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Comment je me suis retrouvée à cette journée de découverte du yoga-mandala…

Il y a quelques semaines, alors que je réfléchissais à ces questions de "synchronicité", j’ai eu l’idée inhabituelle d’aller acheter du bon fromage à la laiterie locale, en prévision du passage de mon beau-frère pour souper. En entrant, j’ai regardé les affichettes sur la vitrine, et l’une d’elles a attiré mon attention: il s’agissait de la pub pour un dimanche découverte sur yoga et mandala. Je suis entrée acheter le fromage, et en sortant, j’ai encore regardé de plus près l’affiche, pour voir si ce cours avait lieu ici. En fait, non, alors je me suis juste dit qu’il faudrait que je me renseigne d’ici la rentrée sur les cours de yoga donnés au fitness local, et j’allais partir quand une dame apparemment sortie de nulle part m’a gentiment interpellée: "vous la trouvez jolie? je viens juste de la mettre…".

Interloquée j’étais, pour le coup! une petite voix intérieure s’est mise à rigoler: tiens tiens, si tu n’arrives pas à te décider à aller au yoga, le yoga vient à toi…

"C’est vous qui donnez ce cours?"

Elle n’avait pas du tout l’air de l’idée que je me faisais d’une prof de yoga, mais plutôt l’air familier, gentille, et pas très différente de moi (je ne pense pas franchement ressembler à une yogi – lol). Nous avons échangé quelques phrases: c’est aussi elle qui donne les cours auquels j’envisageais de m’inscrire à la rentrée, et elle habite ici. Mais j’avais besoin de réfléchir, je ne prends jamais de décisions à chaud; et je n’ai pas répondu clairement à sa question sur mon intérêt.

Le lendemain, toutefois, je suis revenue noter le numéro de téléphone, puis après quelques échanges et incertitudes sur un nombre de participants suffisant, je me suis donc retrouvée parmi 6 autres curieuses dimanche matin, avec la prof de yoga et l’animatrice en mandala qui avaient sympathisé à une formation il y a quelques mois et qui avaient décidé suite à cette expérience de proposer ensemble cette journée découverte.

Kripalumandala … un petit mandala pour la route… (pas de moi celui-là: il manque les couleurs – lol!)

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C’est compliqué les gens…

Gf_barbecue300_2 Alors voilà, c’est tombé sur moi: faut que j’organise le menu du repas pour 120 personnes, moitié adultes moitié enfants, pour la fête de l’école d’Ondine. Ecole Montessori auto-gérée par les parents – qui doivent donc prendre un charge l’une ou l’autre tâche à un moment ou un autre.

Vu mon emploi du temps chroniquement surchargé, mes voyages et cie, je me suis portée volontaire pour des tâches plus ponctuelles mais pas moins compliquées, comme ici aider le comité à organiser cette fête de fin d’année.

Cette fois, il a été décidé de rationnaliser ce repas, qui était sous forme de buffet canadien "chacun-apporte-sa-spécialité" les années précédentes. Cela allait très bien quand l’école était plus petite, mais avec la croissance des effectifs, l’an passé il y avait 10 fois trop de nourriture et quasi tout le monde est parti sans s’en soucier à l’arrivée d’un gros orage, laissant un cauchemar logistique aux quelques courageux GO restés par mégarde… et en plus, apparemment des parents se sont plaints que le repas n’était pas équilibré, que des familles avaient juste amené des chips et que leurs enfants n’avaient mangé que cela. En réalité, il y avait un bol de chips… et 20 bols de toutes sortes de super plats, salades en tous genres, fruits, fromages, ce qui me laisse vraiment, mais alors vraiment songeuse!

Bon, je suppose que ce sont les mêmes parents à qui le traiteur qui fournit les repas de midi à l’école s’évertue à expliquer que non, cela ne sert à rien qu’il double les quantités de légumes, vu qu’il en jette déjà la moitié qui lui revient tous les soirs (ce qui prouve bien que si les enfants en question ont envie de plus de légumes, ils ont tout-à-fait la possibilité de se resservir, mais quand Maman-mange-tes-légumes-c’est-bon-pour-toi n’est pas là, que croyez-vous qu’ils font? pfff, comme dirait Vero…).

