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Maternités

"La spiritualité, c’est aussi dans la relation à l’Autre qu’on la vit."

J’ai parlé de la plus égale et la plus longue, la plus singulière aussi, au sens de l’unicité, de mes relations à l’Autre pendant ces 15 ans – le Couple.

J’ai parlé de toutes ces relations croisées notamment sur mon chemin professionnel sans en citer une en particulier, mais en mesurant leur importance dans mon progrès personnel – confiance en moi, ouverture aux autres – la Vie Sociale.

Il reste les Enfants.

Il est difficile de mettre en mot l’expérience de la Maternité qui n’est malheureusement biologiquement accessible qu’à la moitié d’entre nous, et pratiquement pas toujours réalisable, car il faut être deux, en avoir le désir, être prête à l’assumer moralement, physiquement, nerveusement, financièrement, etc…  Bref, pour celles qui un jour se lancent dans l’aventure, c’est par le corps qu’elle commence pour beaucoup d’entre nous (pas toutes): tiraillements dans le bas-ventre, seins lourds, nausées, fatigue… Pendant 9 mois, il va falloir le partager, ce corps! et bébé est exigeant.

Si vous mangez mal (et parfois, si vous mangez tout court, et parfois, même si vous ne mangez pas): la tête dans les toilettes…

Si vous dormez mal (et vous dormez mal, car il faut vider la vessie, digérer des rêves bizarres, et après quelques-mois, s’accorder sur les coups de pied): somnolence toute la journée…

Si vous avez des doutes ou des angoisses (forcément, en 9 mois, cela arrive): crise de larmes…

Si vous êtes coquette ou active (ou les deux): vous devez ravaler votre fierté en traînant votre forme de poire bosselée plus ou moins bien habillée au rayon Maternité de votre boutique de fringues préférée (quand il existe!) et vous contenter de quelques exercices ramollis de préparation à l’accouchement à grand renfort de musique douce au lieu d’aller faire du step au fitness ou danser sur de la techno…

… et si vous êtes mince en temps normal, vous finirez tout de même par expérimenter avec horreur les malheurs des gros, par exemple devoir renoncer à une place de parking en épi parce que, de profil, impossible de se glisser entre les portières: les 2 derniers mois, c’est de face qu’il faut passer au plus étroit! Impossible, aussi, de lacer ses chaussures sans se mettre en position du lotus, ce qui est assez malpratique…

Bref, je n’aime pas être enceinte.

Mais… il y a la rencontre, ensuite. Quand je repense aux premières années avec mes petites, je me vois vraiment comme n’importe quelle maman du monde mammifère. Je les ai nourries, portées, lavées, éduquées. Et surtout: aimées. Choisir, ou reconnaître, un Prince Charmant, c’est déjà toute une affaire en matière d’amour, mélange d’hormones et d’intellect, bref de l’affectif sophistiqué à haute dose. Mais porter et élever un enfant, c’est encore toute une autre dimension.Mere_et_enfant_caravaggio1607

Il y a la responsabilité, d’abord. Cette vie dépend d’abord totalement de la nôtre, puis encore pendant longtemps, des soins et de l’amour que nous lui accordons. En fait, une mère est toute-puissante! Mais moi, cela m’angoissait tellement pendant ma première grossesse que j’ai passé des centaines d’heures à lire tous les livres que j’ai pu trouver sur la grossesse, les bébés et l’éducation des enfants, au point que je pourrais presque encore en citer des passages… Pourtant je ne suis pas devenue une maman poule, je me suis séparée sans peine de mes petites pour reprendre le travail puis les confier à l’école, mais je me sens quand même responsable d’elles et je ne préfère ne pas réfléchir à la folie qui pourrait me prendre si on leur faisait du mal. La colère est un sentiment qui m’est quasi-étranger en temps normal, mais là…

Il y a l’amour, ensuite, l’affaire de 5 sens et même plus: cela sent bon, un tout-petit, c’est beau, cela gazouille, sa peau est toute douce, on le mangerait de bisous! et puis il y a le 6ème sens, se réveiller la nuit 10 secondes avant l’appel d’un bébé affamé ou d’un grand qui a soif, qui a fait un cauchemar ou dont le nez coule…

Mes petites ne sont plus des bébés et je n’ai plus depuis longtemps le bain hormonal de la grossesse et l’allaitement – la cadette, Ondine, a 4 ans – mais elles sont toujours une telle dimension de ma vie affective que je ne pourrai jamais le mettre en mots. Je vois bien, dans les notes des autres mamans d’enfants devenus grands qui s’expriment sur cette blogosphère, que même quand ils ont ont 15, 20, 30 ans, ce sentiment d’amour maternel reste puissant. S’il y a un amour éternel, cela doit bien être celui-là!

Quant à la spiritualité… donner la vie m’a rendue beaucoup plus sereine quant au sens de la mienne, et m’a aussi libérée de certaines angoisses liées à mon manque de confiance dans mon corps, à ma peur de mourir trop vite…

En résumé, la Maternité est une belle expérience, exigeante certes, mais fondamentale et incroyablement gratifiante. Dommage simplement que cette expérience ne puisse être universelle…

Image extraite d’une peinture sur toile (détail) "Sette opere di Misericordia" de Caravaggio, datant de 1607… ces peintures m’impressionnent beaucoup par leur réalisme, on dirait une photo: l’homme derrière cette oeuvre n’a pas porté d’enfant, mais ce qu’il a réalisé est une ode à la vie aussi!

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15 ans de pointillés…

Et après?

Pause…

Je crois que mon chemin est devenu plus lisse… simple, banal. Sans histoires. Petite vie tranquille en pointillés…

La spiritualité, c’est aussi dans la relation à l’Autre qu’on la vit.

C’est cette dimension, peut-être plus "pointillée" que mes précédentes quêtes mystiques plus ou moins fondamentalistes, qui devait m’occuper les 15 années suivantes.

Tout d’abord, la relation à mon Alter Ego: Mari Charmant.

