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Le temps de la décision

Il est temps de décider.

Il y a 10 jours, j'ai donné un ultimatum à mon chef. 10 jours pour me convaincre de rester. 10% de chances de me faire revenir en arrière, tant je suis déterminée. Ce que je veux, c'est une histoire, une vision, du sens. Impossible…

Chef, désarmé et désespéré, a lancé les alarmes – direction dont il dépend, direction ressources humaines, direction tout court…

J'ai passé 2 heures et demi mardi à expliquer les raisons de mon départ à notre directeur de département. Je suis le 2e cadre à démissionner ce mois dans son département, suite à la fusion. Sa situation est donc difficile. Jamais nous n'avions eu, en 18 mois, un dialogue aussi vrai. Avant d'aller le voir, j'avais fait un gros travail sur ma colère, mon impatience et mes frustrations qui s'étaient beaucoup focalisées sur lui ces derniers mois. J'ai fait la part des choses; par sa culture différente des "vieux meubles" dont je fais partie, il est un vecteur du changement dont l'entreprise a besoin aujourd'hui pour assurer les mutations qui sont nécessaires à sa croissance, voire à sa survie à moyen-long terme. Et moi je n'ai pas su lui transmettre, lui expliquer, tout ce que je sais et fais au cours des 18 derniers mois; il n'a pas vraiment idée de mon métier, c'est la première fois dans sa carrière qu'il a la responsabilité d'équipes d'experts techniques. Nous devions initialement parler une heure, nous aurions pu rester discuter toute la nuit maintenant que nous allons enfin au-delà de notre précédent dialogue de sourds…

J'ai pu lui exprimer ce que j'avais eu sur le coeur cet hiver, sans basculer dans l'émotionnel – ma voix tremblait un peu, mais j'ai pris le temps de respirer et je suis heureuse de voir que je sais maintenant passer ce cap. Je lui ai aussi exprimé, et j'étais sincère, que je suis consciente de la nécessité des changements qu'il force dans notre organisation et nos objectifs, mais voilà, ces changements m'ont généré une prise de conscience violente sur laquelle je ne peux plus revenir, moi, personnellement.

C'est clairement un problème pour lui, mais comme mon chef avant lui, il n'a pas trouvé d'argument pour me convaincre. Tous deux m'ont envoyée chez PDG, à ma grande surprise, car si je fais de temps en temps des présentations au comité de direction, jamais en 12 ans je n'ai eu l'occasion d'un entretien avec PDG. J'ai supposé que mon chef, qui fait partie des hommes de confiance de la direction, avait insisté pour cet entretien. A ma grande surprise, PDG a insisté pour me voir seule, et surtout, il avait parfaitement préparé le dossier: il a commencé l'entretien en résumant les causes de mon départ, et ce résumé était précis et juste, il s'adressait à moi en tant que personne et à 100%. Le fait qu'il m'accorde une heure de son agenda me touchait déjà beaucoup, et je le lui ai dit d'entrée, mais qu'en plus il ait pris le temps de discuter avec Directeur et Chef, et de préparer ses arguments pour me retenir, me laisse encore sonnée.

J'ai eu tellement l'impression, ces derniers mois, que mon travail n'était pas reconnu et j'en ai tellement souffert, que tout-à-coup je ne comprends plus rien, pourquoi ils ne me laissent pas partir tranquillement? je sais bien moi qu'ils vont avoir de la peine à me remplacer, mais je ne pensais pas qu'ils le savaient déjà avant que je parte (à part Chef)!  

Et hier j'étais face à notre meilleur négotiateur, vendeur de tous nos gros contrats depuis toujours, avec des explications franches à toutes mes questions, jouant sur la promesse répétée d'une solution sur mesure en notant et reformulant soigneusement mes besoins, mais aussi avec un ou deux garde-fous subtilement amenés pour cadrer la solution de la bonne façon et me faire douter d'une alternative à son offre… Comme j'ai beaucoup de mémoire, j'ai tout enregistré sans prendre de notes, et déposé le tout sur papier en rentrant le soir pour faire la part des choses… or il n'y avait pas vraiment d'éléments nouveaux, rationnels et surtout factuels, dans la discussion, mais sur place l'emprise émotionnelle était si forte que je n'ai pas pu poster ma lettre de démission comme j'avais prévu hier soir. Brillant, il est vraiment brillant! en sortant de l'entretien, j'étais vraiment sonnée, j'ai failli me coucher en rentrant, et j'ai très mal dormi de nouveau cette nuit, alors que mon sommeil s'était enfin amélioré cette semaine.

J'ai du mal à croire que je vis tout cela.

J'essaie de rester le plus en cohérence avec moi-même, mais c'est difficile, car jamais à part peut-être au tout début de ma vie de couple je n'ai eu autant l'impression d'un changement profond de ma personnalité, presque déstructurant. Je n'ai jamais été aussi courageuse que ces dernières semaines, et ce courage entraîne tellement de changements dans mon environnement que je ne reconnais plus rien, et surtout je ne me reconnais plus. Je reconnais mes réactions émotionnelles, mais je prends un recul que jamais je n'avais su prendre à ce point. C'est comme si je repassais dans une crise d'adolescence pour construire une personnalité plus adulte, plus responsable, plus profonde et plus vraie.

C'est vraiment étrange.

Reste que mon choix est juste pour moi. J'en suis certaine. J'ai même l'intuition qu'il est juste tout court et que si je ne cherche pas à en tirer une quelconque vanité, vengeance, ou règlement de compte, il sera utile et positif pour les autres aussi. Je pense obsessionnellement à un accord toltèque ces jours, ma parole doit être impeccable. C'est très difficile! Mais c'est d'autant plus important pour ces prochains jours, où je vais devoir communiquer officiellement et largement mon départ, à mon équipe, à mes collègues, au reste de l'organisation, puis dans un second temps, à mes contacts extérieurs.

Je suis fatiguée, mais je dois encore passer toute cette transition.

C'est dur…