Bref, l’organisatrice en chef n’étant pas plus que moi une experte en organisation de repas de masse bio dynamique végétarien sans gluten sans lactose, nous avons spécifié un menu très simple avec buffets de salades crudités-pâtes-patates-taboulé, des glaces en cornet et bâtons et des biscuits/gâteaux secs, maison ou pas, pour le dessert, sachant que l’école offre le rôti pour le BBQ.

Rôti? mais on fait quoi pour les végétariens? j’ai pensé à un plateau de fromages, mais s’ils sont versés dans la diététique, ils ne mangent sans doute pas de fromage non plus? Le problème que je ne les connais pas… au fait, le rôti, c’est du porc? cela pose un problème? bon, bref, pour l’instant, on a laissé ces questions de côté… et j’ai fait un super tableau excel pour calculer et répartir les portions à amener par chaque famille comme demandé par super organisatrice qui n’avait pas du tout envie de téléphoner à 30 familles pour optimiser leur apport culinaire (puisqu’un sondage a montré qu’elles préféraient amener plutôt que payer la nourriture, toujours selon le principe de chacun-met-la-main-à-la-tâche).

Maintenant, j’angoisse, est-ce que cette attribution autoritaire de "Kerleane et Super Organisatrice ont choisi le menu unilatéralement… FAmille X fait 8 portions de tomates-mozarella et achète 8 glaces… Famille Y amène 8 portions de salade verte, avec la sauce, 4 baguettes et un assortiment de biscuits…" ne va pas faire des histoires? Mais comment faire autrement? un menu fixe centralisé (refusé par le sondage) ou chacun-amène-sa-bouffe-rien-que-pour-lui (et bye-bye le partage)?

C’est quand même là que je trouve c’est bien compliqué de rendre les gens heureux dans une société pleine d’individualités… Pfffffff!

Un peu angoissée aussi, et s’il n’y a pas assez à manger? j’avais affreusement mal géré la logistique d’un voyage de groupes quand j’étais ado en comptant sur mon appétit, oubliant celui des mecs de 18 ans et 30 kilos plus lourds de muscles… j’avais sacrifié ma part, jeûnant en pénitence, mais cela n’avait pas suffi… j’ai pas osé dire à Super Organisatrice que j’avais un tel précédent, elle va sûrement adorer mon tableau Excel, mais je me sens d’avance un peu bureaucrate incompétente sur ce coup-là.

Je suis curieuse de vivre la suite…

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Trois soeurs – Elisabeth

Elisabeth était si légère qu’elle semblait risquer s’envoler à tout instant vers ce royaume des rêves qui séparent les deux mondes, et qui lui était étrangement familier, comme à tous ceux que la vie hésite à garder, oscillant au gré d’un mal capricieux.

Car Elisabeth se consommait depuis l’enfance, souffle après souffle, chaque jour plus ténu au rythme des flambées des fièvres nocturnes, marque de son épuisant combat contre les mauvais esprits. Elle en gardait la peau blanche, tendre et diaphane, des êtres de la nuit. Mais Elisabeth résistait; Elisabeth avait la force intérieure des filles de granite, dont elle portait encore, par les hasards génétiques, les yeux gris-bleu et les mèches auburn. Ce délicat équilibre animait son visage fin d’un subtil rappel de l’éternelle harmonie entre le caillou et le lichen tels qu’on les trouve encore, entremêlés dans les chaos les plus profonds des forêts de chênes et de foyards, là où se tinrent, en des temps si lointains qu’ils ne sont plus accessibles à notre mémoire, les furieux combats des puissances naturelles. C’est pourquoi sans doute son visage était-il si émouvant, au-delà de sa maigreur, de sa petitesse, de sa faiblesse: Elisabeth avait la grâce d’une fille d’elfe.

Ce que le manque de force lui rendait à jamais inaccessible dans notre violent monde de la matière, Elisabeth avait su le puiser ailleurs. Le rêve, puis le livre, puis l’écriture, la construisirent plus sûrement que le plus lointain des voyages; elle y rencontrait tour à tour l’autre, l’art et l’exotisme, les idées les plus audacieuses… Par ce pélérinage intellectuel, elle fit peu à peu sien le monde des idées, s’enrichissant de vocabulaire et de concepts comme d’autres s’enrichissent de bijoux et de châteaux.