A force d’espérer le Prince Charmant, j’avais fini par le rencontrer, ou plutôt, le reconnaître. Non pas qu’il s’agisse d’une espèce rare, comme je l’ai indiqué dans ma note sur les Maris Charmants: je suis du genre optimiste sur l’espèce masculine. Mais ces choses-là prennent du temps. Et de construire une relation à deux, équilibrée, forte et constructive pour les deux, sur la durée, plus encore. Nous y avons mis cinq ans, grosso modo, jusqu’à être assez installés dans nos vies et dans nos têtes pour nous engager officiellement. Je sais que cela ne se pratique plus guère, mais le mariage était une étape importante dans notre cheminement, et, de mémoire, la dernière source de profond désaccord sur deux points:

1) mon changement de nom, qui me paraissait une perte d’identité totalement inacceptable: perte de ce qui me restait de breton dans mon exil, et perte de ce que j’avais si fièrement construit puisque je venais de faire mes premières publications à mon nom;

2) le fait de faire une cérémonie religieuse, avec tout ce que cela implique de rituel et de sacré auquel, mine de rien, je tenais encore.

Heureusement, ce choix n’en était pas un. Du fait de notre émigration en Suisse, c’est là-bas que nous devions célébrer notre mariage civil, et comme nous avions convenu de faire une grande fête en Bretagne organisée à 90% par mes parents (aspect logistique absolument non négligeable auquel (futur) Mari Charmant ne pouvait être que sensible!), il semblait difficile de faire déplacer famille et amis des 4 coins de la France et de Suisse sans… le prétexte d’une cérémonie! ouf…

Quant au nom, même cause, mêmes effets. La femme Suisse qui choisit de prendre le nom de son mari perd, lors de son mariage, toute son identité pour prendre celle de son mari: nom et lieu d’origine (du nom de famille, utilisé dans l’état civil suisse et très utile d’ailleurs pour les généalogues). La femme Française, à l’inverse, se contente d’adopter le nom d’"épouse untel", derrière le nom de jeune fille dans la carte d’identité (au lieu de Untel née Truc en Suisse), et c’est juste par "usage" qu’elle prend le nom de son époux dans la pratique quotidienne. Du coup, pour assurer la compatibilité de la paperasse, les Françaises qui se marient en Suisse, même à un Français, n’ont pas d’autre choix que de faire celui, dans l’état-civil Suisse, de garder leur nom de jeune fille, qui reste du coup utilisé au jour le jour en Suisse. Re-ouf…

Je sais bien que cette histoire de nom peut paraître puérile, mais il était important pour moi de publier ma thèse et les articles associés sous le nom de mon père et de mon grand-père. Ma réussite était importante à leurs yeux, ils l’avaient assez encouragée sans se soucier que je sois une fille (je crois que dans la culture d’où je viens, cela n’a pas d’importance). Je leur devais bien cela.

D’un autre côté Mari Charmant s’identifiait aussi fortement à son nom, et associait cette démarche de rejet du nom à celle de la femme divorcée qui reprend son nom de jeune fille, alors que sa démarche de mariage se faisait dans le sens de s’engager à construire une famille, un patrimoine génétique et patronymique à long terme, s’inscrivant dans la durée et la transmission. L’homme ne porte pas les enfants, mais il leur transmet son nom…

C’est d’ailleurs là-dessus que nous avons, tout seuls, construit notre consensus. Nos enfants porteraient son nom, comme j’ai porté celui de mon père, et nous ne les baptiserions pas, indépendamment de ma nostalgie pour le rite et la fête qu’on y associe dans notre culture, car c’est de leur spiritualité qu’il s’agit, pas de la nôtre (d’ailleurs certains mouvements protestants ne pratiquent le baptême qu’à l’âge adulte, conscient et responsable, et c’est le même genre de questionnement qui justifie l’existence du sacrement de confirmation dans les autres pratiques).

Match nul, donc!

Il était clair que nous avions nos deux (fortes) individualités à concilier sur le long terme pour progresser ensemble, et que la main-mise de l’une sur l’autre ne nous conduirait pas à l’équilibre. Nous avons finalement admis nos différences… comme des enrichissements! c’est à cette époque que nous avons commencé à aller voir deux films différents au cinéma, à lui l’action, à moi le sentiment… et le plaisir d’avoir deux films à se raconter après. Pour nous ressourcer après une semaine à travailler comme des dingues sur nos projets de recherche et les projets industriels qui les accompagnaient, j’allais marcher dans la nature, il allait bricoler dans la cave, moi la contemplative, lui le créatif… et nous sommes devenus sereins et respectueux l’un de l’autre, et de plus en plus complémentaires.

C’est tout bête, mais quand on l’explique aux autres couples, à part les vieux qui ont construit 40 ans de complicité sur de telles différences et qui nous regardent comme si c’était une évidence, on passe pour des extra-terrestres.

Yinyang

Ainsi accordés et équilibrés, nous avons pu construire énormément tant dans notre travail que dans notre famille, ce qu’il faut que j’explore encore dans les pointillés…

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Et Dieu s’effaça dans la brume

Alors j’ai lu… de la science fiction, des essais. Des écrits de savants disant leur foi. Mais aussi des livres donnant un éclairage nouveau à la vision du monde de mes 20 ans, comme La Mélodie Secrète, ou L’homme qui devint Dieu.

Puis, une énième nuit de discussion, face à 3 potes agnostiques, nous avons parlé de la vie après la mort, suite à je ne sais plus quelle sortie d’un film Alien où l’héroïne se suicide pour tuer l’alien dont elle était enceinte. La mort les terrorisait tous les trois, au point qu’ils ne comprenaient pas ce geste dans le film. En fait, ils espéraient au contraire qu’à terme, la science et la technologie permettrait de l’abstraire un jour en donnant accès à l’immortalité à leurs consciences incarnées.

Et moi je ne les comprenais pas.

J’étais certes angoissée comme eux, mais de mourir déjà demain, parce que cette mort-là aurait fait que ma vie n’aurait pas eu de sens – pas eu le temps de donner la vie, tant de beauté à découvrir encore; mais si cette mort, même demain, avait soudain un sens comme de permettre à d’autres de vivre au prix de mon seul sacrifice (ce qui était clairement le cas dans le film), je pouvais alors l’envisager avec davantage de sérénité (du moins abstraitement!), voire la considérer comme nécessaire.

Plus généralement, la mort me semblait s’intégrer comme une simple étape au sein d’un cycle immuable et naturel contre lequel je ne voyais pas l’intérêt de me révolter, et il me semblait intuitivement que l’unicité (ici) et l’éphémère (maintenant) de ma conscience était une simple illusion égocentrique qu’il fallait dépasser pour vivre sereinement. En sciences, le principe de conservation de l’énergie stipule que "rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme"… je l’utilisais comme analogie, car il exprimait en fait assez bien ma conception de la conscience (ou de l’âme en terminologie chrétienne).

