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Loyale?

Il y a quelques mois, j’ai eu la curiosité de demander à mes parents quels étaient à leurs yeux ma plus grande qualité et mon plus gros défaut.

Mon père n’a pas répondu. Je suis toujours étonnée de voir combien il peut être bavard et tourné vers les autres tout en ne dévoilant rien de ses valeurs et convictions les plus profondes, même à ses intimes, il faut tout deviner par une fine observation, et encore, on ne sera jamais sûr de rien. Cette question-là était trop directe: il a esquivé, comme toujours si habilement qu’on ne s’en est même pas rendu compte!

Ma mère a joué le jeu par contre, sans préméditation, et le résultat m’a beaucoup surprise, surtout par sa spontanéité et son assurance: pour la qualité, je suis fidèle (elle a cherché d’autres termes plus précis ensuite, style "loyale", et elle a encore ajouté "travailleuse"), pour le défaut… tous ceux de mon père, qu’elle ne veut pas énoncer, mais elle dit cela en rigolant. (Donc, pour le défaut, lire entre autres le paragraphe ci-dessus. Sauf que je ne crois pas être bavarde. A part ici – lol)

Fidèle, moi? quelle étrange miroir elle me renvoyait là. Je suis partie à plus de mille km d’elle, j’oublie parfois de téléphoner le dimanche, je ne viens pas pour Noël et j’ai passé quelques étés sans mettre les pieds chez eux malgré l’attrait de leur côte bretonne à cette saison. Mais peu importe ces détails sans doute: après tout, je ne l’ai jamais trahie ou abandonnée (quelle drôle d’idée d’ailleurs – je me sentirais effectivement bien incapable de trahir ou abandonner ma propre mère!).

J’ai rangé cela dans un coin sans plus y penser, jusqu’à ce jour où j’ai eu la curiosité de faire un test de personnalité orienté bilan de compétences professionnel (eh oui c’est le même test qui tourne sur les blogs ces jours-ci). Car voilà ce qui est sorti du test, en terme de qualités inhérentes à ma personnalité, et dans cet ordre:

honnête, intègre; fiable; loyale; respectueuse des autres; souple, adaptable; fine, habile; réfléchie; observatrice; dotée d’un fort esprit d’analyse; intuitive; capable de prévoir et d’anticiper; dotée du sens de l’humour, notamment un humour un peu ironique.

Alors là, j’ai été vraiment étonnée. Je connaissais bien une partie de la liste, qui ressort dans mes évaluations de fin d’année au boulot, mais cette emphase sur la loyauté et la fiabilité exprimant finalement exactement ce que ma mère avait voulu exprimer en cherchant le mot juste m’a vraiment surprise.

Comme quoi, rien de tel qu’une mère pour connaître son enfant, même de 35 ans et n’ayant plus toutes ses dents!

PS: pour les défauts, qui vont avec d’ailleurs… ce sera une autre note 😉

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Belle du Seigneur et Proust (encore!)

Voilà déjà quelques semaines que mon début d’échange littéraire avec LadyR s’est arrêté sur la promesse d’une note concernant "Belle du Seigneur" d’Albert Cohen, cet autre vaccin anti-romantisme qui me préserva sans doute de bien des désillusions amoureuses par la suite.

Donc, ayant cette note sur le feu (ou plutôt, encore au frigo) et rien de plus urgent à mettre sous la dent des quelques lecteurs de ce blog, je me décide ce soir à m’y attaquer sérieusement. Sur un sujet de ce type, ma première démarche est toujours de chercher un peu de documentation pour enrichir ma propre réflexion, alors que je commence par googler ["belle du seigneur" site:.blogs.psychologies.com] au cas où dans le coin quelqu’un aurait déjà fait une note sur ce roman.

Effectivement, je trouve une note de Charlotte sur son blog "Le démon des mots", datant d’octobre, et surtout, le commentaire suivant:

"(…)Je mets aux côtés d’Albert Cohen cet autre immense écrivain qu’est Marcel Proust qui, comme Cohen a su montrer l’homme dans ce qu’il a d’universel : petitesse, jalousie, gout du pouvoir, vulgarité…"

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A quoi servent les coincidences?

C’est par une série de coincidences que l’on rentre dans "La prophétie des Andes". C’est ainsi que le premier chapitre est construit, mais ce qui est plus amusant encore, c’est que la légende construite autour de ce roman fait que nombre de ses 20 millions de lecteurs témoignent ici ou là de la série de coincidences… qui les ont conduits à ce livre.

