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Mais où est donc l’âme qui s’efface?

Alzheimermemory_2  Depuis le tournant du siècle, l’âme de Mamie s’efface.

Elle dont j’étais si fière, si active, si belle, si aimante, s’est soudain fatiguée.

Puis les mots ont commencé à disparaître. Ecrits d’abord, tant d’efforts dans l’écriture déjà chamboulée de la dernière lettre que j’ai d’elle. Puis la parole, qui a juste eu encore un peu le temps de s’échapper pour dire l’angoisse à ma mère, à ma soeur: "je perds la tête, comme ma mère avant moi". Puis les gestes quotidiens, oublier d’éteindre le gaz, si mon oncle n’avait pas été là, le corps se serait envolé avec l’âme… Quand je l’ai revue, le choc: cheveux blancs, ternes et raides, elle que j’avais toujours vue permanentée et aubrun flamboyant; lunettes, elle qui ne les portait que pour conduire par coquetterie; peau nue et ridée, elle qui se maquillait au saut du lit, même pour aller ramasser des pommes de terre; et elle avait pris 10 kilos, car elle qui surveillait sa ligne depuis toujours s’était soudain mise à manger compulsivement. Elle ne parlait déjà plus, et seul son regard s’échappait encore, au milieu d’étranges tics que je ne lui avais jamais connus.

Ainsi, en quelques années, elle a fait le chemin que font les bébés qui grandissent, mais à l’envers. Perte des fonctions intellectuelles supérieures (lire, écrire, etc…), du repérage dans le temps et dans l’espace, de la mémoire, de la parole, de la continence, de la marche, de l’utilisation de la cuillère pour manger, du sourire, du regard vivant…

Et pourtant elle est toujours là.

Alors moi je me demande, dans les grands courants philosophiques, la psychiatrie, et dans les différentes traditions spirituelles, qu’il s’agisse de l’harmonie entre corps et esprit dans les grands courants orientaux, de la réincarnation, ou du passage de l’âme au monde éternel, comment expliquer cette affreuse progressivité du départ de l’âme, de l’Esprit qui animait son corps?

Elle est où sa conscience?

Est-ce qu’elle a encore conscience d’elle-même d’ailleurs? ou bien, dans son parcours de bébé à rebours, elle vit de nouveau une fusion indifférenciée avec son environnment nourricier?

Moi, je pense beaucoup à elle, bien que je n’aie pas l’occasion de la voir car je vis à l’étranger; en fait, au fur et à mesure qu’elle s’enfonce dans ses brumes, je remue des choses belles et douces enfouies au fond de moi. Mon pseudo lui-même, Kerleane, est sorti d’une de ses références spirituelles les plus chères.

Alors même si cet envol est douloureux, même si je crains que dans ma lignée des Kerleane, je doive accompagner aussi Maman dans un tel cheminement comme elle-même accompagne courageusement Mamie aujourd’hui et comme Mamie avait en son temps accompagné courageusement Mémère il y a 25 ans, même si je crains de devoir un jour regarder terrorisée mon intelligence s’effacer, j’aimerais me dire que c’est une étape nécessaire dans la roue de la vie, et dans la transmission des Anciens aux Nouveaux dans la chaîne des générations.

   

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Jamais trop tard pour un coup de coeur

Contact Sortie en salles aux USA: Juillet 1997 – j’étais en Europe… sortie en salles en France: Septembre 1997 – j’étais aux USA. Et je n’ai pas la télé…

Voilà donc comment ce film n’a jamais croisé ma route, jusqu’à l’heureuse inspiration d’une location DVD cette semaine pour faire plaisir à Mari Charmant, fan de SF. Mieux vaut tard que jamais: c’est la première fois depuis des années qu’un film me parle à ce point! Les personnages principaux et leur parcours, les thèmes abordés… certains d’ailleurs totalement implicites, comme l’expérience de mort iminente vécue par l’héroïne mais jamais nommée ainsi… je suis tout de suite entrée dedans, et quand j’en suis sortie au bout de 2h30, sans jamais m’être ennuyée malgré cette longueur, j’en avais la tête pleine; c’est un film qui pose des questions fondamentales sans apporter les réponses; je n’ai pas fini de le méditer…

Encore sous influence dans mon humeur du dimanche, j’ai donc fait quelques recherches aujourd’hui pour approfondir; quelle déception! ce film a été un bide. Même pas possible de trouver le roman qui l’inspira traduit en français (peu importe, je vais le commander en VO). Evidemment, si les gens s’attendaient à des invasions de petits hommes verts dans une avalanche d’effets spéciaux… Tout est atypique, même l’histoire d’amour, posée et consommée dans les 10 premières minutes, car enfin, les héros ont d’autres centres d’intérêts nettement moins triviaux à traiter dans le reste du film que juste l’animale satisfaction de leurs hormones libidineuses (même s’ils en reconnaissent aussi, au passage, la nécessité! lol).

