Je reprends la plume sur un sujet que je n’ai, je crois, jamais abordé dans ce blog parce que je n’y avais jamais prêté attention jusqu’à ce que différents évènements me l’imposent.
Cela devait être vers 2011, et çà ne m’a plus lâchée.
Cela a sans doute été la cause de la plupart de mes larmes, de mes insomnies, de mes peurs, de mes colères, de mes tristesses au cours de ces quatre dernières années. Et je n’en vois pas le bout, et toutes mes questions ne trouvent pas les réponses que je cherche. Alors comme dans toutes les épreuves, je vais chercher les solutions moi-même.
Cela me demande beaucoup d’énergie.
Ce n’est pas grave, car de l’énergie, j’en ai de plus en plus, au fur et à mesure que je me réaligne sur mes valeurs et les projets qui comptent pour moi. Mais cette énergie je dois la partager, sinon elle n’a pas de sens. Et je ne sais pas avec qui ni comment, donc je vais venir poser çà ici… et viendra bien qui y trouvera une résonance.
Il y a 4-5 ans, j’étais désarmée face aux angoisses de ma petite Ondine. Toujours trop de questions, “est-ce que je peux m’étouffer avec un morceau de viande?”, “est-ce que la citerne de mazout peut exploser?”… Difficulté d’endormissement, tous les soirs la même histoire: “j’ai peur de la mort!”. Et moi, démunie: çà veut dire quoi, la mort, à 7 ans? impossible de lui faire mettre des mots dessus, et encore moins de lui proposer une solution logique pour l’apaiser…ce n’est pas le meilleur sujet, pour une phobie!
Et toujours ce trop plein d’émotions, depuis toute petite, depuis son premier sourire à 3 semaines, ses colères de bébé frustrée de ne pas arriver à interagir avec son environnement, à 5 mois avec sa nounou on avait fini par lui donner un youpala dans lequel elle explorait la pièce avec des cris de joie… elle avait une immense énergie. Elle a parlé très tard, comme sa soeur, malgré tous mes efforts pour lui éviter la logopédiste: elle a dû elle aussi en faire toutes ses années de maternelle – je soupçonne que j’ai communiqué avec mes filles trop intuitivement, de façon non verbale, même si je leur racontais des histoires le soir et que je leur parlais en jouant. Aujourd’hui encore quand je suis concentrée sur quelque-chose, Ondine m’observe et me demande ce qui me tracasse, c’est comme si elle lisait dans mes émotions, voire dans mes pensées…
Et son extrême sens de l’observation n’était pas que passif: elle a dessiné très tôt, avec moultes détails, des animaux notamment, dès 3-4 ans; un jour où j’avais visité un atelier d’artiste avec elle, elle est rentrée à la maison et m’a reproduit le tableau qui l’avait beaucoup impressionnée, à un détail près: elle l’avait inversé gauche-droite! elle l’avait simplement photographié mentalement et reproduit sans aucun effort! et elle devait avoir 5 ou 6 ans à peine… Elle a appris à lire avant le primaire et s’est mise à écrire des petites histoires dès qu’elle a maîtrisé l’écrit. Je ne me suis jamais trop posé de questions sur tout çà, jusqu’à ce que ses angoisses incompréhensibles qui laissaient le pédiatre tout aussi démuni que nous nous amènent à consulter une pédo-psychiatre. Après différents bilans et tests, elle nous a proposé un bilan de QI. Qui a donné un nouvel éclairage – Ondine est ce qu’on appelle un haut potentiel, mais avec de grosses disparités, allant de résultats très moyens dans les exercices répétitifs à des résultats exceptionnels dans certains exercices visuels…
Cela nous a permis de lui faire utiliser son imagination pour contourner ses angoisses, avec visualisation positive, utilisation du récit qu’elle s’est mise à produire spontanément pour sortir ses émotions, etc.