Et quand Elisabeth eut ses 20 ans, les progrès de ce monde pour la passion duquel elle menait son combat inégal vinrent enfin à sa rescousse. Il lui faudrait à jamais se passer de celui des ses poumons malades qu’une chirurgie au nom barbare de pneumothorax avait affaissé pour la sauver un peu encore, mais l’autre put finalement être nettoyé, parfaitement, à la streptomycine.

Alors, le souffle toujours ténu mais désormais préservé, Elisabeth remercia Marie-Jeanne, pour la patience et le dévouement qui ne lui avaient jamais fait défaut, et elle lui exprima enfin son désir le plus profond: voler de ses propres ailes, jusque tout là-haut, à Paris, là où le monde des idées était tellement plus vivant et accessible, là où elle pourrait enfin trouver un travail à la mesure de ses capacités: dactylo, secrétaire, documentaliste… Marie-Jeanne eut bien de la peine et du souci de laisser ainsi s’envoler son fragile oiseau vers un monde aux curieux attraits dont elle n’avait guère l’idée elle-même, mais il n’était pas dans sa nature d’aller contre l’ordre des choses. Elle avait bien assez prié la Vierge Marie, mère de Jésus, et Sainte-Anne, mère de Marie, pour qu’elles l’aident à garder encore ce dernier poussin en vie toutes ces dures années où elle avait cru la perdre 10, 20, 50 fois; elle pouvait donc bien la laisser aller de son gré maintenant, avec juste, au cas où elle trouverait sur sa route d’autres mauvais esprits, les précieuses médailles protectrices aux effigies de ces saintes mères patrones, bien cachées au milieu du linge dans la valise.

Ainsi Elisabeth s’envola-t-elle vers une autre vie, d’autres rencontres, des amours même – peut-être, sûrement? Mais personne n’en sut jamais grand-chose. Elisabeth revenait juste pour les vacances, chaque fois plus légère, mais rayonnant désormais de cette légèreté infiniment grâcieuse et lumineuse, à qui sait les regarder, des rêveurs devenus heureux.

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Trois soeurs – Marie-Jeanne

Marie-Jeanne avait trois filles.

A l’aînée, il manquait la beauté.

A la benjamine, il manquait la santé.

La cadette avait tout hérité.

Et Marie-Jeanne observait ses trois filles, ses petites devenues femmes, soupirant en son fort intérieur:

A Louise, il manque le rêve.

A Elisabeth, il manque la force.

A Anne, il manque la sérénité.

Qu’avait-elle donc oublié quand elle les avait enfantées, puis élevées, puis accompagnées?

Mais il était trop tard à présent; son temps à elle n’était plus de ce monde. Son âme s’affaiblissait, l’éloignant chaque jour un peu plus des soucis des vivants. Mais plus elle s’envolait, plus la ribambelle de ses pensées inquiètes tournoyaient dans son esprit fatigué, enfermées dans ce crâne devenu si exigü que même les mots n’arrivaient plus à en sortir. Son regard seul s’affolait par moments du désespoir de ne pas savoir partager les images de l’autre côté, paniquant Louise et faisant pleurer Anne. Elisabeth seule restait sereine, car elle avait suffisamment balancé entre les deux mondes pour ne plus en avoir peur.

Marie-Jeanne rompit finalement les amarres une nuit de grand vent, laissant derrière elle la rustique empreinte d’une vie besogneuse et pleine de poésie pourtant, au travers des deux guerres et des étranges mutations de ce siècle encore inachevé.

Marie-Jeanne n’avait jamais voyagé plus loin que le grand champ de foire; c’est pourquoi ce dernier grand voyage était d’autant plus étourdissant pour elle. Comme elle avait la foi robuste aux croyances de son temps et de son lieu d’ancrage, c’est Saint-Pierre qui l’accueillit à la porte de son paradis.

– Bienvenue Marie-Jeanne. Tu nous arrives bien légère déjà, mais je vois qu’il te reste un dernier fardeau à déposer avant de te reposer enfin. Quel est donc ce souci que tu ne peux oublier?