Finalement, cela me jette encore à la figure combien mes aspirations sont différentes de celles de la masse de mes pairs: je me sens bien seule… D’ailleurs, cela m’a rappelé que j’avais vécu la même chose avec mon premier coup de coeur film: "Les ailes du désir", de Wim Wenders, en 1997. C’est le lycée qui avait envoyé 2 cars pleins d’élèves au ciné pour le voir en VO… forcément, au bout d’une heure et quelques, tout le monde chahutait… sauf moi: littéralement hypnotisée par la magnifique et subtile histoire d’amour, de spiritualité et d’humanité à l’écran. Bien que je sois restée près de 20 ans sans le revoir, ce film m’a hantée des années, depuis ses discrètes références dans le plus beau rêve de ma vie peu après, jusqu’au travers de la chute du Mur et du communisme alors que je devenais adulte (ouverture du film: "Als das Kind Kind war…"), puis jusqu’à mes premières visites réelles 15 ans plus tard à Postdamer Platz lors de séjours professionnels à Berlin… c’est d’ailleurs là, dans des cirsconstances fort anodines, que j’ai découvert le Kombucha… mais je m’égare…

Heureusement, j’ai aussi trouvé d’ardents défenseurs de "Contact" sur les sites de critiques… il y a quand même un peu de lumière dans cette humanité gavée de films plus débiles les uns que les autres et épuisée au moindre effort de réflexion inhabituel. Et surtout, il doit y avoir cachés au fond des dévédétèques d’autres films subtils que ma route n’a pas encore croisés! et d’espérer encore les découvrir, après tout, c’est réjouissant.

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Drôle de rêve

Il y a une dizaine de jours, j’ai fait un drôle de rêve qui me hante encore.

J’habitais dans un chalet de bois comme le mien aujourd’hui, mais sans doute bien plus haut en montagne, puisqu’il était isolé, et entouré d’herbe rase, de pierriers et d’un petit lac d’une ancienne vallée glaciaire, sur lequel donnait sa terrasse abritée. Entre 1800m et 2500m d’altitude, je dirais. La route d’accès était simplement empierrée.

A droite de la vallée, tout près en fait, se dresse un pic rocheux, de plusieurs centaines de mètres de dénivellé. Alors que je regarde tranquillement depuis chez moi ce paysage serein par une belle journée ensoleillée (ciel bleu, air pur), voilà que je vois… une vache dégringoler de la montagne. Une de ces vaches typiques en Suisse, laitière, un peu lourde, blanche et noire, elle avait sûrement une cloche autour du cou, mais elle tombait en silence, en tournant sur elle-même, comme dans un film. Le temps que je réagisse, terrifiée de la voir s’écrabouiller au sol dans 3, 2, 1 secondes devant mes yeux… elle se retourne comme un chat qui chute, et atterrit sur ses pattes, légère, et intacte!

Mais pas le temps de réfléchir, voilà que d’autres évènements se précipitent. Des gens arrivent. Des voitures près du lac, un barrage? des gens partout, qui se baladent là-haut dans la montagne. Mais vraiment BEAUCOUP de gens, des foules entières, qui martèlent le sol de leurs milliers de pas. Au point que l’inimaginable se produit: la dalle de mon chalet commence à se fissurer. Pas une simple lézarde, pas non plus une série aléatoire de micro fissures: non, un véritable quadrillage de fissures plus ou moins profondes.

