne entre les mêmes collines et forêts depuis un temps incertain, au-delà de la mémoire transmise par les Anciens.

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De même elle se savait née de ses père et grands-pères, hommes robustes et taciturnes qui répétaient simplement le travail de cette terre ingrate sans lever les yeux vers d’autres horizons. Certes, de temps en temps, un fils ou un frère était parti, n’ayant plus de sillons à partager au sein d’une trop grande fratrie, ou malheureusement torturé par les démons de l’aventure comme parfois les jeunes garçons. Mais aucun n’était revenu : d’après les Anciens, le monde des morts commençait au-delà de la forêt ; leurs récits, inquiétants comme l’agonie de la lumière dans les gris après-midi de novembre, mettaient en scène un monde fantasmagorique mêlant les morts aux vivants et le sacré aux réalités naturelles plutôt que les exploits des héros chantés ailleurs, sans que cela n’étonne personne dans cette contrée de Bretagne encore ignorante de la culture, du savoir des savants, et même de l’histoire.

On rencontrait déjà bien assez la mort en travaillant, en enfantant et en vieillissant pour ne pas aller la chercher de son propre gré. Car c’était par les accidents, et les maladies, que le monde des morts se manifestait le plus souvent pour le plus grand malheur des vivants, que ce soit sur les animaux, les cultures, la forêt, ou pis encore, les gens. Certains de ces évènements étaient d’une nature particulièrement spectaculaire et traumatisante, comme les incendies ; et plus rapide, plus bruyante, plus brûlante encore que la plus forte des flammes, car venue directement du ciel : la foudre. Les autres éléments n’étaient pas en reste : l’eau, particulièrement vicieuse dans son habileté à reprendre aux mères leurs tout-petits marchant à peine dans les innombrables flaques, ruisseaux, puits et fontaines de ce pays humide; les cailloux, les rochers, et plus encore le métal extrait de ces derniers, par des blessures parfois mortelles lorsque les plus fougueux s’excitaient les uns contre les autres, poussés par les mauvais esprits ; et même l’air, qui se chargeait de pestilences autour des malades, hommes ou bêtes, pour en contaminer d’autres. Et cet air se déchaînait souvent, se mêlant à la pluie vicieuse pour rouiller les os tout l’hiver et même au-delà, dans ce pays sans franches saisons, soumis à la ribambelle des tempêtes atlantiques.

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Contre les peurs des Anciens, l’ambition des êtres les plus doués de ce peuple simple était donc non pas l’exploration des frontières du monde physique, mais, plus abstraite, la maîtrise du sacré, à travers les rites qui aidaient les vivants au détriment des morts. Cependant le passage entre ces mondes était une frontière perpétuellement mouvante, et la distinction entre le Bien et le Mal qui en définissait les équilibres subtils nécessitait la plus grande perspicacité. On en parlait peu ; certains rites se perpétraient transmis entre quelques élus, alors que d’autres se pratiquaient simplement en famille, les mères veillant scrupuleusement à leur respect : le culte des multiples saints et saintes aux vertus protectrices se mêlait ainsi intimement aux rites du christianisme primitif importé d’Irlande plus d’un millénaire auparavant.

http://www.sandrinegestin.com Dans ce monde elle avait grandi, enfant curieuse d’apprendre tant des récits intrigants des Anciens que des gestes assurés de ses parents. Ainsi sans cesser d’exécuter soigneusement sa part croissante des travaux quotidiens, elle observait les plantes et les animaux le jour, la lune et les étoiles la nuit. Car elle vivait plus ardemment que ses pairs, l’esprit sans cesse en éveil agité par des questions sans réponse dans sa langue rocailleuse, mais animée avant tout par la volonté de bien faire, de mieux faire, pour elle et pour les siens. En effet, dans les récits des Anciens, les hommes et les femmes qui l’avaient précédée, ambitieux comme elle d’action, de reconnaissance et de découverte, avaient mis leurs dons au service des leurs : Décider, Soigner, Savoir, Créer.

Mais le temps des Anciens n’était plus. Alors qu’elle grandissait, cette contrée oubliée fit l’objet d’évènements extraordinaires qui devaient marquer pour longtemps le destin de ses habitants. Tout commença par la visite d’un étrange missionnaire, un homme venu d’ailleurs, bien au-delà des collines et des forêts, mais qui avait appris leur langue rocailleuse pour mieux parler aux gens. Et il amenait avec lui des nouveautés propres à exciter la curiosité des enfants autant que des parents : des images aux scènes richement illustrées, des processions théatrales dont les plus fervents obtenaient de jouer les meilleurs rôles, et des cantiques, chansons construites sur des mélodies si populaires que tous les fredonnaient. Il emballa rapidement les foules, au point qu’on fut bientôt plus de mille à vouloir participer aux processions lors de ses visites, et comme c’était un homme juste et bon, il entra dans la mémoire des Anciens comme «an Tad Mad » : le bon père.