Et voilà que je fais partie du club! et encore, dans ma note d’hier, j’ai oublié de préciser que j’avais mis le livre dans ma valise après avoir lu la rubrique "Le livre qui a changé ma vie" d’un Psychologies Magazine d’il y a quelques mois (vu mon retard chronique de lecture… cela devait être le numéro de décembre 2006).

La page Wikipedia sur la synchronicité donne de bons points de départ pour explorer le sujet. J’y ai retrouvé les références à Carl Jung, dont les théories m’ont toujours parlé à l’inverse de celles de Freud (mais bon, je ne suis pas formée en psycho, il doit y avoir des subtilités qui m’échappent). Mais aussi les références d’études sceptiques, et un intéressant article de Psychologies Magazine qui oriente le sujet sur un outil de développement personnel, de "conscientisation".

Car c’est cela qui est intéressant avec les coincidences, à mon avis. Voilà mon analyse: c’est dans notre tête que nous mettons en relation des évènements qui n’ont pas de causalité, de relation scientifiquement avérée. Que ces évènements soient reliés effectivement sans que cela soit formalisable avec nos connaissances scientifiques d’aujourd’hui relève donc clairement de la foi (=croyance). Mais sans chercher le "pourquoi", si on regarde le "comment", cette mise en relation, que nous appelons spécifiquement "co-incidence", est une opération explicite de notre intelligence. Nous percevons l’"incidence" de différents évènements dans le monde qui nous entoure, et nous les mettons en relation: "co-".

Pour que cela se produise souvent, il nous faut donc

1) interagir avec ce monde, le plus richement et le plus finement possible, pour percevoir un maximum de ces incidences (et donc se donner plus de chances de rencontrer des improbabilités statistiques de combinaison): noter, mémoriser, classifier tous ces évènenents (qui sont parfois de simples pensées, voire des rêves, à peine formalisés dans notre cerveau).

2) connecter ces évènements: les mettre en relation, rechercher une éventuelle causalité, et à défaut, s’interroger sur la "synchronicité" non causale de ces évènements pourtant clairement reliés dans notre perception. Ce qui peut conduire à tout un enrichissement de vie intérieure, qui conduira certains à Dieu, d’autres simplement à une grande richesse d’esprit -analyse et synthèse-, d’autres plus loin encore à une meilleure connaissance de soi, du monde et des autres, etc…

J’aime bien dans ces conditions le terme de "conscientisation". Les synchronicités me paraissent n’avoir de sens qu’avec le pré-requis de la perception et de la conceptualisation par un être vivant – i.e. sa conscience.

Plus on est conscient, attentif et réfléchi, sur le monde qui nous entoure, nos relations aux autres, et nos mécanismes de pensées internes (mémoire, émotions, volontés…), plus on peut observer ces "synchronicités".

D’où, à juste titre, leur utilisation en développement personnel (conscientisation), car en développant l’observation de ces coincidences, on développe forcément la perception ("incidences") et l’intelligence ("co-").

Alors… amusez-vous bien…

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Faut vraiment que je le lise…

Au coeur de cet hiver, j’avais croisé une note de Carole sur le "forum-liberté" qu’elle animait alors (et qui a disparu depuis apparemment) sur le livre et le film "La prophétie des Andes", qu’elle n’avait pas trouvé intéressant, mais qui semblait être une référence connue de tous. Curieuse d’en savoir plus, j’avais cherché sur google plus d’informations, et découvert que ce roman était effectivement un best-seller et souvent utilisé à des fins de développement personnel, bien qu’il s’agisse d’un récit de pure fiction.

CelestineVoyant que certains lecteurs se plaignaient de la piètre qualité de l’écrit dans sa version française, je cherche alors à savoir si la version anglaise était plus intéressante, pour l’acheter en VO le cas échéant. Et là, surprise, le titre anglais "The celestine prophecy" me rappelle un livre trouvé l’an passé à la foire des bouquins d’occasion organisée chaque année dans mon village au profit des paysans de montagne, et stocké dans ma petite bibliothèque en réserve pour le jour incertain où je reprendrai vraiment le temps de lire des romans… je grimpe au galletas, et effectivement, en deux minutes chrono, je le retrouve, c’est bien lui!

Et je le mets de côté pour les vacances.