Alors vient le plus drôle (et surtout révélateur de ma profonde mesquinerie, lol) je me dis que c’est catastrophique, il faut qu’on trouve au plus vite une solution avec Mari Charmant; ce chalet est toute notre vie, toute notre fortune: il va perdre toute sa valeur! je décide donc de faire faire déjà une série de réparations, au moins recouler une chape sur les fissures, afin de remettre le chalet "propre en ordre" comme disent mes amis Suisses et d’avoir, au moins, la possibilité de le revendre…

Ainsi débarquent le menuisier et le maçon qui ont, dans ma vraie vie, construit notre maison, et pendant qu’ils s’attellent à cette lourde tâche, je sors dehors, devant la terrasse, je tourne le dos au lac, à la route, au piton rocheux, et je regarde derrière moi, ce chalet que je ne vois jamais sous cet angle, allez savoir pourquoi…

Et là, dernier rebondissement… en me retournant ainsi, derrière ma maison, je découvre une autre petite vallée glaciaire, mais le glacier a fondu, il ne reste plus que des cailloux, et sur la pente en face, il y a une usine. Un parfait cliché d’usine style fabrique du 19e siècle, avec son toit en zig-zag et une grande cheminée d’un côté, qui crache de la fumée. Toute cette image, dans mon rêve, est entièrement en nuances de gris, des pierres de la vallée aux volutes de la cheminée…

Alors moi qui n’aime pas le gris… j’ai déchanté… je me suis réveillée!

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Regarder les arbres

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Depuis quelques temps, je regarde les arbres.

Je vois des arbres que je ne voyais pas avant.

Ou je les vois différemment, parce que maintenant, je les regarde.

C’est étonnant: j’ai découvert des arbres au carrefour de sortie de l’autoroute que je n’avais jamais vus pendant toutes ces années; pourtant ils n’ont pas poussé en trois mois! je vois un arbre un peu tordu, planté sur une bosse dans un champ sur le chemin du village, sous une perspective intéressante, puisque de la voiture en contrebas, il paraît s’élancer vers le ciel, et l’hiver, avec ses bras nus, l’image est saisissante… pour qui sait le regarder. Un peu plus loin, dans un champ de l’autre côté, sûrement bientôt menacé par les lotissements rampants de ce village en pleine expansion, un magnifique hêtre, qui doit passer sa vie au soleil à regarder les dents du midi et le Mont Blanc, loin, très loin là-bas. Et un autre hêtre encore, au sommet de la montagne qui m’héberge, planté sur la lisière de la forêt d’épicéas: d’une large branche coudée, burinée par l’âge et recouverte d’une mousse épaisse et douce, il domine le plateau Suisse sous ses pieds. Quand je prends le temps de monter là-haut, pas assez souvent hélas, je vais toujours le toucher, il est si beau.

Loin de mon quotidien, l’olivier de la photo a grandi sur le site de Kourion, site archéologique majeur de Chypre. En balade dans ces contrées méridionales, j’adore les oliviers, leurs troncs noueux, la touche délicate de leurs petites feuilles gris-vert qu’ils apportent dans l’ocre des terres méditérannéennes: cette dernière couleur, dominante là-bas, est si étrange à mes yeux habitués aux pâtures des contrées humides de Bretagne et des contreforts des Alpes du Nord que j’y cherche la verdure partout, c’est maladif!

Sans doute devrais-je en immortaliser plus avec mon appareil de poche, et les partager avec vous… Et inversement, si vous en avez dans vos albums, n’hésitez pas à en décorer l’une ou l’autre de vos notes…

Car c’est beau, un arbre!

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Papyrus: “Fille du Poher”

Voici la nouvelle dont l’écriture a tout chamboulé dans ma tête cet été comme je l’ai expliqué dans une de mes premières notes. J’ai reçu la lettre du concours aujourd’hui: elle n’a pas été retenue, ce qui me permet de la publier librement ici (enrichie d’images et hyperliens: vive le multimédia!).

Qui sait, peut-être ce papyrus trouvera-t-il quelque écho chez un lecteur de passage… vos commentaires sont bienvenus.

Note: Les portraits illustrant ce récit sont des miniatures tirés de l’oeuvre magnifique de Sandrine Gestin, une jeune artiste d’origine bretonne que j’ai découverte sur la toile. Si vous cherchez des idées de cadeaux, elle a une boutique pleine de merveilles ici.

Fille du Poher

Elle était née dans un village du massif armoricain, si érodé que le granite affleurait dans la plupart des champs. C’est pourquoi la terre y était pauvre ; mais les hivers étaient doux, l’eau ne manquait jamais, et cette contrée à l’écart des cités de pierre où s’épanouit l’ambition des hommes n’était que rarement atteinte des guerres et épidémies que drainent leurs grands chemins.