Et là ils se sont moqués de moi… tes convictions, m’ont-ils expliqué, ne sont pas catholiques. Tes histoires de cycle naturel et immuable, d’harmonie et de nature… on dirait du bouddhisme!

Et là, j’en ai eu marre. C’est vrai que dans ma perception de l’âme et de la mort, le paradis et l’enfer ne me parlaient pas du tout. Si encore j’avais pu faire de la théologie pour approfondir les mystères de la foi catholique! mais non, les séminaires, c’était pour une élite exclusivement masculine. Au moins, les écoles d’ingénieurs étaient désormais ouvertes aux filles… voilà qui m’incitait sans hésitation à choisir mon camp!

C’est ainsi qu’à 20 ans, j’ai laissé tomber la pratique du catholicisme qui me conduisait à trop de contradictions intellectuelles.

Je suis devenue agnostique.Eglisedanslabrume_2

Dès lors, pour moi spécifiquement car je continuais de respecter les convictions des autres (surtout si je jugeais qu’elles leur faisait du bien à l’âme comme je l’avais expérimenté moi-même), Dieu s’effaça dans la brume.

                         Ni tout à fait absent,

                              ni tout à fait présent,

                                       juste flou et lointain…

    

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Le temps des Lumières

Suite à ma confirmation, j’ai continué ma recherche spirituelle. L’expérience m’avait tant convaincue que je m’étais engagée pour encadrer la préparation des générations suivantes. Je participais aussi à différents rassemblements de jeunes catholiques – fêtes diverses, pélérinages.

CiergeSur un plan plus personnel, je retournais souvent me recueillir dans l’église de la confirmation, car elle était au milieu des 2km séparant le lycée de ma maison, et c’était une étape pour moi pour méditer mes soucis de la journée et retrouver une certaine sérénité entre ces deux sphères de relations aux autres -mes camarades et les profs d’un côté, ma famille de l’autre – qui m’étaient alors si compliquées. 

Mais peu à peu, je devenais adulte. Après le bac, j’ai quitté la maison pour aller étudier à quelques 200km. C’est en procédant par élimination que j’avais choisi ma voie: je voulais un métier avec des débouchés, j’étais trop timide pour faire du commerce, trop phobique à la vue du sang pour faire médecine, et comme j’étais bonne en maths et en physique, le choix d’une école d’ingénieur s’était imposé assez naturellement.

C’est alors que j’ai commencé à faire le grand écart.

D’un côté, la Foi: cette conviction intérieure, ce vécu si fort derrière mes pas d’alors, et pourtant indicible. Croire…

De l’autre côté, la Science: celle qu’on m’inculquait au jour le jour – physique, chimie, algèbre, mécanique – mais surtout l’esprit scientifique dans lequel je baignais du matin au soir dans ce milieu d’étudiants passionnés de maths, de sciences, de technologie; s’interroger, proposer des hypothèses, expérimenter, valider ou invalider, conclure; mais aussi, échanger, discuter, critiquer. Réfléchir…

Il est difficile de résumer en un paragraphe les heures innombrables et le plus souvent fort avancées dans la nuit, parfois même à la veille d’examens ce qui donnait encore plus de piment à l’expérience, que j’ai passées en résidence universitaire à discuter sans fin de la nature de la conscience et la capacité de l’homme d’en créer une artificielle, ou de la transférer dans une machine, du chat de Schrödinger, de la théorie du chaos et des fractales, de la peur de la mort, du mystère de la foi, de l’existence de Dieu… Mes camarades étaient tous devenus agnostiques, voire athées, au cours de leur maturation, et moi avec ma bonne foi catholique, j’étais un mystère pour eux: comment pouvais-je concilier sans conflit mes convictions scientifiques et mes convictions religieuses?Fractale

Evidemment, nous n’avons rien inventé: les arguments avaient beau être parfaitement logiques, nous partions d’hypothèses de base différentes – Dieu existe, ou Dieu n’existe pas – et il était impossible de valider, ou invalider, l’une ou l’autre de ces hypothèses dans la limite de notre expérience.

Et de l’autre côté, quand je rentrais le week-end, je tournais en rond. Des confirmants que j’accompagnais me regardaient avec de grands yeux étonnés quand j’essayais d’expliquer que non, la notion de Dieu ne se confine pas à celle du bonhomme à grande barbe planté sur son nuage qui surveille leurs faits et gestes, et qu’il serait temps de s’intéresser au 3ème élément nettement plus abstrait de la Trinité, ce fameux Esprit si difficile à mettre en mots mais que je leur souhaitais tant de rencontrer. Peine perdue? la plupart étaient là parce que leurs parents les avaient envoyés là… la dimension bassement culturelle de la religion me sautait soudain en pleine figure…

J’ai commencé à douter.

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La transmission des 7 dons – célébration

Si vous avez loupé le début, l’exploration de mon parcours spirituel commence ici

14h29. Les pieds sur les pavés bruns du parvis, aux bords arrondis usés par d’autres piétinements au cours des siècles, je regarde l’heure, car il me semble que je dois mémoriser tous les détails de ce jour-là. Je suis dans le petit groupe à qui la décoration de l’église a été confiée, et le responsable de l’animation musicale vient de se joindre à nous. Il se présente. Je ne le connaissais pas; il me frappe par la force tranquille qu’il dégage. Je crois qu’il fait partie des gens qui ont une aura quasiment perceptible par le commun des mortels. Mais il en est inconscient. C’est un messager.

Nous passons l’après-midi à décorer l’église, des panneaux de nos poèmes et credos, de dessins colorés figurant la descente de l’Esprit sur le groupe, de bouquets de fleurs que j’arrange au gré de leurs couleurs, au hasard de mon inspiration du moment. Je ne connais pas cette église, de l’autre côté de la ville, mais elle respire une profondeur inhabituelle. J’ai l’impression de percevoir le passage des âmes venues prier ici depuis des générations dans ses dalles et ses boiseries. Il y règne une grande sérénité.

Mais le temps n’est pas au recueillement, le temps est à la fête! cette église, nous allons l’animer formidablement ce soir, avec tout l’éclat et le dynamisme que notre jeunesse réclame. Les fleurs, les panneaux de couleur, bien sûr; mais aussi un son-et-lumière, pour la mise en scène théâtrale qui s’impose pour frapper notre génération télé-stéréo de la puissance du souffle de l’Esprit-Saint qui va descendre sur nous. C’est le messager qui a la responsabilité de ce spectacle, et tandis que nous finalisons la déco, il peaufine ses répétitions. Dans le petit groupe, l’excitation monte, les yeux brillent, on rigole. Enfin tout est prêt; une petite pause dans le café d’à côté, puis tout le monde rentre souper et se préparer, car la cérémonie aura lieu en soirée.

