L’écriture retrouvée

J’ai fait une découverte il y a deux semaines et c’est ce qui m’a conduit ici. Le long d’un cheminement commencé (ou repris?), il y a environ deux ans, sans doute; je ne sais plus très bien.

J’ai découvert que pour créer, il n’y a pas besoin de se nourrir de ses souffrances. Enfin pour ce qui est de la création à visée "artistique". Pour la création technique ou scientifique, je le savais déjà, c’est même là-dessus que j’ai détourné mon énergie depuis plus de 15 ans, mais pour créer des mots et des mondes (copyright Marino!), des images, des musiques, je croyais qu’il fallait avoir besoin de transcender ses douleurs, ses malheurs, sa colère… le problème, c’est que moi, sur ce registre-là, je n’ai plus grand-chose à exprimer (bienheureusement 😉 D’ailleurs les blogs, c’est un peu çà, quand on s’y balade, tant de déceptions amoureuses, de thérapies par l’écrit, de coups de gueule…

Bref, j’étais persuadée qu’avec ma petite vie terriblement sans histoires et terre-à-terre, je n’aurais rien à donner à part ce que font les gens sans histoires et terre-à-terre; typiquement, des enfants, un boulot, peut-être que le jour où je sortirai de mon tourbillon boulot-marmots-julot-auto-dodo à la Kate Reddy, je ferai un peu de bénévolat histoire de m’occuper, et pis voilà.

Mais non, voilà, cet été, il y a quelque-chose qui a changé dans ma tête. J’ai pris du recul sur mon travail, ce qui ne m’était pas arrivé avec une telle acuité depuis des années. J’ai ressenti un besoin de bouger, de faire autre chose, j’ai commencé à frémir, bouillir, et puis voilà, maintenant, çà déborde. Car j’ai fait la rencontre clé – non non pas le prince charmant, ce pôle-là, Dieu merci, est bien stable ces temps, faut pas ruer dans tous les brancards à la fois tout de même, encore une fois, je suis terriblement sans histoires – non, tout bêtement : un dépliant à la bibliothèque de mon village. Moins romantique, donc… mais tout aussi efficace sur mon ego de trentenaire blasée par sa petite vie tranquille (ben si, un simple dépliant! comme quoi, il faut être ouvert d’esprit.)

Ce dépliant me proposait de participer à un concours de nouvelles.

Le thème m’interpellait, mais ne m’inspirait pas.

Et voilà que mon cerveau, cet animal infatigable toujours prêt à s’emballer, a commencé à partir en boucle sur ce sujet. Vous savez, le genre de boucles qui fait dire que vous êtes dans la lune. Pilote automatique pour le quotidien sans histoires et terre-à-terre; mais les pensées qui s’entre-choquent, se construisent, se bousculent, se façonnent en arrière plan… Idée fixe… D’habitude c’est le boulot, ou parfois un ruminement intérieur sur un fait d’actualité qui me révolte, qui me met dans cet état.

Je suis allée au bout de l’exercice, de toute façon, faut que çà sorte, sinon ces pensées enfermées me réveillent la nuit…

Surprise: l’écriture est venue, toute seule, limpide, et j’ai ressenti une immense joie, celle de créer un univers, un personnage, une légende, avec des mots et des phrases assemblés comme des coups de pinceaux sur une toile… Prise au jeu, j’ai continué, fini l’exercice. Puis j’ai fait le vrai travail; reprendre les phrases, rééquilibrer les sons, chercher des métaphores, des associations de mots qui enrichissent le style. J’ai continué pendant 2 semaines, par petites touches, jusqu’au deadline, et soumis mon travail, d’abord à Mari Charmant puis, encouragée, au concours – étonnée de avoir mené ce projet à son aboutissement au beau milieu de mon tourbillon de vie de maman-manager (car en plus, c’était la rentrée). Surtout que j’ai toujours de la peine à terminer, je suis trop perfectionniste (d’où la nécessité de me fixer des délais pour que je livre quelque-chose!).

Mais voilà, ce-faisant, j’ai rouvert le robinet… çà fait 12 ans que j’écris principalement des textes techniques en anglais, plus quelques lettres et un journal en pointillé. Je ne savais même pas si j’étais encore capable d’écrire quelque-chose de lisible dans ma langue maternelle. J’en ai pourtant noirci des cahiers, des ébauches de romans sur des centaines de pages, à l’adolescence, de toutes mes souffrances d’alors, les souffrances des rêves que j’avais et qui ne se réalisaient pas, les souffrances du mal-être propre à cet âge, de ma difficulté à trouver ma place et à m’émanciper. Et puis brutalement, le jour où j’ai quitté la maison pour aller étudier, j’ai trouvé un petit copain, un univers étudiant moins difficile que le lycée car plus homogène et plus mûr, et le plaisir de découvrir le monde de mes propres ailes. Et du jour au lendemain, j’ai arrêté d’écrire. J’avais tout simplement trop à vivre pour cultiver ce loisir. Classique. "Poète à 20 ans, c’est banal… poète à 30 ans, c’est original". Je ne suis pas originale, donc à 30 ans, mes projets, c’était la construction de ma maison, une promotion au boulot et le lancement d’un petit 2ème…

Bref. Ce ne sont pas mes souffrances que je vais transcender avec ce plaisir d’écrire retrouvé, mais plutôt, un cheminement dont je veux mieux capturer les étapes. J’ai tout simplement trop d’énergie en moi ces temps et je ne sais plus qu’en faire. Je crains bien que ces pauvres papyrus ne finissent noyés sous des trombes d’eau comme leur prédecesseur dans ma vie réelle. Enfin, avec 20MB, j’ai encore un peu de marge!

ET à bouffer mes nuits comme çà, mon énergie, elle ne va pas durer… Bonne nuit.

4 thoughts on “L’écriture retrouvée

  1. “mon cerveau, cet animal infatigable toujours prêt à s’emballer, a commencé à partir en boucle sur ce sujet.”
    Je connais bien le phénomène, quelle douce ivresse!!
    Et puis, comme tu dis encore:”une immense joie, celle de créer un univers, un personnage, une légende, avec des mots et des phrases assemblés comme des coups de pinceaux sur une toile…”
    Ca aussi je connais, et c’est totalement vrai qu’il faut se nourrir pour parvenir à créer qqchose!!
    Mais, là où je changerais de discours par rapport à toi, c’est que je pense que se nourrir ce n’est pas uniquement des souffrances et douleurs, les joies aussi sont trés nourrissantes!!
    Je te souhaite d’avoir bon appétît!!lol!!
    adelphiquement.Evelyne.

  2. Un peu mon cheminement. Et puis chose que tu ne dis pas mais que tu dois vivre c’est qu’à un moment donné ce sont tes personnages qui te mènent par le bout du nez.. le scénario se joue au fil de la plume sans préméditation même si un canevas est déjà profilé dans ta tête.
    En ressort un peu de toi, beaucoup je pense, mais aussi les mots s’alignent, les termes, les idées sans que tu en aies pleine conscience.. plus tard, quand tu relis tu te dis ” ah bon? c’est moi qui ai écrit cela? ! ”
    Quant au thème , notre parti pris : clamer une certaine joie, la partager,taire nos peines… finalement la plus dure des créations car il est plus facile de faire pleurer dans les chaumières que de faire sourire voire rire.Et d’ailleurs les commentaires dans cette rue des blogs le montrent carrément.
    Bonne route, fais bon usage de tes papyrus et tu ne m’as toujours pas dit, enfin soufflé à l’oreille l’origine de kerleane , breton ou egyptien ou non hihihi ..

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