– Ah, mon bon père, ce sont mes filles. Elles sont bien braves toutes les trois, mais elles me donnent du tracas. L’aînée abat du travail comme dix, le monde s’arrêterait de tourner qu’elle essaierait de le relancer encore, mais elle en oublie de s’arrêter regarder la beauté autour d’elle; elle est comme ces machines qui viennent dans les champs et dans les fermes à présent; de bonnes mécaniques bien utiles ma foi, mais il leur manque comme un peu d’âme. La benjamine, c’est le contraire; elle a bien failli passer ici avant moi, et plus d’une fois; la beauté du monde est sa compagne de tous les jours, qu’elle soit poème ou aquarelle; mais elle est trop légère pour l’univers des vivants, qu’elle effleure à peine. La cadette enfin a tracé son chemin comme moi, de façon plus classique; elle est belle et elle est forte; elle a travaillé et elle a aimé, elle a enfanté et elle a guidé, elle a rêvé et elle a réalisé; mais elle doute toujours, et n’est jamais satisfaite de son sort; sans ses soeurs pour lui occuper les mains et l’esprit, elle pleurerait tout le temps.

Saint-Pierre sourit.

– Je vous ai entendue, et je sais comment vous soulager de ce souci, Marie-Jeanne. Regardez…

Il y avait là en effet derrière Saint-Pierre un immense univers, rempli des lumières de la Connaissance, sous toutes formes des plus simples aux plus complexes telles que les esprits des hommes et des femmes de tous les temps les avaient façonnées au gré de leurs découvertes et de leur imagination. Il y avait les symbôles et les rituels, les chansons et les tableaux, les brevets et les romans…

Et là devant Marie-Jeanne, soudain les formes d’une femme inconnue, plus vieille et burinée encore, avec d’épais cheveux gris retenus par une longue tresse, d’étranges habits aux couleurs chaudes et des bijoux de bois, de pierres, de cuir et de plumes.

La femme lui sourit, et lui parla dans une langue aux sonorités inconnues et pourtant limpide:

– J’ai ici une légende qui attend votre visite…

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Toutes ces Sarah, et le reste

Dimanche après-midi, le grand soleil du matin nous a permis d’aller pique-niquer en montagne, et c’est tout emplie de la sérénité de cette balade en famille que je m’asseois un moment dans le jardin, à notre retour, avec le Psychologies magazine d’avril (je rattrape mon retard de lecture…).

Mon humeur commence à se gâter avec l’article sur "Second life", qui explique comment quelques millions de gens s’inventent une seconde vie… plus belle? certes: avec plus de sexe, d’argent, de pouvoir, de célébrité. Virtuels. C’est glauque…

Et derrière cet article, une pub. Pas une de ces pubs futiles sur une crème de nuit ou un complément alimentaire. Une pub pour le dernier livre de Tatiana de Rosnay, la petite-fille du figuier pour moi, puisque c’est sa note expliquant le titre "The Fig Tree" de son blog qui me l’avait fait découvrir à mes débuts dans la rue des psycho-blogs, où elle tient une grande vitrine.

Shoahjewish_family_2Ce livre est suffisamment médiatisé, déjà best-seller international et futur film, pour que je n’en rappelle pas l’histoire. Pour moi, assise dans mon quotidien merveilleux de quiétude et de verdure, peu importe le livre, ce qui me frappe en plein fouet, c’est juste le fond rouge de ces mots "Le 16 juillet 1942, Sarah, 10 ans, est raflée, comme quatre mille autres enfants."

4000 enfants au Vél’d’Hiv. 4115, ou 4051, les chiffres exacts varient un peu, mais 4000 en tout cas.

Et tout de suite, dans ma tête, la douloureuse tristesse de la chanson de Goldman, que je ne peux plus écouter sans pleurer depuis que je suis maman, "comme toi":

Elle s’appelait Sarah elle n’avait pas huit ans
Sa vie c’était douceur rêves et nuages blancs
Mais d’autres gens en avaient décidé autrement
Elle avait tes yeux clairs et elle avait ton âge
C’était une petite fille sans histoire et très sage
Mais elle n’est pas née comme toi ici et maintenant

J’ai reposé le magazine, je me suis mise pieds nus, je suis allée m’asseoir en tailleur sur l’herbe, sous le soleil, face à la montagne, et je me suis encore une fois demandé: pourquoi tant de drames là-bas, loin de moi dans le temps ou dans l’espace, mais malgré tout portés à ma connaissance, conceptualisés, traduits des mots (raflée!) et des nombres (4000!) en images (Sarah… la photo… mes filles), en émotions qui m’explosent soudain le fin fond de mon cerveau reptilien de maman mammifère… ainsi ma vie à moi est sans drame, mais ces drames existent ailleurs… pourquoi?