Quand je reviens, il fait nuit, il fait froid. Les miens rentrent dans l’église, avec les familles. Nous restons sur le parvis, attendant que vienne enfin l’heure de notre entrée solennelle dans l’église illuminée où l’évêque va nous accueillir.

Car le sacrement de la confirmation fait partie des sacrements que seul l’évêque peut donner, ou si nécessaire son représentant, mais ce dernier doit être explicitement nommé par l’évêque pour le remplacer. Les prêtres ordinaires peuvent baptiser, confesser, marier, enterrer, soigner les malades, donner la communion; mais pas confirmer.

Ce n’est pas un sacrement anodin.

Tout cela m’intimide. Je me sens bizarre, j’ai un noeud dans le ventre. Serai-je à la hauteur? j’ai tellement de doutes sur ma valeur, ma capacité à faire le Bien, à avancer vers la Lumière. Comme tous les confirmants, j’ai écrit une lettre justifiant ma démarche à l’évêque. C’était la dernière étape de la préparation. Ma lettre était très longue, plusieurs pages, car j’ai voulu exprimer toute cette difficulté de discernement, et en même temps, dire combien j’ai envie de chasser définitivement mes idées noires, mes angoisses, ma peur du Mal, pour progresser vers plus de force, de sagesse, de bonté.

Peut-être que ma lettre va lui faire peur. Peut-être que je ne suis pas prête.

Toutes ces pensées se bousculent dans ma tête. Sous le porche, je croise le messager. Il a dû percevoir mon angoisse et mes doutes, ils doivent se lire sur mon visage inquiet: il hausse les sourcils, interrogateur: "çà va?".

Oui, çà va… sourires. Je me détends.Venu_esprit

C’est en musique et en lumière que nous entrons dans l’église qui est pleine ce soir. C’est magnifique, c’est grandiose! les chants, les lectures, la liturgie s’enchaînent dans cette ambiance festive: il y a une énergie, une joie incroyable dans cette cérémonie.

Vient le moment du sacrement lui-même. Pénombre et silence. D’abord, l’évêque invoque l’Esprit-Saint – puis il impose les mains sur les confirmands en évoquant les 7 dons du Saint-Esprit que nous allons recevoir: sagesse et intelligence, conseil et force, science et piété, et la crainte de Dieu. C’est par un grand fracas et une grande lumière que sa descente est symbolisée. Alors, un par un, nous allons à la rencontre de l’évêque, afin qu’il marque notre front d’un signe de croix avec le Saint Chrême.

Quand vient mon tour, je lui dis mon prénom; il me sourit: il a lu ma lettre, et il m’encourage.

Que m’a-t-il dit exactement? pendant des années, je me suis accrochée à ses mots dans les moments de doute. Puis je les ai oubliés! j’ai retenu tous les autres détails, mais pas ceux-là! reste l’essentiel: la conviction d’avoir un long chemin devant moi, mais que ce chemin est le bon.Confirmation

J’ai reçu le sacrement – mon front est huileux. Je regagne ma place.

Et… je tremble. Je tremble, je tremble! je ne peux plus m’arrêter de trembler, comme si toutes les vannes de mes émotions les plus fortes s’étaient ouvertes.

Depuis, en m’intéressant aux médecines énergétiques, j’ai lu que ce type de réaction peut se produire lors d’un puissant travail sur les chakras. En l’occurence ici, probablement les 7eme (imposition des mains) 6e (onction sur le front) et 5e (mention verbale de la descente de l’Esprit Saint dans le coeur).

La cérémonie s’achève comme elle a commencé, dans la lumière et la musique, dans la joie et l’énergie. Nous sortons aussi solennellement que nous sommes entrés, mais cette fois, chacun avec une petite bougie allumée dans les mains – symbôle de la lumière de l’Esprit que nous portons plus fortement en nous désormais.

La petite flamme dans mes mains est encore un peu faible et vacillante, comme mon corps qui tremble. Mais elle est brillante.

J’ai gardé précieusement cette bougie pendant les quelques années qui suivirent, où je poursuivis, mais vainement cette fois, ma quête spirituelle dans le catholicisme: ce sera l’objet du prochain épisode…

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La transmission des 7 dons – préparation

Dans le diocèse où j’ai grandi, dans les années 80, c’est à 15 ans révolus que l’on pouvait préparer le sacrement de la confirmation. A cet âge, ne restaient plus guère que les enfants de bonnes familles pratiquantes, plutôt bourgeois et quasi tous scolarisés dans le privé, pour qui la confirmation était une évidence comme la messe du dimanche. Il y avait aussi toutefois quelques ados plus atypiques, par exemple de rares (nous étions en Bretagne) immigrés latins étonnés de l’extrême laïcité, voire de l’anti-cléricalisme, de la culture française, et impatients d’imiter leurs parents et cousins confirmés dans la foulée de la communion solennelle. Et bien sûr nous étions aussi quelques-uns à venir dans une démarche plus individuelle, curieux électrons libres à la recherche d’un engagement spirituel personnel ou d’un approfondissement de notre bonne foi d’enfant.

La préparation se faisait sur une année sous forme principalement d’ateliers mensuels le samedi après-midi: études de texte, rédactions de poèmes ou de courtes histoires, dessins, chansons, discussions et débats, sur un sujet tel que la vie en société, notre projet de vie, notre engagement de chrétien, etc.  Bien sûr, le thème central auquel tous ces sujets revenaient finalement était le Saint Esprit, divin porteur de sens, de sagesse et de force dont tout baptisé bénéficie des premiers bienfaits, mais que la confirmation devait renforcer ad vitam aerternam.

J’étais ravie de cette notion bien abstraite qui exprimait enfin les sentiments, sensations, émotions du divin que je ressentais, et qui étaient si difficiles à décrire avec des mots de tous les jours. Je crois que je devais être un peu mystique dans le fond!

