La note du Vero sur l’inconscient collectif m’a retenue fort tard hier soir et je lui dis un grand merci, car elle tombe pile-poil à point pour me permettre d’entamer ma catégorie zététique "X-files – la vérité est ailleurs" – à savoir ma facette Scully! – sur un cas d’école.
Comme je vais régulièrement sur le blog de Vero pour y lire de jolies textes "qui font chaud au coeur" comme je le cite ci-contre, j’ai trouvé l’histoire vraiment intéressante, engageante et positive, mais en même temps, j’ai été un peu alertée par l’emphase scientifique qui lui était donnée alors que les sources n’étaient pas citées. J’ai donc voulu en savoir plus.
C’est plus facile quand on lit l’anglais. S’il y a des demandes, je pourrai traduire quelques textes relevants. Je n’ai pas le temps ce soir de compiler toutes les sources que j’ai parcourues, il suffit de taper "hundredth monkey" sous wikipedia ou google pour démarrer… il y a de quoi lire plusieurs jours, voire de faire un mémoire de zététique (si pas déjà fait par les étudiants de Sophia Antipolis ou autres)…
Les points que j’ai retenus – évidemment sous toute réserve de la fiabilité des ressources internet visitées:
– l’histoire du 100ème singe apparut pour la première fois sous cette forme dans un livre de Lyall Watson publié en 1979 – sous la forme d’une hypothèse clairement indiquée, dans les extraits que j’ai trouvés, par l’usage répété des mots anglais "seems" (il semblerait), mais aussi par "I am forced to improvise the details" (je suis obligé d’improviser les détails). Clairement, on est à la source de l’invention du mythe et l’auteur lui-même est loin d’être péremptoire.
NB: cela revient dans le texte publié chez Vero: "Supposons… Supposons…"
– ce livre a été repris et cité par différents leaders du Nouvel Age, en particulier par Rupert Sheldrake qui étudie la résonance morphogénétique (morphic resonance), et Ken Keyes Jr, qui popularisa le mythe dans les années 80 en lui dédiant un de ses livres de développement personnel. Ces auteurs sont populaires donc le mythe a vite fait le tour de ces milieux… jusqu’à nous.
NB: dans le texte publié chez Vero, c’est la théorie de Rupert Chaldeck qui est citée mais je ne retrouve pas ce nom sous google – probablement un typo pour Sheldrake. Le "scientifiquement" vient de lui parce qu’il est docteur es sciences (Moi aussi, mais mon éthique ne me permet pas de prétendre l’appliquer à construire des théories dans des domaines différents de celui dans lequel le jury scientifique a cautionné mon travail – prévoir une note dédiée sur ce point.)
– intrigués comme moi par cette belle histoire, quelques esprits curieux ont voulu remonter aux sources japonaises et ont eu la déception de découvrir que les scientifiques japonais ne confirmaient pas du tout la télépathie/l’inconscient collectif. La découverte scientifique portait sur l’acquisition et la propagation de nouvelles compétences dans un groupe de primates… clairement par l’exemple, l’observation et la communication au sein de ce groupe (Myers, Amundson…).
NB: Comme ce sont les seuls à citer explicitement les articles du Japan Monkey Center dans le journal scientifique "Primates" et le nom des chercheurs japonais à l’origine de l’étude, j’ai tendance à les juger plus sérieux, mais bien entendu, en toute rigueur, il faudrait vérifier ces sources par soi-même dans une bibliothèque universitaire (elles sont accessibles au public, donc pas d’excuse).
– le mythe du 100ème singe est depuis considéré comme un cas d’école dans l’étude de la naissance et de la propagation de ce qu’on appelle "les légendes urbaines".
NB: pour vérifier si c’est vrai ou non, il faudrait trouver une colonie isolée de ce type de macaques et leur proposer des patates douces pleines de sable. En 50 ans, si la télépathie marchait, ils auraient capté le truc, non? La prochaine fois que je vais au zoo avec les filles, je regarderai s’ils ont cette espèce de singes!
Maintenant, tant qu’on y est, mon grain de sel sur l’origine du mythe car je suis sûre que tous ces gens étaient pleins de bonne foi (personne ne s’est enrichi au passage, enfin, je crois, faudra quand même que je vérifie si Sheldrake a déposé des brevets)! Donc, hypothèse à moindre côut kerleanesque:
Que croyez-vous qu’il se passe quand un anglophone questionne un scientifique japonais sur une expérience scientifique? il lui pose la question en anglais. Et que se passe-t-il si le scientifique japonais n’a pas bien compris? il continue de dire "yes, yes".
Et c’est comme cela que tout a commencé entre Watson et ses potes japonais!
Watson a entendu… ce qu’il avait envie d’entendre!
Je parle d’expérience (travail technique avec des japonais dans un groupe de travail international), sauf que moi, je ne suis pas anglophone, donc je me rendais mieux compte du niveau d’incompréhension de mon interlocuteur parce que c’était dur d’exprimer clairement ma pensée pour moi aussi!
Donc, non seulement la télépathie des macaques n’est pas prouvée, mais en plus, toute cette histoire est très probablement un enchaînement malheureux de mauvaises interprétations de langage d’humain à humain… le fameux téléphone arabe qu’on pratiquait dans les cours de récré…
Non seulement on n’est pas télépathes, mais en plus nos moyens de communication REELS sont terriblement imparfaits!
Car le plus drôle, c’est que le dernier maillon de la propagation de ce mythe, entre le texte de Vero et moi, c’est aussi une mauvaise interprétation! hier soir, je n’ai vu que le mot "scientifiquement" (j’ai un radar sur celui-là, attention!) et pas les mots "supposons" pourtant répétés en noir sur blanc juste au-dessus! quelle magnifique illustration des illusions dans lesquelles nous baignons…
Il reste que j’adhère totalement à la magnifique conclusion de Vero, même si j’y viens par d’autres voies que l’inconscient collectif (là encore, prévoir une note):
JOIGNONS NOS PENSEES DE PAIX ET DE JOIE POUR TOUS