Lettramilie, en un seul mot, c’est Mari Charmant qui l’a concaténé… mais le pote à Milie, quand il l’a appris, s’est bien marré et a repris l’expression de son côté – lettraléane, en un seul mot.
Lettramilie, pour la pratiquer, requiert une soirée. Entière, dans le calme. Sans concession, ni à Mari Charmant, ni aux gamines, ni au boulot, ni au téléphone. Process non interruptible, haute priorité. Do NOT disturb.
Lettramilie, c’est 3 feuilles A4, donc 6 pages, avec des mots serrés pour en mettre plus dans les 20g max de l’afranchissement lettre standard. Un plaisir à l’ancienne, que les jeunes générations qui ont connu l’email au biberon et le SMS à l’école primaire ne peuvent pas comprendre…
La première Lettramilie, c’était en juin 1989. Elle m’avait écrit pour me parler de Tien an Men, qui la bouleversait en comparaison avec sa petite vie tranquille de lycéenne entre écrit et oral du bac. Et je lui avais répondu combien je partageais ce sentiment d’impuissance et ces questionnements sur ma place dans ce drôle de monde… enfin je crois…
Du coup, des Lettramilie, il y en a eu plein d’autres, 2 ou 3 par mois les premières années, alors que nous vivions l’enthousiasme de nos vies étudiantes, nos premiers amours, l’affermissement de nos valeurs, nos questions devant les drames de l’actualité… alors que d’autres amitiés se faisaient, se défaisaient ou se poursuivaient.
Mes Lettramilie l’ont accompagnée quand elle a voyagé, un peu galéré, fait le choix de devenir fonctionnaire sans enthousiasme mais assurée de rester dans le pays magnifique de notre enfance, entre landes et vieux grééments, avec son pote magnifique à l’allure de jeune barde, plein de rêves et de chansons, puis lorsqu’elle a porté ses filles, jusque dans sa vie actuelle de jeune maman débordée où elle garde contre vents et marrées de la place pour des lectures, des émerveillements et des doutes que j’ai régulièrement la joie de découvrir dans ses Lettraléane, et de commenter en retour dans mes Lettramilie…
Au long de ces 17 ans de Lettramilie, curieusement, c’est donc moi la casanière, la fille trop sage, qui ai émigré, poussée par l’appel pour la montagne dont je rêvais déjà à 15 ans, une opportunité au bon moment, et la construction d’un projet commun avec Copain devenu Mari Charmant: les Lettramilie/Lettraléane sont restées notre indispensable lien au travers de ces années de distance.
Milie, c’est ma meilleure amie, la plus intime, car je peux écrire bien plus que je ne peux dire.
L’année de nos 15 ans d’amitié par la plume, j’ai eu le plaisir de trouver au détour d’une librairie d’aéroport le roman "Between Friends" de Debbie Macomber, hélas pas traduit en français (avec 5 étoiles pour 36 commentaires sur Amazon, cela le justifierait pourtant! mais il est très facile à lire en anglais, pas trop de vocabulaire car peu descriptif, c’est surtout du dialogue). Ce roman est construit sur les échanges simplement bruts d’une amitié scolaire puis épistolaire entre 2 enfants, adolescentes puis femmes aux vies divergentes mais entrelacées par leurs superbes caractères, leur fidélité sur plus de 40 ans, et la traversée douloureuse de divers drames de l’actualité américaine du siècle dernier, de la guerre du Vietnam au 9/11/2001. Cette année-là, jai fait un colis à Milie avec ce livre dedans… elle l’a beaucoup aimé aussi… forcément.
Y a-t-il parmi vous de telles amitiés construites sur des mots écrits plutôt que sur des bavardages ou des sorties, ou sommes-nous, Emilie et Kerleane, des spécimens d’une espèce en voie de disparition, l’Homo Manuscribens? peut-être même déjà en mutation, puisque je commence moi-même à pratiquer le blog…