De plus, j’étais heureuse dans ce groupe comme nulle part ailleurs, loin de mes doutes et questions existentielles. L’ambiance y était beaucoup plus chaleureuse qu’au lycée, et c’était un espace de construction personnelle et de liberté loin des parents, même si des adultes nous encadraient, car la plupart était à peine plus âgés que nous – animateurs MEJ, séminariste, étudiants…

Kersaliou_1La cérémonie devait avoir lieu en novembre. Le dernier temps fort de la préparation était, en septembre, une retraite d’un week-end dans un château en bord de mer. En deux jours, le groupe finissait de sceller son "Esprit" au moyen d’une randonnée-jeu de piste et de réflexion, de repas et d’une belle veillée en commun animée de guitares et chants, d’ateliers approfondis, et d’une célébration.

Et j’eus pour ma part la chance supplémentaire de vivre là-bas une jolie expérience personnelle, de celles qu’on garde bien au chaud dans son carnet de vie. Moi qui suis une vraie marmotte impossible à sortir de dessous la couette au petit matin, ce dimanche-là dans le dortoir, je me réveillai au petit jour, en grande forme et  pleine d’allant. Comme tout le monde dormait encore, je décidai de sortir doucement pour aller marcher au dehors.

C’était un de ces beaux matins d’automne, à peine brumeux, et mes pas me conduisirent naturellement vers la plage en contrebas pour admirer le lever du soleil, car elle donnait à l’Est. Sans doute était-ce une grande marée montante d’équinoxe, car de larges vagues régulières se succédaient bien haut sur la plage. Et tandis que je leur faisais face, le soleil s’éleva, magnifique sphère de lumière encore mêlée aux rouleaux d’embruns et d’écume, dardant aux travers de l’eau des rayons aux couleurs chaudes qui me semblaient ainsi directement adressés. Le vent dormait encore, et tout l’air de ce matin respirait la sérénité. Je restai là de longues minutes à respirer, à vivre simplement, parfaitement heureuse d’être en ce lieu-là à ces instants-là.

Sunrise_1 Quel moment magique! il n’en fallait pas plus pour achever de renforcer mes convictions les plus positives. Je crois que pour un peu, j’aurais vu l’Esprit-Saint partout, si je n’avais pas avant tout le caractère à bien garder les pieds sur terre dans ma vie quotidienne. Evidemment, je me réjouissais vraiment de vivre l’étape ultime, ce fameux sacrement qui finaliserait mon parcours spirituel dans la foi catholique, l’affermissement de la confirmation avec la transmission des sept dons de l’Esprit, le jour J… qui fera l’objet du prochain épisode!

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Les mauvais esprits de mon adolescence

Oursenpeluche Quelques mois après ma communion, j’ai fêté mes 12 ans. Le soir, j’ai regardé mes affaires d’enfant dans ma chambre, et un monstre cafard m’a prise à la gorge. Je ne voyais plus mes peluches de la même manière: usées, inertes. Elles avaient soudain perdu le pouvoir rassurant que je leur prêtais encore une année plus tôt, quand à mon entrée en sixième, mes parents m’avaient aménagé une chambre entre la cuisine et la salle de bains: elles m’avaient été bien utiles alors dans cette migration angoissante en bas, loin d’eux, loin de la lumière dans le couloir du haut le soir, et privée désormais de la présence rassurante de mes cadets partageant ma chambre.

Mais j’avais 12 ans à présent. 12 ans! je suis quelqu’un qui se situe toujours très précisément dans le temps et dans l’espace, ma tête est pleine de repères de dates et de lieux. 12 ans, pour moi, c’était la fin de l’enfance. Et je me suis sentie terriblement triste et terriblement seule, même si je ne savais pas trop pourquoi, à part ce que mes lectures les plus avancées d’alors m’avaient laisser deviner des tumultes dans lesquels j’allais entrer.

Je sentais bien que j’étais devenue une grande, que mes parents devenaient chaque jour à mes yeux moins magiques, moins puissants, moins beaux, tandis que les jeux puérils de mes cadets m’ennuyaient toujours plus…

Restait le monde extérieur, auquel je devais désormais me confronter plus sérieusement. Je rêvais déjà confusément d’amitiés éternelles et d’amours merveilleux. Mais la réalité était tout autre. Je ne trouvais pas du tout ma place parmi mes pairs.

Dans ces conditions, Dieu était un bon refuge, mais c’était une relation discrète, abstraite, qui s’exprimait dans de multiples petits bonheurs, le spectacle des cerisiers en fleurs, une belle journée de mai, une jolie chanson, la flamboyante descente des jours dans les feuilles qui virevoltent… Car j’étais infiniment vivante et exaltée derrière ma carapace de gamine sage et timide, trop "intello".

C’est dans ces années que je vécus ma première folle amitié. Bien sûr j’avais des copines, mais quand Clarisse est arrivée à la rentrée de 3ème, le courant a tout de suite passé. Il nous suffisait d’un mot pour partir dans des fous-rires que nul autre ne comprenait. Nous partagions tout, les lectures, l’évasion de nos carcans familiaux par l’écriture. Car son carcan familial était bien plus étouffant que le mien. Elle était d’une famille catholique intégriste. Pour moi, cela ne voulait rien dire alors, j’étais juste curieuse de comprendre ce que cela signifiait.

Mgrlefebvre Ainsi, ses parents ne voulaient pas qu’elle fréquente quiconque en dehors des heures de collège, car nous étions dans une zone mixte de pavillons/HLM pleine de socialistes ou pire, de communistes, il y avait plein d’enfants non baptisés: le Mal était partout! toutefois, quand elle parla de moi à sa grand-mère, elle dut lui indiquer que j’avais fait ma communion et que j’attendais impatiemment de pouvoir participer au groupe de préparation à la confirmation car ces groupes d’échange et de parole me manquaient. Sa grand-mère dut juger que je n’étais pas trop dangeureuse, et elle lui permit donc de me voir de temps en temps le mercredi après-midi chez elle, en cachette des parents de Clarisse qui habitaient à 2 blocs seulement: je passais donc par le parking et la porte-fenêtre de derrière l’appartement pour plus de discrétion!

L’univers de cette famille était complètement anachronique. Il y avait bien une télé, mais allumée avec une grande parcimonie car pleine de messages sataniques. Même la petite soeur de 2 ans qui commençait tout juste à parler montrait la télé en indiquant: attention, il y a le diable là-dedans. Le salon de la grand-mère comprenait également une immense bibliothèque que je parcourus avec grand intérêt car je raffole des livres depuis toujours. Les ouvrages étaient atypiques, essentiellement des pavés de témoignages religieux, je me souviens particulièrement de "La vie du Padre Pio" (encore des mains ensanglantées par la crucifixion, ici dûes à des stigmates inexpliquées!).