Et les vacances arrivent, mais j’ai croisé un essai et des magazines en route qui me détournent encore de cette lecture.

Vient enfin ma semaine de formation. A tout hasard, je le mets dans la valise, pour lire à l’hôtel le soir.

Et j’arrive à l’hôtel, mais avec mon ordinateur portable et un document à délivrer pour le lendemain matin pour ne pas bloquer mes collègues sur un projet multi-partite urgent. Malgré mon lever dans la nuit, le voyage et ma journée de cours, je règle les points les plus faciles, puis je me couche et je me lève encore tôt pour attaquer la partie difficile l’esprit clair et livrer la spécification à 8h, avant de retourner en cours. Pas le temps de lire, bien entendu. Ce sera encore pour les calendes grecques.

Sauf que…

J’ai perdu ma veste. Enfin, pas exactement. J’ai égaré ma veste que je retrouverai le lendemain matin après une série de quiproquos improbables. Et dans ma veste il y avait mes clés. Et ces clés me permettaient d’ouvrir ma voiture. Dans laquelle était resté mon ordinateur…

Je me suis ainsi retrouvée à faire le pied de grue, les mains vides, pendant une éternité, à attendre un taxi qu’on m’avait en fait commandé pour une destination erronée, à quelques dizaines de mètres de mes clés que personne ne savait retrouver, en regardant inquiète ma voiture restée toute seule au milieu d’un parking isolé avec l’incongruité de ses plaques suisses dans une région où il n’est pas rare de brûler des véhicules à la moindre saute d’humeur sociale. Pas bon…

… mais j’ai décidé de le prendre avec philosophie: advienne que pourra. Je me suis aussi demandé, dans ce temps mort interminable propice aux pensées vagabondes, si Benoît le cocreateur avait retrouvé ses clés, et je me suis promis de le lui demander dès que je récupèrerai un accès à la blogosphère. En fait, ce ne sera pas nécessaire. Deux heures après que j’aie retrouvé mes propres clés, il publiera sa propre clé de l’énigme! et moi je le découvrirai le lendemain… morte de rire!

Car entre-temps, forcément, privée de mon cordon ombilical informatique au boulot, je n’ai pas d’autre choix pour occuper ma soirée que de prendre ce fameux bouquin.

Dont j’aurai le temps de lire la première révélation (fictive, pour mémoire) ce soir-là:

Devenir éveillé aux coïncidences qui se présentent dans nos vies.

Tout un programme…

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Du confidentiel à l’universel

Solar_system2 Les médias suisses étant moins obnubilés par la campagne présidentielle (quoique…), ils ont consacré pas mal de temps à la découverte d’une planète habitable à 20 années-lumière, annoncée il y a quelques jours.

Ainsi ce matin une intéressante petite note dans la petite tranche quotidienne consacrée aux infos religieuses après le journal de 6h30 et avant les nouvelles du sport sur la RSR (Radio Suisse Romande): comment les religions appréhendent-elles l’éventualité d’une vie extra-terrestre?

Mon beauf avait mis le sujet sur la table à l’occasion du baptême de son fils, et obtenu du prêtre catholique, un ami de longue date, la réponse dogmatique à peine nuancée; le fait que les 3 grandes religions monothéistes se nourrissent à la même source d’histoire-géo ne peut être un hasard, mais le signe d’une volonté d’ordre supérieur.

Ce que les extra-terrestres reconnaîtront certainement: comme quoi il y a encore, potentiellement, des perspectives pour l’évangélisation. Et au passage, la RSR m’a fait découvrir un intéressant personnage dont la mort sur le bûcher pour hérésie n’a heureusement pas effacé la libre-pensée du patrimoine culturel de l’humanité: Giordano Bruno, qui démontra, "de manière philosophique, la pertinence d’un Univers infini, peuplé d’une quantité innombrable de mondes identiques au nôtre. Accusé d’hérésie par l’Inquisition (entre autres parce que cela impliquerait une multitude de crucifixions), et après huit années de procès, il est brûlé vif." (Source wikipedia)

