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15 ans de pointillés…

Et après?

Pause…

Je crois que mon chemin est devenu plus lisse… simple, banal. Sans histoires. Petite vie tranquille en pointillés…

La spiritualité, c’est aussi dans la relation à l’Autre qu’on la vit.

C’est cette dimension, peut-être plus "pointillée" que mes précédentes quêtes mystiques plus ou moins fondamentalistes, qui devait m’occuper les 15 années suivantes.

Tout d’abord, la relation à mon Alter Ego: Mari Charmant.

A force d’espérer le Prince Charmant, j’avais fini par le rencontrer, ou plutôt, le reconnaître. Non pas qu’il s’agisse d’une espèce rare, comme je l’ai indiqué dans ma note sur les Maris Charmants: je suis du genre optimiste sur l’espèce masculine. Mais ces choses-là prennent du temps. Et de construire une relation à deux, équilibrée, forte et constructive pour les deux, sur la durée, plus encore. Nous y avons mis cinq ans, grosso modo, jusqu’à être assez installés dans nos vies et dans nos têtes pour nous engager officiellement. Je sais que cela ne se pratique plus guère, mais le mariage était une étape importante dans notre cheminement, et, de mémoire, la dernière source de profond désaccord sur deux points:

1) mon changement de nom, qui me paraissait une perte d’identité totalement inacceptable: perte de ce qui me restait de breton dans mon exil, et perte de ce que j’avais si fièrement construit puisque je venais de faire mes premières publications à mon nom;

2) le fait de faire une cérémonie religieuse, avec tout ce que cela implique de rituel et de sacré auquel, mine de rien, je tenais encore.

Heureusement, ce choix n’en était pas un. Du fait de notre émigration en Suisse, c’est là-bas que nous devions célébrer notre mariage civil, et comme nous avions convenu de faire une grande fête en Bretagne organisée à 90% par mes parents (aspect logistique absolument non négligeable auquel (futur) Mari Charmant ne pouvait être que sensible!), il semblait difficile de faire déplacer famille et amis des 4 coins de la France et de Suisse sans… le prétexte d’une cérémonie! ouf…

Quant au nom, même cause, mêmes effets. La femme Suisse qui choisit de prendre le nom de son mari perd, lors de son mariage, toute son identité pour prendre celle de son mari: nom et lieu d’origine (du nom de famille, utilisé dans l’état civil suisse et très utile d’ailleurs pour les généalogues). La femme Française, à l’inverse, se contente d’adopter le nom d’"épouse untel", derrière le nom de jeune fille dans la carte d’identité (au lieu de Untel née Truc en Suisse), et c’est juste par "usage" qu’elle prend le nom de son époux dans la pratique quotidienne. Du coup, pour assurer la compatibilité de la paperasse, les Françaises qui se marient en Suisse, même à un Français, n’ont pas d’autre choix que de faire celui, dans l’état-civil Suisse, de garder leur nom de jeune fille, qui reste du coup utilisé au jour le jour en Suisse. Re-ouf…

Je sais bien que cette histoire de nom peut paraître puérile, mais il était important pour moi de publier ma thèse et les articles associés sous le nom de mon père et de mon grand-père. Ma réussite était importante à leurs yeux, ils l’avaient assez encouragée sans se soucier que je sois une fille (je crois que dans la culture d’où je viens, cela n’a pas d’importance). Je leur devais bien cela.

D’un autre côté Mari Charmant s’identifiait aussi fortement à son nom, et associait cette démarche de rejet du nom à celle de la femme divorcée qui reprend son nom de jeune fille, alors que sa démarche de mariage se faisait dans le sens de s’engager à construire une famille, un patrimoine génétique et patronymique à long terme, s’inscrivant dans la durée et la transmission. L’homme ne porte pas les enfants, mais il leur transmet son nom…

C’est d’ailleurs là-dessus que nous avons, tout seuls, construit notre consensus. Nos enfants porteraient son nom, comme j’ai porté celui de mon père, et nous ne les baptiserions pas, indépendamment de ma nostalgie pour le rite et la fête qu’on y associe dans notre culture, car c’est de leur spiritualité qu’il s’agit, pas de la nôtre (d’ailleurs certains mouvements protestants ne pratiquent le baptême qu’à l’âge adulte, conscient et responsable, et c’est le même genre de questionnement qui justifie l’existence du sacrement de confirmation dans les autres pratiques).

Match nul, donc!

Il était clair que nous avions nos deux (fortes) individualités à concilier sur le long terme pour progresser ensemble, et que la main-mise de l’une sur l’autre ne nous conduirait pas à l’équilibre. Nous avons finalement admis nos différences… comme des enrichissements! c’est à cette époque que nous avons commencé à aller voir deux films différents au cinéma, à lui l’action, à moi le sentiment… et le plaisir d’avoir deux films à se raconter après. Pour nous ressourcer après une semaine à travailler comme des dingues sur nos projets de recherche et les projets industriels qui les accompagnaient, j’allais marcher dans la nature, il allait bricoler dans la cave, moi la contemplative, lui le créatif… et nous sommes devenus sereins et respectueux l’un de l’autre, et de plus en plus complémentaires.

C’est tout bête, mais quand on l’explique aux autres couples, à part les vieux qui ont construit 40 ans de complicité sur de telles différences et qui nous regardent comme si c’était une évidence, on passe pour des extra-terrestres.

Yinyang

Ainsi accordés et équilibrés, nous avons pu construire énormément tant dans notre travail que dans notre famille, ce qu’il faut que j’explore encore dans les pointillés…