Et la grand-mère de Clarisse, toute contente de trouver en moi une oreille attentive, de grands yeux étonnés de découvrir ce monde mystérieux, m’expliquait sur un ton de confidences: "attention, les temps changent! le mal est partout! tu as fait ta communion où? oh mais ce n’est pas terrible là-bas, ils vous servent l’hostie consacrée dans une gamelle de chien (mépris total)! tout se perd, les traditions, les valeurs! et ce n’est qu’un début! 1987 va être terrible. On attend l’invasion, elle commence déjà: il y a de plus en plus d’arabes, partout" (forcément, en bon intégristes, ils votaient front national…).

En fait, ces visites me perturbèrent beaucoup, car tandis que j’avançais en âge, le cafard, l’angoisse et les doutes sur ma valeur personnelle m’envahissaient. Clarisse déménagea de nouveau l’année suivante. Je me retrouvai passablement seule à mon entrée au lycée, privée de ses fous-rires et de sa complicité inégalée. Et je commençai à avoir des idées noires, des peurs irrationnelles. Et si, comme on l’affirmait chez elle, la musique moderne délivrait des messages subliminaux sataniques? je démontais systématiquement toutes mes cassettes pour écouter la bande à l’envers et vérifier qu’elles n’étaient pas douteuses… Et surtout, il y avait la nuit. Je souffrais de crises d’asthme, tout particulièrement au printemps et à l’automne. Je me réveillais très angoissée, l’oreille aux aguets, persuadée d’une présence hostile qui cherchait à m’étouffer. La Mort rôdait partout autour de moi, et sa noiceur me terrorisait. Ankou

Donc, non seulement je n’avais plus de contacts avec Dieu, mais je voyais le Diable partout! certains de mes camarades faisaient d’ailleurs du spiritisme, d’autres parlèrent un jour du film l’exorciste qui venait de passer à la télé – moi je m’enfuyais en courant, persuadée que ces expériences, si par mégarde je me laissais ensorceler, me volerait ce qui me restait d’âme innocente…

Dans ces conditions, l’écriture était salvatrice: je me construisais grâce à elle, nuit après nuit, une vie parallèle, libre, belle, pleine d’aventures et d’amour, loin, très loin de là (dans la montagne! j’étais loin d’imaginer que j’irais effectivement, dix ans plus tard, m’installer en Suisse...).

Viergemarie_1 Par ailleurs, je n’ai jamais rompu le dialogue avec des adultes qui ont su me rassurer. Ma mère d’abord, qui me donnait une petit signe ou coup de pouce discret quand c’était nécessaire, et qui m’expliqua que les intégristes étaient une secte et qu’il ne fallait pas les prendre au sérieux. Mais croit-on encore sa mère à 15 ans? j’eus heureusement aussi la bonne idée d’aller discuter avec les aumôniers de mon lycée, qui surent me convaincre de m’intéresser à Dieu et plus spécifiquement aux aspects les plus positifs du catholicisme (amour chrétien, force de l’Esprit-Saint, douceur, féminité et maternité incarnées par Marie) plutôt que de m’angoisser inutilement sur ces mauvais esprits qui n’étaient en fait que les reflets créés par mon esprit tourmenté de ma difficulté de vivre mon adolescence. J’ai puisé aussi beaucoup de soutien dans l’étude et dans la confiance que les profs m’accordaient – c’était bien le seul domaine où j’avais une mesure objective de ma valeur, et dans ces conditions, une mauvaise note était un drame démesuré…

Mais l’année de mes 16 ans, après toutes ces épreuves, j’avais enfin atteint l’âge requis pour l’étape suivante dans ma spiritualité catholique: la préparation à la confirmation, ce but que je m’étais clairement fixé à la fin du caté.

La suite… au prochain épisode.

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Le Dieu de mon enfance

Quand j’étais petite, j’ai été baptisée catholique, parce que c’était l’habitude en Bretagne; on avait trop peur de ne pas le faire, car il y avait encore beaucoup de mauvais esprits dans la tête des gens, et il ne faut pas oublier que le baptême catholique comprend un exorcisme du nouveau chrétien: renoncement explicite au Mal, effacement des pêchés.

Toutefois mes parents ne pratiquaient pas. Nous allions à la messe deux fois par an, non pas à Noël ni à Pâques, mais à la Toussaint et aux Rameaux, pour rendre visite aux morts, et pour faire bénir le buis qui devait ensuite protéger la maison pour toute une année.

Il y avait bien d’autres rites et superstititions dont je n’ai qu’une mémoire très lacunaire; de grands pouvoirs attribués notamment aux médailles, de baptême, de Sainte-Anne et sa fille la Vierge Marie, de Saint Christophe (pour se protéger des accidents de voiture), etc. Egalement l’importance des pélérinages (au minimum Sainte-Anne d’Auray, mais Lourdes c’était encore mieux) et des pardons (plus accessibles, chaque chapelle de campagne ayant le sien, et souvent associés à de grandes fêtes populaires, courses cyclistes…).

Jugementdernier Le Dieu de ma petite enfance était par ailleurs très menaçant. Je ne me souviens pas qu’on m’ait parlé de lui en bien, mais plutôt comme d’un juge suprême qui observait toutes mes bêtises et mauvaises pensées quand mes parents avaient le dos tourné pour mieux m’envoyer en enfer quand mon temps serait venu. Déjà que ma mère avait un petit doigt magique pour tout deviner; mais avec cette menace de recours divin en plus, je n’ai pas eu d’autre choix que de devenir une petite fille très sage (et franchement, je crois que je n’ai pas changé, toujours l’impression que je vais avoir des comptes à rendre sinon!).

Ensuite je suis allée au caté, et là c’était beaucoup plus sympa. On faisait des dessins, des découpages de coeurs, de colombes et de petits bonshommes se tenant la main. On nous racontait des histoires étonnantes et on chantait de très jolies chansons.

Et puis il y a eu les cérémonies.

Première communion: très grande curiosité de ma part, quel goût a donc cette hostie "corps du Christ" (au fait, je n’ai toujours pas pigé le concept qui se cache derrière ce rite de la communion donc la catéchèse ne devait pas être bien faite)? On m’avait bien expliqué qu’il ne fallait pas la croquer, mais la laisser fondre sur la langue. Sauf que… j’ai eu la dernière, mal cassée et avec un énorme excédent triangulaire qui m’est resté entre les dents. Quelle angoisse pour la faire passer! mais bon, j’ai eu double dose ou presque pour cette première communion. Encore un de ces petits privilèges qui jalonnent mon parcours sans que j’aie rien fait pour le mériter. Je crois que je vais avoir de sacrés comptes à rendre au final…

Puis la communion solennelle. En aube blanche traditionnelle avec la tête de hibou illuminé à lunettes que j’avais à douze ans. Si quelqu’un de ma connaissance actuelle voit cette photo je vais me cacher pour 3 semaines lol!

