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Le Dieu de mon enfance

Quand j’étais petite, j’ai été baptisée catholique, parce que c’était l’habitude en Bretagne; on avait trop peur de ne pas le faire, car il y avait encore beaucoup de mauvais esprits dans la tête des gens, et il ne faut pas oublier que le baptême catholique comprend un exorcisme du nouveau chrétien: renoncement explicite au Mal, effacement des pêchés.

Toutefois mes parents ne pratiquaient pas. Nous allions à la messe deux fois par an, non pas à Noël ni à Pâques, mais à la Toussaint et aux Rameaux, pour rendre visite aux morts, et pour faire bénir le buis qui devait ensuite protéger la maison pour toute une année.

Il y avait bien d’autres rites et superstititions dont je n’ai qu’une mémoire très lacunaire; de grands pouvoirs attribués notamment aux médailles, de baptême, de Sainte-Anne et sa fille la Vierge Marie, de Saint Christophe (pour se protéger des accidents de voiture), etc. Egalement l’importance des pélérinages (au minimum Sainte-Anne d’Auray, mais Lourdes c’était encore mieux) et des pardons (plus accessibles, chaque chapelle de campagne ayant le sien, et souvent associés à de grandes fêtes populaires, courses cyclistes…).

Jugementdernier Le Dieu de ma petite enfance était par ailleurs très menaçant. Je ne me souviens pas qu’on m’ait parlé de lui en bien, mais plutôt comme d’un juge suprême qui observait toutes mes bêtises et mauvaises pensées quand mes parents avaient le dos tourné pour mieux m’envoyer en enfer quand mon temps serait venu. Déjà que ma mère avait un petit doigt magique pour tout deviner; mais avec cette menace de recours divin en plus, je n’ai pas eu d’autre choix que de devenir une petite fille très sage (et franchement, je crois que je n’ai pas changé, toujours l’impression que je vais avoir des comptes à rendre sinon!).

Ensuite je suis allée au caté, et là c’était beaucoup plus sympa. On faisait des dessins, des découpages de coeurs, de colombes et de petits bonshommes se tenant la main. On nous racontait des histoires étonnantes et on chantait de très jolies chansons.

Et puis il y a eu les cérémonies.

Première communion: très grande curiosité de ma part, quel goût a donc cette hostie "corps du Christ" (au fait, je n’ai toujours pas pigé le concept qui se cache derrière ce rite de la communion donc la catéchèse ne devait pas être bien faite)? On m’avait bien expliqué qu’il ne fallait pas la croquer, mais la laisser fondre sur la langue. Sauf que… j’ai eu la dernière, mal cassée et avec un énorme excédent triangulaire qui m’est resté entre les dents. Quelle angoisse pour la faire passer! mais bon, j’ai eu double dose ou presque pour cette première communion. Encore un de ces petits privilèges qui jalonnent mon parcours sans que j’aie rien fait pour le mériter. Je crois que je vais avoir de sacrés comptes à rendre au final…

Puis la communion solennelle. En aube blanche traditionnelle avec la tête de hibou illuminé à lunettes que j’avais à douze ans. Si quelqu’un de ma connaissance actuelle voit cette photo je vais me cacher pour 3 semaines lol!

Clocher_1 Mais pour nous remercier d’avoir bien préparé cette étape clé, le prêtre qui nous encadrait nous permit de monter dans le clocher de l’église fermé au public et j’ai un souvenir grandiose de la vue sur la ville, ses toits, ses maisons à colombages, ses ruelles pavées, ses vieilles pierres, que j’y découvris, les pieds dans les crottes de pigeon mais les yeux plein d’une vue que seul Dieu a en temps normal!

Je crois que c’est là qu’a commencé mon amour des vieilles villes en général et des vieilles églises en particulier.

Par contre pour la Bible c’était franchement raté. Mes parents l’avaient acheté en bande dessinée pour essayer de nous cultiver un peu mieux. J’étais fascinée: c’était le seul récit sanguinaire auquel j’avais le droit; même dans Goldorak, je n’avais pas jamais vu un juge proposer de couper un bébé en deux avec un grand couteau, pour mettre d’accord deux femmes se disputant sa maternité. Et même dans le nouveau testament: génocide des bébés pour tenter d’éliminer le sauveur annoncé dès sa naissance, désordre public par un adolescent plein d’énergie (casseur du temple de Jérusalem à 12 ans! Aujourd’hui, ils brûlent des voitures, mais franchement, aucun n’a atteint ce niveau de popularité depuis…) et au final, la crucifixion qui est tout de même d’une cruauté terrible!

Crucifixion

(Une chose est sûre: jamais il n’y aura de crucifix chez moi, avec cet homme souvent représenté peids et mains cloués, ensanglantés! Il y a eu trop de sang versé pour cette croix. En guise de croix, je veux bien à la rigueur un drapeau suisse dans mon jardin quand j’aurai le passeport, car c’est folklorique et puis il a le mérite d’avoir inspiré son bienfaisant dual: celui de la Croix-Rouge. Mais pas de crucifié.)

Ensuite… la communion solennelle, c’était l’année de mes 12 ans. Alors commença la traversée du désert. 4 années d’adolescence à traverser avant d’avoir le droit à la confirmation – avec toutes les angoisses mystiques que l’on peut avoir à 15 ans au pays des korrigans… Détails au prochain épisode.