C’est quoi le sens de tout cela?

Et ce drame-là, ce morceau de génocide en marche en juillet 1942, m’a soudain obsédée comme tout ce que j’ai pu lire, voir, entendre, sur la shoah, depuis ma découverte de ces horreurs grâce à un documentaire de la bibliothèque de ma classe de CE2. Je revois encore l’étagère…

Alors, tard dimanche soir, j’ai vérifié les chiffres dans le Quid, et j’ai regardé mes filles dormir, me répétant qu’elles ne risquent rien, elles, ici et maintenant.

Lundi matin, déplacement à Genève pour une réunion dans le quartier des organisations internationales, je croise à deux reprises des groupes d’enfants, en rang de deux, mélange coloré, bruyant, joyeux, et l’horreur me revient dans les yeux. 4000… 200 groupes d’enfants comme ceux-ci? Des petits, des grands, des maigres, des gros, des timides, des hyperactifs, des filles et des garçons. Des mômes… Comme les vôtres. Comme les miens.

Lundi soir, aéroport. Un gamin qui hurle, et toute l’aérogare semble incommodée… Malaise. Peut-on seulement concevoir la même situation, puissance 4000?

Mardi matin, je marche encore, mais cette fois dans le 15ème arrondissement, sans savoir que le Vél d’Hiv n’est pas bien loin; il y a là une boulangerie qui sent si bon le pain français, une boucherie, un coiffeur, la poste… et une école maternelle, des parents qui y conduisent leurs petits, se saluent, échangent quelques mots. Tranches de vie. Le ciel est grand bleu. Mais moi je ne peux m’empêcher de projeter ce quotidien que j’observe un peu détachée là en 2007 dans le Paris d’il y a 65 ans.

Et finalement, j’arrive sur les boulevards près de la Seine, je regarde les grands immeubles qui arborent fièrement toutes sortes de logos de notre société d’abondance et de bonheur, Yves Rocher, HP, TF1… la beauté, la technologie, la communication.

Alors je vais bosser, voir mes collègues et mon client, discuter projets, problèmes et solutions, continuer, de mon mieux, ma petite tranche de vie à moi… après tout, Goldman chantait aussi:

Il y mettait du temps, du talent et du cœur
Ainsi passait sa vie au milieu de nos heures
Et loin des beaux discours, des grandes théories
A sa tâche chaque jour, on pouvait dire de lui
Il changeait la vie

Mais tout de même, je voulais venir dire ici que je n’ai toujours pas trouvé… le sens de tout cela.

   

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2004 – Thalasso – De moi aux autres

Au-delà du re-centrage, et de la réappropriation de l’importance de mon corps à travers les soins, la qualité de la nourriture et les séances de sport que je suivais assidument l’après-midi, ce séjour m’amena rapidement à m’interroger sur ma relation aux autres.

Le premier axe vint de la "petite liste des gens que j’aime".

J’ai commencé la liste, et je n’avais pas envie de m’arrêter.

Je ne suis pas quelqu’un de passionné, d’exclusif, capable de l’étourdissement aveugle d’un amour absolu auprès duquel toute autre relation apparaîtrait bien fade. Bien sûr, je suis passée, bébé, amoureuse, enceinte, allaitante, par ces périodes de folie hormonale qui nous guident par tous les sens dans la construction d’une puissante relation à un autrui dont les pas entremêlés aux notres marquent à jamais l’imaginaire de notre destin. Ces êtres-là sont bien évidemment sortis les premiers de ma liste. Mais au-delà d’eux, aussi tant d’autres, croisés ici ou là, car j’avais envie de mettre sur cette liste tous les petits détails que j’aime chez untel, unetelle, untelautre… famille, collègues, voisins, amis… qu’aucune passion ne m’a jamais éclipsés.

