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Répit pour l’ancêtre

L’ancêtre est sauvé. Je l’ai appris de source sûre il y a quelques semaines.Epicea_2

Bien sûr, la décision nous appartenait. Mais je me voyais mal me fâcher avec mes futurs voisins à cause de lui.

Bien sûr, Lili avait décrété que c’était SON arbre, mais on lui en aurait trouvé un plus joli, à la place de ce mastodonte tout fourchu et étêté.

Bien sûr, on y aurait gagné un peu de soleil dans la soirées du solstice estival, mais on n’a pas de terrasse de ce côté, de toute façon.

Bien sûr, il est protégé par l’Office Fédéral de l’Environnement, comme tous les autres grands arbres du coin. Mais… "dans la mesure du possible" dit le texte local. Ce qui n’est pas du tout une garantie de survie, du coup, vu que sur les 5 dernières années, ils en ont abattu 2 bosquets sur la piste, plusieurs autres sur la lisière de l’autre côté, ce matin, un arbre "tout sec" chez le voisin du coin, m’a dit le garde forestier pour me prévenir de la coupure de la route (la vérité est probablement que la récente mise en vente du chalet unusuellement luxueux du dessus donnait une valeur à 6 chiffres suisses à son abattage, car il gâchait le panorama…); et bien sûr, pour construire, les futurs voisins doivent abattre 3 ou 4 ancêtres qui mangent toute leur parcelle.

Bref, c’est l’hécatombe, donc il paraît qu’on va devoir préserver absolument l’ancêtre du fond plus que quelques autres situés à des endroits moins stratégiques. Condition sine qua non pour l’abattage chez les futurs voisins.

C’est puéril… mais quelque-part, cela me soulage: je pense, à en juger par son épaisse écorce ridée et sa circonférence impressionnante, qu’il n’a pas loin des 500 ans réglementaires atteints par cette espèce. Je me plais à l’imaginer bébé, poussant à la Renaissance, puis vigoureux dans le Siècle des Lumières, puis mâture à la Révolution Industrielle, puis vieillissant dans le chaotique 20ème siècle et toujours, au long de ces décennies, imperturbable dans un paysage bucolique enneigé l’hiver, en compagnie des vaches l’été. Jusqu’au tournant du millénaire, où il a vaillamment résisté au dévastateur Lothard qui a pourtant rasé toute une colline de ses congénères, sous ses yeux, en face.

C’est alors que nous sommes venus nous installer, à deux dizaines de mètres sur ses pieds, mais sans le déranger, même si ce faisant, ce sont peut-être les racines de ses ancêtres que nous avons délogées de l’argile de nos fondations dont une partie a été, ironie, coulée le jour même où les 2 plus hautes constructions d’une bien plus vaste cité humaine s’écroulaient, percutés par la folie des hommes…

L’épicéa est le symbôle de la naissance: j’espère ne pas le voir mourir.

Longue vie à l’ancêtre!