Pour en revenir à l’unicité spatio-temporelle essentielle aux dogmes des religions du Livre, non seulement j’ai de la peine à adhérer intellectuellement à la spécialisation géographique d’un prophète (pourquoi sur Terre et pas sur une autre planète, pourquoi chez les Hébreux et pas une autre peuplade, etc) mais j’ai aussi de la peine à comprendre pourquoi il n’y en aurait qu’un à un moment bien précis de l’histoire (et pourquoi pas une prophète, d’abord? lol). Je serais même tentée d’étudier directement l’enseignement du plus récent de ces prophètes en supposant que le parcours culturel de l’humanité, le savoir et le progrès global et la connaissance de ses prédécesseurs ont dû enrichir sa pensée, sa vision, son message. Mais le dernier de ces prophètes qui font largement foi encore aujourd’hui étant de 14 siècles mon aîné, je trouve cela bien long… Il y a tant de savoirs que nous (l’humanité) avons acquis depuis! Et tellement d’entre nous y ont désormais accès: en 3 clics de souris, on se balade des bases de données de brevets aux oeuvres de littérature classique en ligne, sans parler des tableaux, musiques, textes spirituels fondateurs ou ésotériques, vues aériennes de Google Earth, et informations médicales en tout genre!

On est bien loin de la lente et ardue initiation de maître à élève,  confidentielle et réservée à quelques élus, telle qu’elle se pratiquait dans le compagnonnage pour la transmission des savoirs pendant des siècles, et telle qu’elle se pratique encore dans différents mouvements spirituels. Je me demande ce que cela va changer dans nos modes de pensées. Si cela change quelque-chose???

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Le tournant

Duguay_chemin Les dernières semaines m’ont portée face à une série de nouveautés qui se préparaient depuis fin 2006, mais qui se sont soudain concrétisées, me permettant de commencer à voir la suite du chemin, derrière le tournant qui se dessine pour moi en cette année 2007.

Certes, je n’ai pas eu le courage d’accepter la promotion que me proposait mon chef en février, avant tout pour des questions d’éthique personnelle (manque de disponibilité lié à mon temps partiel auquel je ne veux pas renoncer, et mauvaise consicence de profiter des ennuis de santé d’un collègue pour grimper à sa place). Mais mon statut va tout de même changer dans quelques semaines, m’engageant à un niveau de responsabilité plus élevé sur le papier, même si aucun changement hiérarchique ne le cristallise à ce stade.

Enfin, la formation qui s’est imposée à moi comme une évidence vers Noël a été acceptée par ma hiérarchie, et alors que je viens de la commencer, elle s’est révélée encore plus passionnante que mes attentes. Il me faut encore construire une partie du projet sous-jacent, notamment par le choix judicieux de mon sujet de mémoire, mais j’en suis toute excitée.

Quand je regarde derrière moi, je me vois devant des opportunités et des non-opportunités, pas toujours faciles à distinguer. Certaines voies m’inspiraient de le peur ou du doute; je les ai refusées, quitte à faire du sur-place, voire reculer. Certaines voies m’attiraient; je les ai choisies, quitte à me fatiguer un peu (beaucoup) sur ces chemins.

Et cela, que ce soit sur le plan professionnel ou sur le plan personnel.

En fait, je ne regrette rien…

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2004 – Racines

Après ces vacances qui m’avaient enfin requinquée, j’ai commencé à reprendre du temps pour moi. Après plusieurs années passer à lire essentiellement sur l’éducation, la famille, le développement de l’enfant, d’un côté, et de l’autre, des essais sur le management, les différences hommes-femmes, l’organisation des sociétés humaines… j’ai commencé à acheter à Psychologies Magazine et je lisais tout, jusqu’aux petites annonces, que je trouvais fascinantes car pleines de mots dont je n’avais aucune idée, coaching, analyse transactionnelle, etc.

C’est aussi à ce moment, à la fin de l’été quand les jours de plus en plus courts rappellent l’approche du temps des morts (Toussaint, un temps très fort dans le tréfonds de la Bretagne d’où je viens), que j’ai commencé à explorer les nouveaux outils développés par le Conseil Général des Côtes d’Armor: base de données des registres paroissiaux Genearmor interrogeable en ligne, et microfilms des archives départementales, registres paroissiaux du 17ème et du 18ème siècle, cadastres anciens… 

Anciens Mon patronyme étant peu commun et centré déjà il y a 3-4 siècles sur la commune d’origine de mon père, il m’a été facile de sortir de la base tous les homonymes, et j’ai reconstruit manuellement la trace de 2 ou 3 arbres sur 2 siècles, sans savoir si l’un d’eux a effectivement directement conduit à moi. Mais en observant les mariages mélangeant toujours plus ou moins des patronymes locaux encore présents dans le coin 3 siècles après, et la relative petitesse de la population (enfin, surtout de ceux qui arrivaient jusqu’au mariage), j’ai fini par conclure que je devais croiser un ancêtre ou un cousin ou un voisin d’un ancêtre dans quasiment chaque page des registres paroissiaux, et j’ai commencé à m’y balader au hasard. Par chance, sur cette commune, les registres sont en bon état et généralement assez lisibles, passé quelques spécialités d’antan (tracé des lettres différents, et utilisation de septante mais bon, depuis 12 ans en Suisse, je le pratique moi-même!).