Ainsi elle se savait fille, petite-fille et arrière-petite-fille de femmes dont les traits rappelaient les siens, et dont la vie s’était écoulée semblable à la sienne entre les mêmes collines et forêts depuis un temps incertain, au-delà de la mémoire transmise par les Anciens.

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De même elle se savait née de ses père et grands-pères, hommes robustes et taciturnes qui répétaient simplement le travail de cette terre ingrate sans lever les yeux vers d’autres horizons. Certes, de temps en temps, un fils ou un frère était parti, n’ayant plus de sillons à partager au sein d’une trop grande fratrie, ou malheureusement torturé par les démons de l’aventure comme parfois les jeunes garçons. Mais aucun n’était revenu : d’après les Anciens, le monde des morts commençait au-delà de la forêt ; leurs récits, inquiétants comme l’agonie de la lumière dans les gris après-midi de novembre, mettaient en scène un monde fantasmagorique mêlant les morts aux vivants et le sacré aux réalités naturelles plutôt que les exploits des héros chantés ailleurs, sans que cela n’étonne personne dans cette contrée de Bretagne encore ignorante de la culture, du savoir des savants, et même de l’histoire.

On rencontrait déjà bien assez la mort en travaillant, en enfantant et en vieillissant pour ne pas aller la chercher de son propre gré. Car c’était par les accidents, et les maladies, que le monde des morts se manifestait le plus souvent pour le plus grand malheur des vivants, que ce soit sur les animaux, les cultures, la forêt, ou pis encore, les gens. Certains de ces évènements étaient d’une nature particulièrement spectaculaire et traumatisante, comme les incendies ; et plus rapide, plus bruyante, plus brûlante encore que la plus forte des flammes, car venue directement du ciel : la foudre. Les autres éléments n’étaient pas en reste : l’eau, particulièrement vicieuse dans son habileté à reprendre aux mères leurs tout-petits marchant à peine dans les innombrables flaques, ruisseaux, puits et fontaines de ce pays humide; les cailloux, les rochers, et plus encore le métal extrait de ces derniers, par des blessures parfois mortelles lorsque les plus fougueux s’excitaient les uns contre les autres, poussés par les mauvais esprits ; et même l’air, qui se chargeait de pestilences autour des malades, hommes ou bêtes, pour en contaminer d’autres. Et cet air se déchaînait souvent, se mêlant à la pluie vicieuse pour rouiller les os tout l’hiver et même au-delà, dans ce pays sans franches saisons, soumis à la ribambelle des tempêtes atlantiques.

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Contre les peurs des Anciens, l’ambition des êtres les plus doués de ce peuple simple était donc non pas l’exploration des frontières du monde physique, mais, plus abstraite, la maîtrise du sacré, à travers les rites qui aidaient les vivants au détriment des morts. Cependant le passage entre ces mondes était une frontière perpétuellement mouvante, et la distinction entre le Bien et le Mal qui en définissait les équilibres subtils nécessitait la plus grande perspicacité. On en parlait peu ; certains rites se perpétraient transmis entre quelques élus, alors que d’autres se pratiquaient simplement en famille, les mères veillant scrupuleusement à leur respect : le culte des multiples saints et saintes aux vertus protectrices se mêlait ainsi intimement aux rites du christianisme primitif importé d’Irlande plus d’un millénaire auparavant.

http://www.sandrinegestin.com Dans ce monde elle avait grandi, enfant curieuse d’apprendre tant des récits intrigants des Anciens que des gestes assurés de ses parents. Ainsi sans cesser d’exécuter soigneusement sa part croissante des travaux quotidiens, elle observait les plantes et les animaux le jour, la lune et les étoiles la nuit. Car elle vivait plus ardemment que ses pairs, l’esprit sans cesse en éveil agité par des questions sans réponse dans sa langue rocailleuse, mais animée avant tout par la volonté de bien faire, de mieux faire, pour elle et pour les siens. En effet, dans les récits des Anciens, les hommes et les femmes qui l’avaient précédée, ambitieux comme elle d’action, de reconnaissance et de découverte, avaient mis leurs dons au service des leurs : Décider, Soigner, Savoir, Créer.

