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De l’anis étoilé dans le Tamiflu? pas si simple!

BadianeAlors voilà comme promis, j’ai fait quelques recherches internautes pour mieux comprendre si le Tamiflu était effectivement simplement tiré de la badiane chinoise, i.e. anis étoilé, comme l’ont rapporté les médias, et surtout pour voir si le fameux brevet licencié par le laboratoire Gilead au groupe Roche était aussi simpliste que les brevets relatifs à l’utilisation de l’ibogaïne que j’ai dénichés l’autre soir.

Comme introduction, l’OMPI a publié il y a quelques mois une note disponible en français traitant différentes questions autour de ce brevet spécifiquement – le fait que Roche en ait une licence exclusive sans avoir nécessairement la capacité de production nécessaire à la fabrication massive de stocks en vue d’une pandémie à court terme a en effet entraîné beaucoup de débats sur la question…

Partant de la référence citée par l’OMPI, j’ai donc pu aller regarder de plus près ce fameux brevet. Et là, franchement: ouf! ce brevet là ressemble déjà plus à un bon vrai brevet, dans le sens où n’étant pas du domaine, je n’y comprends rien: il est plein de formules chimiques que je suis absolument incapable de décrypter, n’étant pas spécialiste de ce domaine et loin s’en faut… Tout ce que j’ai pu faire, c’est chercher les références à l’acide shikimique, le fameux composant tiré de l’anis étoilé chinois, dans le texte. D’après ce que j’ai pu comprendre, le brevet décrit en effet, entre autres, différents procédés de fabrication de composés pharmaceutiques inhibant la neuramidase (l’arme du virus Influenza) à partir de différents éléments, dont ce fameux acide. Mais le brevet décrit des Tamiflu méthodes utilisant aussi d’autres acides, et il ne mentionne pas l’anis étoilé.

Car il s’agit apparemment bien d’un brevet technologique, décrivant une vraie invention humaine pour résoudre un vrai problème d’une manière vraiment originale. Enfin, pour autant que je puisse en juger. A vrai-dire, ce brevet devait avoir une sacrée valeur pour que Roche négocie une licence exclusive dès son dépôt ou presque. J’ai malheureusement vu des brevets prendre de la valeur après que des armées de bons avocats grassement payés se soient battus avec succès au tribunal sur leurs revendications, mais quand le brevet a de la valeur AVANT que les avocats fassent monter la mayonnaise, c’est encore plus fort.

Alors, cette histoire d’anis étoilé chinois?

Eh bien, s’il était le composant anti-grippal naturel de base comme auraient adoré les médias (très à la mode de montrer que Mère Nature vaut mieux que les ingénieurs)… il suffirait de boire du pastis pour faire passer la grippe! Honnêtement, je ne connais personne qui fasse son grog avec du pastis, mais bon, je ne suis pas de Marseille: chez moi, on utilisait du lambig.

En fouillant à peine plus loin, on trouve même une liste de préparations contenant cette plante (disponibles en pharmacies en France), dont la fameuse tisane Boldo qui conclut systématiquement les méga-bouffes chez ma belle-famille alsacienne… et que personne n’aurait idée d’utiliser pour la grippe!

N’empêche, toute cette histoire d’anis étoilé, effectivement largement utilisé par Roche pour obtenir facilement et à bas prix l’acide shikimique, a fini par entraîner une pénurie et une flambée du prix de ce composant pour la plus grande joie des chinois (ne pas oublier qu’ils sont bons en affaires ces gens-là!). Mais là encore, rien de nouveau: ainsi, bien avant la hantise du SARS et du H5N1, cette note du gouvernement français mentionnait le risque de contamination par de l’anis étoilé japonais (toxique) suite à la pénurie de son cousin chinois… avant 2001! apparemment, il y avait même déjà eu pénurie dans les années 70…

Et surtout, il ne faut pas négliger la créativité humaine pour contourner ce problème d’exclusivité. En voici 3 exemples:

synthèse de l’acide shikimique par biofermentation au moyen des bactéries E.Coli, maintenant utilisée pour une partie de la production du Tamiflu (personne n’a l’exclusivité de ces bactéries: on en a plein les tripes!)

synthèse de l’acide shikimique à partir de la pétrochimie (bof, je préfère garder le pétrole pour me chauffer?)

– et le gagnant est (avec un joli coup médiatique, au passage: bravo le marketing) extraction de l’acide shikimique des… aiguilles de sapins de Noël recyclés par Biolyse Pharma, un labo pharmaceutique canadien, avec la bénédiction du gouvernement canadien, ceci afin d’assurer la fabrication à prix minime et l’export à prix réduit d’un générique du Tamiflu à destination de pays non couverts par le brevet!

En conclusion, tout cela ne me dit pas comment trouver dans la pharmacopée naturelle de quoi échapper à ces vilains virus, mais au moins, je ressors rassénérée quant à la créativité des homo sapiens: après tout, si Mère Nature nous a donné un bon gros cerveau efficace, c’est pour qu’on s’en serve… donc, vive l’intelligence, et vive l’éducation…