Tout cet exercice était absolument sans surprise, confirmant simplement l’extrême linéarité de la vie de ces anciens. A part la forte mortalité enfantine et en couches, rien de surprenant dans ces registres campagnards: très peu d’enfants illégitimes, et quasi pas de mort violente, un homme écrasé par une charette, et une mendiante et sa fille retrouvées mortes dans un champ en plein été, ce dernier fait divers m’ayant beaucoup intriguée au point que je me dois de décrire un jour les éléments de mon enquête, doutant que les autorités d’alors aient fait grand cas de cette affaire, même si le registre mentionne qu’elles ont été saisies comme le voulait la loi (sous l’ancien régime ici en l’occurrence).

Toulgoulic

Le plus ancien porteur du patronyme, à la souche de l’un des arbres, avait tout de même vécu l’âge honorable de 90 ans (sachant qu’à partir de 60 ans, en général, l’âge était arrondi) au 17ème siècle. Pas mal!

En même temps, je trouvais ces données terriblement rassurantes et structurantes, pouvant visualiser ensemble les lieux visités dans mon enfance et ces données historiques, et j’ai compris ce que les Mormons peuvent rechercher dans leur exploration maniaque de toutes les sources généalogiques.

Paradoxalement, cette quasi-preuve de la cohérence et de la banalité de mes racines (toute ma famille venant de la même région avec le même profil socio-culturel: sans surprise) ne me donnent pas plus de sentiment d’identité nationale, ce fameux terme à la mode, ou même régionale, puisque cette dernière a tendance à remporter plus de faveur chez les Bretons en général (à part un cas particulier parmi les candidats présidentiables…). J’ai juste les pieds encore un peu plantés dans un coin de terre de là-bas, et mes gènes de rhumatismes-hypertension pas forcément améliorés par la très probable consanguinité de ces paysans. Au moins, j’aurai rompu cette dernière avec les mélanges alsaciens, suisses, auvergnats, franciliens et gascons que j’ai vu traîner dans la généalogie de Mari Charmant! 

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1981… et si on rêvait encore?

Le monde de mes 10 ans me paraît bien loin.

Un lundi matin, mai 1981. C’est ma première classe verte. Toute excitée, je n’ai presque pas dormi de la nuit, tant j’ai eu peur de ne pas entendre le réveil! Le car qui va conduire les CM1 et CM2 dans le Massif Central part à 6 heures: il fait encore nuit noire, quand les enfants encore ensommeillés se rassemblent dans la rue. Enfin c’est le départ, et nous regardons la gorge un peu serrée soudain les au-revoir de nos parents sur le trottoir qui s’éloignent, s’éloignent…

Mais 500m plus loin, les maîtres demandent au car de s’arrêter! le Bar-tabac-PMU-presse du haut du quartier est déjà ouvert, et l’un d’eux court vite acheter les journaux du matin. Je me rends compte soudain qu’ils sont tout excités eux aussi; joyeux comme je ne les ai rarement vus; le visage fendu d’un large sourire, car pour eux aussi, c’est une première, la réalisation d’un rêve… La gauche est au pouvoir! ils partiront bientôt en retraite à 55 ans…

C’est ma petite voisine dans le car qui m’explique tout cela. Elle me demande si mes parents étaient contents ou tristes, hier soir. Tant de gens ont fait la fête. Mais ses parents à elle étaient déçus. Elle en reprend l’air grave et dépité. Moi je ne sais pas. Nous avons regardé les résultats, mais on ne parle pas de politique chez moi, et mes parents n’ont manifesté ni joie outrancière, ni grosse déception. Je suis toute étonnée donc de voir ce matin-là combien ces élections passionnent les autres! quelque-part, la joie de mes maîtres est communicative… le soleil se lève, et nous partons à l’aventure… quelle belle journée!