Mais le temps des Anciens n’était plus. Alors qu’elle grandissait, cette contrée oubliée fit l’objet d’évènements extraordinaires qui devaient marquer pour longtemps le destin de ses habitants. Tout commença par la visite d’un étrange missionnaire, un homme venu d’ailleurs, bien au-delà des collines et des forêts, mais qui avait appris leur langue rocailleuse pour mieux parler aux gens. Et il amenait avec lui des nouveautés propres à exciter la curiosité des enfants autant que des parents : des images aux scènes richement illustrées, des processions théatrales dont les plus fervents obtenaient de jouer les meilleurs rôles, et des cantiques, chansons construites sur des mélodies si populaires que tous les fredonnaient. Il emballa rapidement les foules, au point qu’on fut bientôt plus de mille à vouloir participer aux processions lors de ses visites, et comme c’était un homme juste et bon, il entra dans la mémoire des Anciens comme «an Tad Mad » : le bon père.

Pour elle, ce fut une révélation : alors que les Anciens n’usaient que de la parole la plus simple pour transmettre leurs savoirs, ces illustrations, ces processions, ces chansons frappaient tellement plus les sens ; et surtout, les visiteurs savaient les réponses aux questions insatiables des enfants les plus curieux ; ils leur parlaient du monde au-delà des forêts et des collines, de la Terre qui est ronde comme les astres du ciel, des territoires vierges au-delà de l’océan à l’Ouest, des quatre horizons ondoyant sous les blés dans les grandes plaines à l’Est, des montagnes si hautes que les nuages s’éventraient sur leurs neiges éternelles, ruisselant de cascades, sur les routes de Rome et de Saint-Jacques; et des constructions des hommes, cités magnifiques aux immenses cathédrales… voilà donc pourquoi les fils et les frères partis vers ces merveilles n’étaient pas revenus.

Mais surtout, les visiteurs portaient des livres, où ils savaient graver la parole qu’on leur confiait. Avec quel ravissement vit-elle son nom inscrit en belles lettres courbes comme les symboles dessinés par les constellations d’étoiles de ses rêveries nocturnes… tout juste fut-elle déçue de le voir si petit, tel de fines pattes de mouches qu’elle ne savait reproduire. Car ces lettres dansaient devant ses yeux sans signification, et brouillées par ses larmes de frustration devant ce savoir à jamais inaccessible : après ces jours de fête, elle reviendrait à ses tâches quotidiennes, condamnée à l’ignorance. Tout au plus, comme elle avait accouché peu de temps auparavant d’un magnifique garçon auquel on donna le rôle du divin enfant, son unique heure de gloire devait-elle rester sa prestation dans le rôle de Marie, dans la plus belle des processions menées par cette nouvelle ferveur.

Elle ne pouvait se résigner à la pérennité de ce destin injuste.

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Ainsi, dès lors, elle ne cessa d’encourager les siens vers un progrès dont elle imaginait les lumières et les bienfaits comme ceux du plus brillant des astres, référence naïve à ce lointain roi Soleil dont les fastes et les guerres nécessitaient toujours plus de taxes jusque dans ses collines et forêts reculées. Hélas, cet idéal l’engagea sur un long chemin douloureux, car dans son impatience elle négligea de bien mesurer les subtiles frontières entre le Bien et le Mal, le Juste et l’Erreur, malgré les avertissements de ceux qui savaient, Anciens et Nouveaux. Ainsi celui-là même de ses enfants qui faisait sa gloire et son plus grand espoir, ce fils magnifique et adoré, si brillant et plein d’énergie comme elle l’avait toujours été, passa trop vite, et fort vainement, au monde des morts. Pendu à un arbre à tout juste seize ans avant la moisson de 1675: les Bonnets Rouges avaient tenté la révolution un bon siècle trop tôt, en cette contrée de Bretagne, toujours ignorante de la culture et du savoir des savants… mais brutalement confrontée à l’histoire.

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Sa modeste histoire, elle, aurait dû s’arrêter là, comme tant d’autres. Mais elle puis ses filles continuèrent de vivre plus ardemment que leurs pairs, l’esprit sans cesse en éveil agité par des questions sans réponse, et animées avant tout par la volonté de bien faire, de mieux faire, pour elles et pour les leurs. Ainsi son histoire continue dans celles dont les traits rappellent les siens, et qui ont hérité ses rêves – rêves qu’à force de patience et de sagesse, leur temps enfin venu, elles ont réalisés, par-delà les collines et les forêts, et jusque dans les livres, puisque ce récit lui est dédié.