J’ai fini par décider de faire la liste à l’envers, pour que l’exercice ait une quelconque utilité: identifier les quelques personnes avec qui je trouve difficile de construire une relation positive, et réfléchir à ma perception de leurs défauts, pour mieux les détourner, et de leurs qualités, pour mieux les valoriser.

Exercice utile effectivement, car il m’a démontré que je n’ai pas de colère… J’ai lu ici, chez Benoît, Vero, Manue, Carole, des notes très intéressantes sur la colère, sur le pardon, mais ces notes ne me parlent pas: peut-être suis-je, comme Evelyne/alibi-bi avant son accident cérébral, handicapée des émotions (mon score de QE est très bas…)?

Pour moi, face à ces gens difficiles, pas de colère, mais plutôt, de la compassion, et un gros effort de patience, me mettre dans leur langage, dans leur vision, pour arriver à échanger et avancer ensemble quand même, un peu; et aussi l’esquive, presque un jeu, ne pas les énerver, "faire avec".

La colère, chez moi, c’est un moment d’agression: de la peur avant tout, peur de la violence, de la méchanceté, de l’injustice, de l’abandon. Je n’ai pas de force dans ces occasions: ma voix tremble, mon coeur dérape, mon estomac se noue, et bientôt, les larmes – une infinie tristesse…

Comme je déteste ces expériences que je trouve humiliantes depuis que j’ai atteint l’âge de raison, j’ai passé une large part de ma vie à optimiser ma relation aux autres pour ne pas déclencher ces émotions négatives. Et je me sens mieux ainsi. Même si ce n’est pas courageux, mais alors, pas courageux du tout… je suis de ceux qui fuient, je ne sais pas faire front; une antilope, pas une lionne!

Mais parfois les antilopes sauvent leur peau en apprivoisant les lionnesKamuniak

L’écrasante majorité de mes relations me sont ainsi apparues, dans cet exercice de bilan au calme, loin des émotions d’un moment, étonnamment positives, et en fait, cela m’a emplie de joie.

J’avais désormais l’impression que je verrais toujours avant tout du positif dans toute personne nouvellement rencontrée, et même dans les plus difficiles.

Avec le recul, c’est à peu près à ce moment-là que je me suis débarrassée de l’essentiel de mon reste de timidité, qui m’a tant fait rougir de la peur du jugement d’autrui, pendant des années.

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2004 – Thalasso – Détox?

Premier matin, visite médicale, puis les 5 premiers soins, je ne sais plus trop lesquels parmi bain, douche, jets en piscine, hydrojet, enveloppement d’algues, massages…

La visite médicale est sans histoire. Je n’ai ni problème de poids, ni varices, juste le haut du dos très tendu – abus du travail sur écran, et nature sujette au stress "crispeur d’épaules". Mais on va y remédier: je sors avec une petite fiche personnalisée me promettant qu’on va me dorloter un max toute cette semaine.

Dès le premier soin, j’ai la vessie pleine – buvez, éliminez, qu’ils disaient! heureusement il y a des tisanes et fontaines à disposition partout. Entre les soins, après passage aux toilettes (mais qu’est-ce que çà draine!) je vais me reposer sur les transats, accompagnée de musique douce… et je me détends, doucement, mes pensees se ralentissent, je me re-centre…

Le soin phare du jour, c’est un massage sous affusion d’eau de mer, en fin de matinée, avec un baume aux huiles essentielles (lavande, etc). Sublime détente! Mais à la fin du soin, la masseuse m’adresse la parole, intriguée, un peu inquiéte: "là, sur la nuque, c’est tout rouge – excès d’adrénaline! trop de stress, ce n’est pas bon pour vous cela – pourtant, je sens que vous êtes gentille et sentimentale, faîtes attention, c’est  dangereux tout ce stress! vous êtes étudiante?" Je suis surprise (ai-je l’air si jeune? sur quelle perception base-t-elle son jugement, nous n’avons même pas parlé?), je lui explique que non, je bosse, j’ai 2 enfants, et je suis venue justement faire une cure anti-stress pour me relaxer et me refaire une santé, à titre préventif… Elle regarde de plus près, s’interroge; pourrait-il s’agir simplement d’une piqure d’insecte? une araignée peut-être?  je loge sur place? bizarre, mais bien vérifier ma chambre, mon lit, mon oreiller tout de même…

Un peu intriguée, je finis ainsi cette matinée, et rapidement, je n’y pense plus. Jusqu’au soir… car soudain, tout mon corps commence à me gratter! les jambes, les bras, le tronc, se couvrent de boutons puis de plaques rouges, chaudes, boursouflées…

Une belle crise d’urticaire!