Et un petit mot de la pédo-psy est rentré dans un coin de ma tête “c’est souvent héréditaire, donc ppur votre fille, ce n’est pas étonnant”. Certes, Mari Charmant et moi avons fait de longues études, de la recherche scientifique et créé nos entreprises, donc vu de l’extérieur, on doit être “doués”. Mais Mari Charmant a ramé pendant des années à se battre pour garder l’orientation de ses rêves d’enfant, devenir ingénieur et si possible astronaute, contre des profs qui ne regardaient que ses notes insuffisantes, du fait de sa “mémoire de poisson rouge” (la formule est de lui, pas des profs, qui ont toujours considéré qu’il ne travaillait pas assez). Quant à moi, j’ai le souvenir d’avoir dû travailler toujours beaucoup, par passion certes, mais rien n’était facile – en particulier au primaire, jusqu’à ce que je pige ce qu’on attendait de moi et que je n’avais pas d’autre choix que d’être bonne élève si je voulais l’estime des adultes, que je trouvais beaucoup plus intéressants que les enfants de mon âge.
Au même moment, une de mes amies juristes de mon boulot précédent a eu une révélation suite à un bilan de compétences professionnel, elle avait complètement explosé les statistiques sur le test des matrices (vision stratégique) et je me suis souvenue que c’est aussi ce test qui m’avait aidée à passer ma promotion en 2009. Et cette amie m’a dit “tu dois sûrement aussi être HP toi!”.
Cela ne m’a pas plu, cela me fait peur… J’ai passé des années à essayer d’être normale, ce n’est pas pour me confronter à de telles étiquettes de “douance” à 40 ans!
Car moi, je n’aime pas le conflit, je n’aime pas la violence, alors depuis l’enfance j’ai fui la différence, parce que c’était trop inconfortable… La seule originalité que je me permettais était d’être bonne élève… parce que c’était la normalité valorisée dans ma famille d’enseignants! père, mère, oncle, tantes, 5 profs de secondaire autour de moi, et ceux de l’école en plus! mes modèles d’adultes n’étaient pas très variés… Toute mon enfance, toute mon adolescence, même jusqu’au bac scientifique, je me suis sentie différente et j’en ai terriblement souffert, car je me suis toujours sentie connectée aux autres, à leurs émotions, à leurs pensées même parfois, et eux ne me le rendaient pas. Et puis je suis arrivée en école d’ingénieurs, et là cela s’est arrangé: ils étaient plus “normaux”, plus lisibles, plus simples aussi émotionnellement. Cà m’a bien plu, et j’ai passé 20 ans à développer mon cerveau, mes expériences, mes ouvertures au monde dans différents postes de recherche, innovation et encadrement, dans ces mondes d’experts et de geeks technologiques où je me sentais comme un poisson dans l’eau bien que souvent la seule ou une des rares femmes, prenant de plus en plus de responsabilités mais toujours à reculons, seulement quand vraiment il n’y avait personne d’autre pour prendre le poste. Je n’aime pas le conflit, je n’aime pas la violence, je n’aime pas le pouvoir… alors les luttes pour le pouvoir, quelle horreur! Mais on ne peut pas cacher qu’on est doué: dans un système économique qui optimise la performance, et c’est le cas en entreprise, on sera naturellement repéré et mis à sa vraie place un jour ou l’autre, soit parce que les chefs vous tirent vers le haut pour les aider à monter eux-mêmes, soit parce que vos collègues et votre équipe vous plébiscitent parce qu’ils vont font confiance pour leur créer de nouvelles opportunités… çà doit encore être une histoire d’énergie.
C’est aussi en observant Ondine depuis 4 ans, en explorant ces mots de ma copine, que j’ai découvert mon propre fonctionnement, ma pensée en arborescence, ma capacité à connecter des idées très vite qui nourrit ma créativité sans effort, ma curiosité et ma mémoire qui se nourrissent sans cesse de nouveaux apprentissages, mais aussi mon ennui devant ce que j’ai déjà fait ou ce qui tourne en rond, mes coups de blues quand mon environnement ne suit pas ou que mes projets n’ont plus de sens “global” pour moi… ce qui m’a amené à démissionner en 2010, au bord du burnout, parce que mes tâches et mes objectifs professionnels divergeaient de tout ce qui me fait rêver, avancer. C’est, apparemment, assez typique des HP…
Aujourd’hui je me connais assez bien pour avancer comme je l’entends. Mais il y a un domaine encore plein de violence et de révolte et d’injustice pour moi, c’est l’éducation. Aider mes filles à grandir et tracer leur voie dans ce monde compliqué à leur tour est un défi de tous les jours. Et tout particulièrement avec Ondine, si douée… si compliquée… si différente…
Alors je rêve que tous les zèbres puissent développer leur douance en douceur… douce douance… douance sans violence… mais je ne sais pas comment faire…