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Devenir marraine – doutes

Mon beauf’ m’a demandé de devenir la marraine de mon petit neveu. Marraine catholique, je précise puisqu’apparemment en France on pratique aussi des baptêmes civils. J’ai un peu hésité: pourquoi me le demander à moi, qui ne mets les pieds dans les églises que pour y admirer les vitraux ou y écouter un concert, et qui signe tous les ans le formulaire de renoncement au catéchisme pour l’école de Lili (école publique, mais dans un canton suisse qui n’est pas laïque. Du coup, dans sa classe, ils ne sont que 4 à ne pas aller au cathé, catho ou protestant! j’en aurais presque mauvaise conscience, mais la laïcité fait partie des points non négociables avec Mari Charmant et je considère qu’à court terme, la paix du ménage fera plus pour le bien-être psychologique de mes puces qu’un accompagnement spirituel, qui plus est de masse.).

Mais beauf’ a insisté – d’après lui, j’étais encore la moins pire des candidates et le parrain n’a plus grand-chose du catho pratiquant non plus (même s’il n’a quand même pas osé demander à son frangin = Mari Charmant hi hi!). Il faut dire que ma belle-soeur est chinoise, vaguement bouddhiste (enfin ce que Mao n’a pas réussi à virer de la religion, i.e. le culte des ancêtres et quelques vagues superstitions) donc de ce côté-là, ya pas un baptisé or c’est une condition nécessaire (mais pas suffisante, ce que j’ai déouvert depuis, cf ci-dessous). En plus, toutes leurs relations sont étalées sur 3 continents: trouver un lieu et une date convenant à tous pour le baptême était déjà un casse-tête…

Après tout, je suis déjà marraine; même si ma filleule a plus de 20 ans, je ne me souviens pas que ce rôle ait eu quelque incidence dans ma vie. En même temps, je me demande quand même si ce n’est pas une grande hypocrisie? car j’en ai quand même profité pour aller regarder de plus près ce que sont ces rites ancestraux et ce que cela implique. Or je ne me dirais plus chrétienne aujourd’hui, au sens engagé et convaincu du terme, même si je continue de payer mes impôts ecclésiastiques (pour le patrimoine du canton sus-cité) et si je garde un souvenir très puissant des rites auxquels j’ai participé en toute bonne foi (si!) dans ma jeunesse, notamment la confirmation. Mais je ne me sens pas à ma place dans le "système" et j’aurais de la peine à considérer la Bible comme un guide au quotidien (même si je constate qu’elle est essentielle à d’autres, cela n’a jamais été le cas pour moi).

Bref, je ne me sens pas très à l’aise.

Beauf’ a organisé un pot avec son pote le curé la veille du baptême, j’espère que j’aurai l’occasion de poser quelques questions et au pire de trouver une meilleure âme chrétienne dans l’assistance pour me remplacer à la volée si je ne suis décidément pas (plus) qualifiée…

… je crois que je me suis encore mise dans le pétrin (non, c’est la faute à beauf’), mais vu mon caractère, je vais juste comme d’habitude prendre sur moi et jouer le rôle que l’on attend de moi… après tout, cela ne fera de mal à personne, et je lui veux tout plein de bien, à mon petit Matteo…

… la suite dans quelque temps, quand j’aurai passé la cérémonie…

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Le plus beau rêve de ma vie

Colombe_bleu J’ai fait un jour un rêve qui m’obséda longtemps. Puis sont venues d’autres phases de ma vie, où j’ai eu d’autres projets à construire. Mais ce rêve revient à nouveau, en phase certainement avec la quête de sens à laquelle je suis revenue depuis quelque temps.