Et quelques mois plus tard, j’ai 10 ans, je suis en CM2, le maître toujours aussi joyeux et enthousiaste veut partager avec nous un peu de son idéal: il rêve d’Europe à présent, elle va se faire enfin, bien loin derrière lui sa petite enfance pendant la guerre, les Allemands sont enfin nos frères, et bientôt aussi les Espagnols, les Portugais, les Grecs!

Alors voici ce qu’il nous apprend à chanter, sur la 9ème symphonie de Beethoven choisie pour l’hymne européen:

Que la joie qui nous appelle, nous accueille en sa clarté,
Que s’éveille sous son aile l’allégresse et la beauté.
Plus de haine sur la terre, que renaisse le bonheur,
Tous les hommes sont des frères quand la joie unit les coeurs.

Peuples des cités lointaines qui rayonnent chaque soir,
Sentez-vous vos âmes pleines d’un ardent et noble espoir ?
Luttez-vous pour la justice, êtes-vous déjà vainqueur ?
Ah qu’un hymne retentisse à vos coeurs mêlant nos coeurs.

Si l’esprit vous illumine, parlez-nous à votre tour,
Dites-nous que tout chemine vers la paix et vers l’amour.
Dites-nous que la nature ne sera que joie et fleurs,
Et que la cité future oubliera le temps des pleurs.

Je n’ai pas beaucoup de mémoire pour les chansons, mais je n’ai jamais oublié les paroles de celles-ci. Il y a quelques mois, j’ai voulu la chanter à nouveau, pour l’apprendre à mes filles, mais je n’ai pas pu. Je ne sais pas pourquoi, ce chant est pour moi trop chargé d’émotion, de nostalgie: ma voix tremble et je suis au bord des larmes avant la fin du premier couplet…

Car mon maître est un vieux monsieur désormais…

MarseillaiseAujourd’hui, c’est ma petite soeur, même pas encore née en mai 1981, qui enseigne aux enfants du primaire… et à son programme, obligatoire depuis une loi passée en 2005, l’apprentissage de l’hymne national, ce chant sanguinaire des pires heures de la Révolution, mais auquel tout Français doit le respect, sous peine de 7500 euros d’amende et 6 mois de prison, selon la loi de sécurité intérieure passée en 2003.

Que c’est loin le 20ème siècle: même l’aux armes etcetera de Gainsbourg est mort, mort, mort…

Alors moi, je trouve que c’est dur d’être devenue adulte, d’avoir 30 ou 40 ans aujourd’hui et d’avoir vu les rêves de nos parents s’évanouir comme de tristes chimères… même si tout cela a moins d’importance pour moi aujourd’hui puisque j’ai quitté ma patrie pour aller plus près de ces "cités lointaines qui rayonnent chaque soir", j’ai mal au coeur… alors pour ceux qui sont restés et qui partageraient ma peine, même si vous êtes une minorité dans les sondages, voici tout de même quelques liens pour rêver encore de construire, avec nos simples mots plutôt que de grands idéaux politiques, un monde meilleur dans lequel les petiots de notre "Douce France, chère patrie de notre enfance" n’auront plus à chanter "Ils viennent jusque dans vos bras – égorger vos fils, vos compagnes!" et "Tous ces tigres qui sans pitié – déchirent le sein de leur mère" (ben oui c’est dans les paroles!).

  • Proposer une nouvelle version pour la marseillaise des enfants jusque fin 2007 (concours ouvert tout particulièrement aux classes scolaires): ici.
  • Signer l’appel de Graeme Allwright  pour une nouvelle marseillaise: ici.
  • Une autre association pour une nouvelle marseillaise: ici.
  • Les paroles en français de l’hymne européen officiel (la version que j’ai apprise à l’école est une variante officieuse apparemment, mais la musique est la même): ici.
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L’enfant en escale

Petit prolongement au plus beau cadeau proposé par Benoît:

"N’oubliez pas que (votre enfant) est une âme indépendante et que vous lui offrez seulement les moyens de construire sa vie en fonction de ses aspirations et de son projet d’existence. Il est en escale chez vous et nullement prisonnier ou otage de vos propres idées qu’il devrait accepter en échange (rançon) de votre amour." Duguay_enfant2

Petit manuel d’auto-psy, Serge Fitz, Ed. Jouvence, 2007.

Et pour Enriqueta, encore une image de Mario Duguay, dont je pourrais regarder les oeuvres pendant des heures pour rêver plus loin…