Ce n’est pas la première fois que cela m’arrive. Allergie, virus, ma peau m’a déjà fait de telles réactions en quelques occasions. Mais là, le mystère reste entier. Je vais voir le médecin du centre après une nuit agitée par les démangeaisons – elle est étonnée; certaines personnes font des réactions à l’eau de mer chaude; peut-être aussi suis-je allergique à l’huile essentielle de lavande utilisée dans différents soins? En fait, j’ai re-testé tout cela depuis: la réaction ne s’est pas reproduite. C’était autre chose.

A posteriori, l’hypothèse virale est apparue très plausible, car mes enfants sont tombés malades en mon absence et elles m’avaient déjà contaminée puisque j’ai fini par tousser à mon tour en fin de séjour. Mais pendant quelques jours, je me suis interrogée sur la cause de cette violente réaction de ma peau, alors que je venais enfin prendre soin de moi en général;  et cela n’a fait que renforcer l’intuition qui m’avait menée ici: ce corps qui est le mien, je dois en prendre soin… 

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2004 – Thalasso – Ma quête

Ecrire Premier matin au réveil en ce mois de novembre 2004, impatiente, je prends tout de même le temps de coucher mes objectifs sur papier avant d’enfiler mon peignoir pour me rendre à la visite médicale – de ce texte, voici, retranscrit ici, l’essentiel.

J’ai décidé de prendre cette semaine pour faire face à moi-même. Un petit bilan de tiers de vie (en étant optimiste!). Une pause loin de mon quotidien, sans contraintes domestiques ni professionnelles. Juste m’occuper de moi. Prendre du recul.

Pour m’aider dans ma démarche, j’ai pris les "petites listes à faire pour mieux profiter de la vie" du magazine Psychologies. Je crois que je me connais assez bien, à présent. J’ai fait beaucoup de tests sur leur site web notamment, et je n’ai rien appris. Je suis heureuse, équilibrée. Ma démarche n’est pas tant une recherche thérapeutique de réparation, de guérison auto-centrée, mais plutôt, un objectif de prévention, pour passer l’hiver mieux que l’an passé, pour prévenir le retour de certains troubles dont je ne souffre pas ces temps-ci, tels que mon rhumatisme à la hanche, ou ma fatigue chronique (qui, curieusement, n’a pas réapparu cet automne malgré le rythme fou que je me suis imposé). Je veux refaire le plein d’énergie pour la réinjecter dans ma vie: à [Mari Charmant], aux filles, à [mon employeur].

Ces derniers temps, une réflexion revenait tout le temps. Ayant repris confiance en moi professionnellement après le cap difficile de juin-juillet, je me suis reposé des questions essentielles sur "à quoi je sers".

Je revois le jour de ma confirmation. C’était il y a 17 ans hier, quasi à la moitié du chemin déjà parcouru. Quels étaient les mots exacts? Il y a eu 2 moments-clé, dans mon souvenir. Il me faudrait retrouver mon journal d’alors pour les détails. Mais je me souviens très bien de cette journée. 14h30, la rencontre, un choc d’énergie, puis, juste avant la cérémonie, ce mystérieux "çà va?", puis la cérémonie elle-même, les lumières, la musique, et la confirmation elle-même, quels étaient les mots? "Tu iras loin"? J’en ai retenu une immense dose de confiance en moi, mais aussi, l’impression d’avoir une mission à accomplir.

C’est cette mission que je cherche aujourd’hui.

Il me semble que j’ai reçu un trop plein de dons pour la vie que je mène aujourd’hui.

Comme quoi, je tourne en rond. Ces questions sont toujours entières pour moi aujourd’hui – plus de deux ans plus tard. Je suis simplement un peu plus avancée dans ma quête de réponses. En particulier, partant de ce que mon intuition m’avait inspiré en m’envoyant thala-délasser enfin mon corps trop ignoré par mon orgueilleux intellect qui s’y trouve pourtant fort bien hébergé, j’ai mieux compris l’importance de mieux habiter et soigner ce corps pour avancer globalement, même si c’est pour moi un long et difficile chemin. Et la page suivante, c’est mon corps qui l’a menée – prochain épisode… 

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A quoi servent les coincidences?