J’ai décidé de l’exposer ici et d’appeler à vos commentaires qui m’éclaireront peut-être dans cette quête. Je ne peux que résumer mon souvenir, car les détails que j’avais capturés dans mon papyrus d’alors sont restés avec lui dans une vieille armoire, je ne sais plus trop où…

Ce rêve se passait la nuit, dans le quartier où j’habitais alors. Tandis que je passais dans la rue, je vis une silhouette sur le toit d’une maison, au bord du toit, prête à se jeter dans le vide. Mon sang ne fit qu’un tour: j’escaladai le mur du jardin pour aller le rejoindre avant qu’il ne commette l’irréparable. Il s’agissait d’un garçon que j’avais croisé quelques mois plus tôt dans des circonstances particulièrement importantes dans ma vie spirituelle, qui était alors beaucoup plus riche qu’aujourd’hui (j’avais 16 ans). C’était vraiment étonnant de le voir dans cette situation, car dans la vie réelle il avait une assurance, une "force tranquille" et une aura qui le faisait beaucoup apprécier de ceux qui croisaient son chemin; il jouait du piano debout, comme dans la chanson de France Gall, et il faisait passer beaucoup dans sa musique (Dieu aime les artistes). Bref, voilà que je le rejoins sur le toit, et nous commençons à parler. Cette parole est libératrice, apaisante et partagée. Difficile de mettre des mots sur le ressenti dans lequel baignait la fin de ce rêve: lumière (et pourtant il faisait nuit), amour (et pourtant c’était un étranger), énergie (et pourtant nous étions simplement assis sur ce bord de toit).

Je me suis réveillée encore pleine de cette Emotion; le jour se levait, c’était un matin d’avril à la campagne, et j’ai ouvert les volets et regardé dehors encore émerveillée.

Ce rêve m’a beaucoup travaillée à l’époque, au point que j’ai fini par lui écrire quelques mots maladroits et qui ne disaient pas grand-chose, en tout cas rien sur ce rêve (je ne me souviens plus du texte, mais je me souviens que j’avais soigneusement choisi une carte représentant une colombe). Curieusement, il me répondit par une lettre très simple et laconique, mais où il me remerciait de cette lettre car elle était arrivée à un moment difficile et lui avait fait beaucoup de bien!

Par la suite j’eus quelques occasions de le croiser à nouveau et son "calme tranquille" était toujours là. Je suppose qu’il a continué son chemin de vie comme j’ai continué le mien, mais sur des routes divergentes. Mais pour ma part, je continue de m’accrocher à ce rêve comme au plus bel idéal: Aider Autrui… en suis-je vraiment capable?

Comme par hasard, Psychologies.com affichait il y a quelques jours la phrase suivante à méditer:

« Notre seul pouvoir véritable consiste à aider autrui. »

Le Dalaï-Lama

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Kerleane

Kerleane, bien sûr, cela sonne breton, comme moi, on ne se renie pas… Toutefois je n’ai jamais trouvé ce mot sur le web; c’est Kerlean que l’on trouve, nom de famille à particule, ou nom de lieu.

Cependant, Kerlean, c’est aussi une chapelle dédiée à Notre Dame du même nom. J’y ai accompagné ma grand-mère qui l’affectionnait particulièrement, une fois, à l’adolescence, et cette visite a curieusement suffisamment marqué ma mémoire pour que je retrouve sans peine le lieu-dit du même nom, au moins vingt ans plus tard, sur la carte IGN, juste en suivant la route "vers le Sud" sur la carte selon mon souvenir. Alors même que ce nom ressurgissait dans ma mémoire l’an passé, et sans que nous en ayons jamais reparlé, ma mère glissa une photo de N.D. de Kerlean dans les affaires de ma fille. Kerlean, étymologiquement, cela veut dire "Maison des Moines". A noter que cela se prononce comme en anglais: Kerline.

Comme j’ai beaucoup d’imagination, de ces faits bruts qui ne se commentent pas, j’ai peu à peu construit un mythe personnel autour de ce nom, de ce lieu, de cette tradition de grand-mère à petite-fille (la grand-mère a un rôle magnifique en Bretagne – cf le culte de Sainte-Anne), au point d’inventer ce surnom, un peu magique, un peu féérique, et qui puise dans mes racines les plus profondes pour me nourrir de la certitude de l’amour de ces femmes qui m’ont précédées et que je magnifie dans mon imaginaire.

Kerleane, c’est donc la mère que je rêve d’être pour mes filles (je me rends compte que si je mettais tout cela au masculin, çà sonnerait terriblement macho et patriarcal, mais malheureusement, je n’ai pas de fils pour rééquilibrer tout cela!).

Kerleane, c’est aussi un peu un rêve, celui de dépasser un peu mon quotidien banal. J’ai beaucoup reçu; que puis-je donner? Décider, Soigner, Savoir, Créer? les papyrus, c’est un élément du puzzle que je mets en place à présent: Créer.