Clocher_1 Mais pour nous remercier d’avoir bien préparé cette étape clé, le prêtre qui nous encadrait nous permit de monter dans le clocher de l’église fermé au public et j’ai un souvenir grandiose de la vue sur la ville, ses toits, ses maisons à colombages, ses ruelles pavées, ses vieilles pierres, que j’y découvris, les pieds dans les crottes de pigeon mais les yeux plein d’une vue que seul Dieu a en temps normal!

Je crois que c’est là qu’a commencé mon amour des vieilles villes en général et des vieilles églises en particulier.

Par contre pour la Bible c’était franchement raté. Mes parents l’avaient acheté en bande dessinée pour essayer de nous cultiver un peu mieux. J’étais fascinée: c’était le seul récit sanguinaire auquel j’avais le droit; même dans Goldorak, je n’avais pas jamais vu un juge proposer de couper un bébé en deux avec un grand couteau, pour mettre d’accord deux femmes se disputant sa maternité. Et même dans le nouveau testament: génocide des bébés pour tenter d’éliminer le sauveur annoncé dès sa naissance, désordre public par un adolescent plein d’énergie (casseur du temple de Jérusalem à 12 ans! Aujourd’hui, ils brûlent des voitures, mais franchement, aucun n’a atteint ce niveau de popularité depuis…) et au final, la crucifixion qui est tout de même d’une cruauté terrible!

Crucifixion

(Une chose est sûre: jamais il n’y aura de crucifix chez moi, avec cet homme souvent représenté peids et mains cloués, ensanglantés! Il y a eu trop de sang versé pour cette croix. En guise de croix, je veux bien à la rigueur un drapeau suisse dans mon jardin quand j’aurai le passeport, car c’est folklorique et puis il a le mérite d’avoir inspiré son bienfaisant dual: celui de la Croix-Rouge. Mais pas de crucifié.)

Ensuite… la communion solennelle, c’était l’année de mes 12 ans. Alors commença la traversée du désert. 4 années d’adolescence à traverser avant d’avoir le droit à la confirmation – avec toutes les angoisses mystiques que l’on peut avoir à 15 ans au pays des korrigans… Détails au prochain épisode.

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Les clés du rêve qui s’envole trop vite

Milieu de nuit – je passe d’un rêve à l’autre, sans doute la routine, mais une partie plus consciente de mon cerveau qui faisait le guet apparemment lance soudain l’alarme: stoppe, stoppe, ne passe pas encore au rêve suivant, il faut d’abord mémoriser le précédent avant qu’il ne s’efface, car il est important! il y a ton messager dedans!

Bien dans les vapes, au fond de ce puits de sommeil je rassemble tant bien que mal quelques neurones vaillants pour essayer de courir après les images du rêve en question. Après tout, quelques heures avant j’ai tiré la lune au tarot sur l’indication de fichtre, il paraît qu’il faut que je regarde de plus près mes rêves…

… et mince, pendant que mes neurones mal réveillés ressortent ces pensées blogosphériques d’avant le coucher, le rêve s’efface, s’envole, il se brise en morceaux, je ne vois déjà plus le fil conducteur, que des bribes…

Tentative de le mettre en mots, si je peux le mettre en mots, je pourrai le raconter, donc forcément, je m’en souviendrai…

… mais il n’y a pas de mots chez moi pour des bouts de rêve sans logique… il n’y a que des émotions dans ce rêve… enfin je crois.

Je tente encore une manoeuvre, pour récupérer plus de neurones, arrêter le rêve suivant qui peut attendre: j’ouvre un oeil. 4h25 en rouge au plafond – silence total… je replonge le nez dans l’oreiller…

… et là, j’arrive à récupérer ce qui est récupérable. J’ai effectivement rencontré mon messager dans ce rêve – celui que j’avais sauvé du suicide dans le plus beau rêve de ma vie il y a près de 20 ans. Mais il avait changé: il était vieilli, critique, sectaire. Acariâtre. Dans les bribes que j’ai pu sauver, il y avait essentiellement des reproches, une tentative de me convaincre de revenir dans son monde étroit lié à un dogme, à sa religion spécifique, et de me forcer à le suivre dans ses nouveaux hobbies (apprendre le japonais???). Et de mon côté le refus, et une certaine tristesse aussi, de le voir si fermé d’esprit, si péremptoire, comme si tout échange était désormais devenu impossible. Et l’intime conviction que son chemin à lui s’était arrêté trop tôt, qu’il ne progresserait plus avec moi, mais que je ne pouvais pas m’arrêter pour autant, car j’avais encore une trop longue route devant moi, trop de choses à découvrir, et tellement de liberté sur ce chemin-là.

D’ailleurs je crois que je marchais, peut-être à reculons, dans ce rêve, il essayait de me suivre en me parlant, je le regardais s’éloigner, car il ne pouvait, ou ne voulait, pas continuer ce chemin avec moi, et moi je ne voulais, et ne pouvais, pas m’arrêter là.

Rien que de tenter de mettre en forme ces bribes de songe dans ces lignes m’a donné de nouvelles clés.

Ce que le rêve dit: ce messager n’a plus besoin de moi depuis longtemps. Par contre, ce qui est peut-être nouveau, c’est que j’ai désormais la conviction que je n’ai plus besoin de lui non plus, en tout cas sous cette forme-là; car j’ai progressé.

Reste… à comprendre ce qu’il représente pour moi? tout simplement un idéal d’amour courtois, de l’alter ego masculin rassurant "calme tranquille" auquel je rêvais dans mon adolescence plein de doutes et d’angoisses? ou plus intime encore, les racines "guidées" de ma spiritualité, puisque j’avais croisé ce messager dans la vie réelle le jour de ma confirmation catholique, et que le sentiment si puissant que j’avais ressenti dans le rêve quelques mois après était d’un ordre infiniment supérieur à tout ce que j’ai pu ressentir comme émotion dans ma vie réelle (même l’amour inconditionnel de mes enfants)?