Pour elle, ce fut une révélation : alors que les Anciens n’usaient que de la parole la plus simple pour transmettre leurs savoirs, ces illustrations, ces processions, ces chansons frappaient tellement plus les sens ; et surtout, les visiteurs savaient les réponses aux questions insatiables des enfants les plus curieux ; ils leur parlaient du monde au-delà des forêts et des collines, de la Terre qui est ronde comme les astres du ciel, des territoires vierges au-delà de l’océan à l’Ouest, des quatre horizons ondoyant sous les blés dans les grandes plaines à l’Est, des montagnes si hautes que les nuages s’éventraient sur leurs neiges éternelles, ruisselant de cascades, sur les routes de Rome et de Saint-Jacques; et des constructions des hommes, cités magnifiques aux immenses cathédrales… voilà donc pourquoi les fils et les frères partis vers ces merveilles n’étaient pas revenus.

Mais surtout, les visiteurs portaient des livres, où ils savaient graver la parole qu’on leur confiait. Avec quel ravissement vit-elle son nom inscrit en belles lettres courbes comme les symboles dessinés par les constellations d’étoiles de ses rêveries nocturnes… tout juste fut-elle déçue de le voir si petit, tel de fines pattes de mouches qu’elle ne savait reproduire. Car ces lettres dansaient devant ses yeux sans signification, et brouillées par ses larmes de frustration devant ce savoir à jamais inaccessible : après ces jours de fête, elle reviendrait à ses tâches quotidiennes, condamnée à l’ignorance. Tout au plus, comme elle avait accouché peu de temps auparavant d’un magnifique garçon auquel on donna le rôle du divin enfant, son unique heure de gloire devait-elle rester sa prestation dans le rôle de Marie, dans la plus belle des processions menées par cette nouvelle ferveur.

Elle ne pouvait se résigner à la pérennité de ce destin injuste.

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Ainsi, dès lors, elle ne cessa d’encourager les siens vers un progrès dont elle imaginait les lumières et les bienfaits comme ceux du plus brillant des astres, référence naïve à ce lointain roi Soleil dont les fastes et les guerres nécessitaient toujours plus de taxes jusque dans ses collines et forêts reculées. Hélas, cet idéal l’engagea sur un long chemin douloureux, car dans son impatience elle négligea de bien mesurer les subtiles frontières entre le Bien et le Mal, le Juste et l’Erreur, malgré les avertissements de ceux qui savaient, Anciens et Nouveaux. Ainsi celui-là même de ses enfants qui faisait sa gloire et son plus grand espoir, ce fils magnifique et adoré, si brillant et plein d’énergie comme elle l’avait toujours été, passa trop vite, et fort vainement, au monde des morts. Pendu à un arbre à tout juste seize ans avant la moisson de 1675: les Bonnets Rouges avaient tenté la révolution un bon siècle trop tôt, en cette contrée de Bretagne, toujours ignorante de la culture et du savoir des savants… mais brutalement confrontée à l’histoire.

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Sa modeste histoire, elle, aurait dû s’arrêter là, comme tant d’autres. Mais elle puis ses filles continuèrent de vivre plus ardemment que leurs pairs, l’esprit sans cesse en éveil agité par des questions sans réponse, et animées avant tout par la volonté de bien faire, de mieux faire, pour elles et pour les leurs. Ainsi son histoire continue dans celles dont les traits rappellent les siens, et qui ont hérité ses rêves – rêves qu’à force de patience et de sagesse, leur temps enfin venu, elles ont réalisés, par-delà les collines et les forêts, et jusque dans les livres, puisque ce récit lui est dédié.

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Trous noirs, antimatière et particules mystérieuses

Dimanche tranquille, dehors le jardin tout détrempé et les nuages qui s’effilochent dans la vallée n’encouragent pas à enfiler même une paire de bottes. Du coup, j’ai consacré l’heure de la sieste à me documenter sur les nouveaux accélérateurs de particules dont Mari Charmant (physicien de formation, lui, pas comme moi) m’expliquait les nouveaux défis hier soir.

Lasphere

Le CERN finalise actuellement la construction d’un super accélerateur, le LHC, qui sera nettement plus performant que celui de New York, top du top actuel en la matière: le RHIC, objet de l’intrigue du roman de hard science fiction de Gregory Benford "La sphère" qui relate la création accidentelle d’un mini trou noir en labo et ses conséquences bien romancées.

Un des objectifs, si j’ai bien compris, est de reproduire pendant un temps infinitésimal (car disposant d’une quantité d’énergie infinitésiment plus faible, mais potentiellement suffisante d’après les avancées de la physique théorique de la dernière décade) les conditions qui suivirent immédiatement le big bang.

Cela peut entre autres conduire à la création de mini trous noirs qui, curieusement, ont la propriété de s’évaporer (?).

Comme le disent certains, c’est très excitant cette expérience, comme le saut à l’élastique… pour ma part, comme je suis un peu nombriliste et quelque-peu attachée à conduire ma destinée terrestre de façon tout-à-fait banale, l’idée d’un trou noir de labo à proximité de chez moi m’a initialement un peu perturbée, mais quand j’ai fait mine de m’en soucier, Mari Charmant a bien ri: si les théories sont fausses et qu’un mini trou noir peut bien être créé, mais ne s’évapore pas… habiter en Suisse ou ailleurs ne changera pas grand-chose au problème, car ces petites choses sont terriblement gourmandes… c’est toute la Terre qui sera avalée… on est tous dans le même sac, donc.

Lancement prévu en 2007: accrochez-vous!