C’est par une série de coincidences que l’on rentre dans "La prophétie des Andes". C’est ainsi que le premier chapitre est construit, mais ce qui est plus amusant encore, c’est que la légende construite autour de ce roman fait que nombre de ses 20 millions de lecteurs témoignent ici ou là de la série de coincidences… qui les ont conduits à ce livre.

Et voilà que je fais partie du club! et encore, dans ma note d’hier, j’ai oublié de préciser que j’avais mis le livre dans ma valise après avoir lu la rubrique "Le livre qui a changé ma vie" d’un Psychologies Magazine d’il y a quelques mois (vu mon retard chronique de lecture… cela devait être le numéro de décembre 2006).

La page Wikipedia sur la synchronicité donne de bons points de départ pour explorer le sujet. J’y ai retrouvé les références à Carl Jung, dont les théories m’ont toujours parlé à l’inverse de celles de Freud (mais bon, je ne suis pas formée en psycho, il doit y avoir des subtilités qui m’échappent). Mais aussi les références d’études sceptiques, et un intéressant article de Psychologies Magazine qui oriente le sujet sur un outil de développement personnel, de "conscientisation".

Car c’est cela qui est intéressant avec les coincidences, à mon avis. Voilà mon analyse: c’est dans notre tête que nous mettons en relation des évènements qui n’ont pas de causalité, de relation scientifiquement avérée. Que ces évènements soient reliés effectivement sans que cela soit formalisable avec nos connaissances scientifiques d’aujourd’hui relève donc clairement de la foi (=croyance). Mais sans chercher le "pourquoi", si on regarde le "comment", cette mise en relation, que nous appelons spécifiquement "co-incidence", est une opération explicite de notre intelligence. Nous percevons l’"incidence" de différents évènements dans le monde qui nous entoure, et nous les mettons en relation: "co-".

Pour que cela se produise souvent, il nous faut donc

1) interagir avec ce monde, le plus richement et le plus finement possible, pour percevoir un maximum de ces incidences (et donc se donner plus de chances de rencontrer des improbabilités statistiques de combinaison): noter, mémoriser, classifier tous ces évènenents (qui sont parfois de simples pensées, voire des rêves, à peine formalisés dans notre cerveau).

2) connecter ces évènements: les mettre en relation, rechercher une éventuelle causalité, et à défaut, s’interroger sur la "synchronicité" non causale de ces évènements pourtant clairement reliés dans notre perception. Ce qui peut conduire à tout un enrichissement de vie intérieure, qui conduira certains à Dieu, d’autres simplement à une grande richesse d’esprit -analyse et synthèse-, d’autres plus loin encore à une meilleure connaissance de soi, du monde et des autres, etc…

J’aime bien dans ces conditions le terme de "conscientisation". Les synchronicités me paraissent n’avoir de sens qu’avec le pré-requis de la perception et de la conceptualisation par un être vivant – i.e. sa conscience.

Plus on est conscient, attentif et réfléchi, sur le monde qui nous entoure, nos relations aux autres, et nos mécanismes de pensées internes (mémoire, émotions, volontés…), plus on peut observer ces "synchronicités".

D’où, à juste titre, leur utilisation en développement personnel (conscientisation), car en développant l’observation de ces coincidences, on développe forcément la perception ("incidences") et l’intelligence ("co-").

Alors… amusez-vous bien…

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L’enfant en escale

Petit prolongement au plus beau cadeau proposé par Benoît:

"N’oubliez pas que (votre enfant) est une âme indépendante et que vous lui offrez seulement les moyens de construire sa vie en fonction de ses aspirations et de son projet d’existence. Il est en escale chez vous et nullement prisonnier ou otage de vos propres idées qu’il devrait accepter en échange (rançon) de votre amour." Duguay_enfant2

Petit manuel d’auto-psy, Serge Fitz, Ed. Jouvence, 2007.

Et pour Enriqueta, encore une image de Mario Duguay, dont je pourrais regarder les oeuvres pendant des heures pour rêver plus loin…