Je pencherais donc plutôt pour la seconde hypothèse, d’autant plus que j’ai aussi lu hier soir un excellent texte sur les agnostiques dans lequel je me suis largement reconnue: cette lecture aurait fort bien pu remonter ce vieux symbôle à la surface de mes rêves comme pour mieux le digérer…

Reste donc… à le digérer.

J’ai encore beaucoup de chemin à faire, et tant à apprendre.

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Comment le langage peut fabriquer un mythe…

Macaque_japon_0_1 La note du Vero sur l’inconscient collectif m’a retenue fort tard hier soir et je lui dis un grand merci, car elle tombe pile-poil à point pour me permettre d’entamer ma catégorie zététique "X-files – la vérité est ailleurs" – à savoir ma facette Scully! – sur un cas d’école.

Comme je vais régulièrement sur le blog de Vero pour y lire de jolies textes "qui font chaud au coeur" comme je le cite ci-contre, j’ai trouvé l’histoire vraiment intéressante, engageante et positive, mais en même temps, j’ai été un peu alertée par l’emphase scientifique qui lui était donnée alors que les sources n’étaient pas citées. J’ai donc voulu en savoir plus.

C’est plus facile quand on lit l’anglais. S’il y a des demandes, je pourrai traduire quelques textes relevants. Je n’ai pas le temps ce soir de compiler toutes les sources que j’ai parcourues, il suffit de taper "hundredth monkey" sous wikipedia ou google pour démarrer… il y a de quoi lire plusieurs jours, voire de faire un mémoire de zététique (si pas déjà fait par les étudiants de Sophia Antipolis ou autres)…

Les points que j’ai retenus – évidemment sous toute réserve de la fiabilité des ressources internet visitées:

– l’histoire du 100ème singe apparut pour la première fois sous cette forme dans un livre de  Lyall Watson publié en 1979 – sous la forme d’une hypothèse clairement indiquée, dans les extraits que j’ai trouvés, par l’usage répété des mots anglais "seems" (il semblerait), mais aussi par "I am forced to improvise the details" (je suis obligé d’improviser les détails). Clairement, on est à la source de l’invention du mythe et l’auteur lui-même est loin d’être péremptoire.

NB: cela revient dans le texte publié chez Vero: "Supposons… Supposons…"

– ce livre a été repris et cité par différents leaders du Nouvel Age, en particulier par Rupert Sheldrake qui étudie la résonance morphogénétique (morphic resonance), et Ken Keyes Jr, qui popularisa le mythe dans les années 80 en lui dédiant un de ses livres de développement personnel. Ces auteurs sont populaires donc le mythe a vite fait le tour de ces milieux… jusqu’à nous.

NB: dans le texte publié chez Vero, c’est la théorie de Rupert Chaldeck qui est citée mais je ne retrouve pas ce nom sous google – probablement un typo pour Sheldrake. Le "scientifiquement" vient de lui parce qu’il est docteur es sciences (Moi aussi, mais mon éthique ne me permet pas de prétendre l’appliquer à construire des théories dans des domaines différents de celui dans lequel le jury scientifique a cautionné mon travail – prévoir une note dédiée sur ce point.)

– intrigués comme moi par cette belle histoire, quelques esprits curieux ont voulu remonter aux sources japonaises et ont eu la déception de découvrir que les scientifiques japonais ne confirmaient pas du tout la télépathie/l’inconscient collectif. La découverte scientifique portait sur l’acquisition et la propagation de nouvelles compétences dans un groupe de primates… clairement par l’exemple, l’observation et la communication au sein de ce groupe (Myers, Amundson…).

NB: Comme ce sont les seuls à citer explicitement les articles du Japan Monkey Center dans le journal scientifique "Primates" et le nom des chercheurs japonais à l’origine de l’étude, j’ai tendance à les juger plus sérieux, mais bien entendu, en toute rigueur, il faudrait vérifier ces sources par soi-même dans une bibliothèque universitaire (elles sont accessibles au public, donc pas d’excuse).

– le mythe du 100ème singe est depuis considéré comme un cas d’école dans l’étude de la naissance et de la propagation de ce qu’on appelle "les légendes urbaines".

NB: pour vérifier si c’est vrai ou non, il faudrait trouver une colonie isolée de ce type de macaques et leur proposer des patates douces pleines de sable. En 50 ans, si la télépathie marchait, ils auraient capté le truc, non? La prochaine fois que je vais au zoo avec les filles, je regarderai s’ils ont cette espèce de singes!

Maintenant, tant qu’on y est, mon grain de sel sur l’origine du mythe car je suis sûre que tous ces gens étaient pleins de bonne foi (personne ne s’est enrichi au passage, enfin, je crois, faudra quand même que je vérifie si Sheldrake a déposé des brevets)! Donc, hypothèse à moindre côut kerleanesque:

Que croyez-vous qu’il se passe quand un anglophone questionne un scientifique japonais sur une expérience scientifique? il lui pose la question en anglais. Et que se passe-t-il si le scientifique japonais n’a pas bien compris? il continue de dire "yes, yes".

Et c’est comme cela que tout a commencé entre Watson et ses potes japonais!

Watson a entendu… ce qu’il avait envie d’entendre!

Je parle d’expérience (travail technique avec des japonais dans un groupe de travail international), sauf que moi, je ne suis pas anglophone, donc je me rendais mieux compte du niveau d’incompréhension de mon interlocuteur parce que c’était dur d’exprimer clairement ma pensée pour moi aussi! 

Donc, non seulement la télépathie des macaques n’est pas prouvée, mais en plus, toute cette histoire est très probablement un enchaînement malheureux de mauvaises interprétations de langage d’humain à humain… le fameux téléphone arabe qu’on pratiquait dans les cours de récré…

Non seulement on n’est pas télépathes, mais en plus nos moyens de communication REELS sont terriblement imparfaits!

Car le plus drôle, c’est que le dernier maillon de la propagation de ce mythe, entre le texte de Vero et moi, c’est aussi une mauvaise interprétation! hier soir, je n’ai vu que le mot "scientifiquement" (j’ai un radar sur celui-là, attention!) et pas les mots "supposons" pourtant répétés en noir sur blanc juste au-dessus! quelle magnifique illustration des illusions dans lesquelles nous baignons…

Il reste que j’adhère totalement à la magnifique conclusion de Vero, même si j’y viens par d’autres voies que l’inconscient collectif (là encore, prévoir une note):

JOIGNONS NOS PENSEES DE PAIX ET DE JOIE POUR TOUS