Ces plantes que l’on brevète

En relisant une vieille note de Manue parlant de l’Iboga, une plante africaine qui avait sevré un de ses potes junkie, j’ai été intriguée par la mention qu’elle faisait du brevet sur cette plante. Suite à ma recherche sur l’OGM Monsanto, je m’étais justement dit qu’il fallait que je regarde de plus près ces histoires de brevets sur le vivant. Voilà un bon cas d’école!Iboga_1

Un autre cas d’école est celui du Tamiflu, le fameux anti-grippe-aviaire sous licence de Roche, tiré lui aussi d’une plante chinoise: l’anis étoilé ou badiane chinoise, que vous avez peut-être déjà ingurgité dans une boisson à l’anis (pas moi, je n’aime pas l’anis!) ou tout simplement dans un curry un peu sophistiqué.

En effet, je trouve curieux que l’on puisse breveter l’effet actif d’une plante. A la rigueur le procédé permettant de l’extraire, ou de fabriquer un médicament en combinant l’extrait actif avec d’autres substances. Mais pas la molécule de base: je ne vois pas ce qui est inventif dans sa formulation!

J’ai donc regardé de plus près, tout d’abord, le cas de l’Iboga, ou plutôt de sa substance active l’ibogaïne, dans la base de données brevets US. En fait, c’est assez édifiant. Ce n’est pas le principe actif de la plante lui-même qui a été breveté, mais son utilisation thérapeutique, pas besoin de traduire je crois:

Howard S. Lotsof: U.S. Pat. No. 4,499,096 (issued in 1985, concerning heroin addiction), U.S. Pat. No. 4,587,243 (issued in 1986, concerning cocaine and amphetamine abuse), U.S. Pat. No. 4,857,523 (issued in 1989, concerning alcohol abuse), U.S. Pat. No. 5,026,697 (issued in 1991, concerning tobacco and nicotine), and U.S. Pat. No. 5,152,994 (issued in 1992, concerning people suffering from multiple drug dependencies).

La première revendication du premier brevet est toute simple: elle concerne le traitement d’un héroïnomane par un dosage compris entre 6 mg et 19 mg par kg de poids corporel d’ibogaine or d’un de ses composants actifs ou d’un mélange associé.  Autrement dit: quiconque applique ce traitement est sujet à poursuite légale pour violation de propriété intellectuelle, à moins d’avoir pris une licence auprès du détenteur du brevet. Reste au pauvre toxico-dépendant à trouver le moyen de filer au Gabon se faire initier au Wbiti par un gourou local pratiquant le chamanisme ancestral – en général, les brevets ne sont pas déposés dans ces pays sans potentiel commercial, et de toute façon, le dosage y est sûrement plus empirique…

Surprenant aussi, le brevet sur le traitement de la dépendance à la nicotine, bien que du même auteur quelques années plus tard, ne mentionne pas les applications précédemment brevetées. Pour ma part, si j’essayais de breveter une application similaire à un brevet précédemment déposé (même technologie appliquée à un problème similaire), je me ferais renvoyer par le cabinet de brevets qui dépose mes idées habituellement! (si si c’est du vécu) Le bureau des brevets n’aurait pas dû laisser passer cela (mais peut-être suis-je trop habituée aux pratiques européennes plus sévères).

Maintenant, la bonne nouvelle c’est que les deux premiers brevets doivent à présent être tombés dans le domaine public. Finies les cliniques sous license pour riches toxicos exclusivement (cf note de Manue), en tout cas pour héroïne et cocaïne. Sauf que… plusieurs pays, dont la Suisse, ont tout bonnement interdit cette plante trop hallucinogène pour être honnête, et qui n’a pas tardé à être récupérée par des apprentis-gourous maladroits, des maffieux malintentionnés et/ou des mouvances sectaires (à vrai-dire, son absorption n’a visiblement rien d’une partie de plaisir, et on peut en mourir); la France va probablement l’interdire à son tour.

Voilà l’intéressante histoire de l’Iboga! Maintenant, je continue mes recherches sur l’anis étoilé du Tamiflu, qui m’intéresse encore plus. En effet, je peux certainement vivre encore longtemps sans souci avec ma légère dépendance au chocolat et je n’ai aucune envie d’absorber quoi que ce soit d’hallucinogène, j’aurais trop peur d’y vivre un cauchemar, donc l’iboga très peu pour moi… Par contre, étant responsable de la santé de ma petite famille et assez fréquemment dans les aéroports pour lui ramener une cochonnerie virale, je dois avouer que la pandémie tant promise me terrorise! à suivre… 

8 thoughts on “Ces plantes que l’on brevète

  1. merci énormément Kerleane pour cette note, qui me touche profondément.
    De savoir qu’une personne a lue cette note, et en a tirée des questions et recherches valables vaut tout le temps que je passe parfois à écrire.
    je t’en remercie.
    A propos de l’ibogaine. c’est sure, ce n’est pas une drogue douce et facile sur le psyche. mais quand uilisée avec savoir et respect, il n’y a pas de reports de danger au corps. les seuls trés rares morts on étaient causées par des mélanges douteux, style des junkies qui ont mentis quand à leur prise de drogue avant une seccion, et une ou 2 reactions adverses (comme avec toute medecine, certains ont des reactions plus fortes que d’autres).
    J’ai fait une note, concernant certaines personnes et milieux qui travaillent avec ce genre de plantes dites “shamaniques”, tu peux lire la note ici:
    http://manue23.blogs.psychologies.com/
    J’espere qu’elle pourra t’apporter quelques informations suplémentaires quand à ce sujet.
    Pour le brevetage des choses, je ne serais pas surprise quand on devras payer de “l’air plus pur que pur”;)
    J’attends ta note sur l’anis étoilé, un epice trés trés jolie et que je connais trop peux.
    la terre est si riche:)

  2. Pffou, avec tous les liens que tu postes partout je n’arrive plus à suivre moi, lol! rien que ceux sur le blog de fichtre sur sa note sur le climat sont encore dans ma to_read_list! mais j’ai bien lu ta note sur les psychonautes et il faut que j’y réfléchisse encore. Ces sujets ne sont pas des sujets faciles pour moi, ce qui me force à un certain questionnement aussi (si Benoît passe par là il va sûrement me rappeler que j’ai quelque-chose à apprendre au passage lol!)
    au fait comment fais-tu pour poster un lien HTML qui marche dans les comms? tu édites manuellement le code source HTML autour du lien ou il y a un bouton caché qui m’a échappé???

  3. ben prends ton temps avec les liens. ils ne vont nuls part vraiment, et défois les choses valent leurs temps de méditation:)
    c’est ta faute si tu m’as inspirer à écrire la note psychonautes, que je voulais écrire depuis un long moment. un sujet sur lequel un jour j’aimerais écrire un livre!!
    pour les liens dans les commentaires.
    j’écris/paste les liens tels quels dans la case commentaires (avec http://liens.etc).
    le lien se crer automatiquement.

  4. Je me demande comment tu fais… Je suis plein de respect pour ce travail de recherche que tu as mené.
    Tu ne laisses rien au hasard…

  5. Comment je fais… je ne sais pas trop. Sans doute que je lis très vite (en diagonale sans perte de sens), j’aime bien le détail fouillé étant de nature très analytique, et enfin, j’ai appris à bien présenter les résumés de recherches dans mes études.
    Merci mes profs… (avec un clin d’oeil à Enriqueta si elle repasse par là – pour moi enseigner est, avec soigner, le plus beau métier du monde! mais moi je suis incapable de les pratiquer… enfin, à chacun de faire au mieux avec ses dons…)

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