Divina Insidia, ou Humana Insidia?

Au coeur de la crise monétaire de 2011, j’ai été intriguée par les romans et essais explorant la symbolique de l’argent et les dérives des systèmes financiers modernes, écrits par des experts ayant travaillé au coeur de ces systèmes notamment dans de grandes banques centrales et banques d’investissement, comme Bernard Lietaer et Pascal Roussel. Il y a quelque-temps, j’ai enfin pris le temps de lire le roman de ce dernier, “Divina Insidia”, le piège divin. Ce roman, qui avait fait un peu de buzz chez les conspirationnistes à l’époque, est un joli petit conte moderne, très ancré dans notre culture occidentale judéo-chrétienne, et du coup je trouvais intéressant de l’explorer dans ma réflexion sur les croyances collectives.

Au départ du roman, il y a le(s) mythe(s) construit(s) collectivement sur Internet au début du 21e siècle autour des sociétés secrètes bilderberg et cie, des illuminati, du nouvel ordre mondial, de la franc-maçonnerie, de la finance et des systèmes monétaires modernes, économie de la dette etc. Pour nous balader dans ces mythes tout en faisant passer son message moral, Pascal Roussel met en place les classiques personnages des contes: les bons, les méchants, le repenti, et chaque personnage vit un parcours initiatique au fil de l’histoire. Comme dans tous les contes, le lecteur y trouvera donc un écho à ses peurs, à ses rêves, et à sa propre quête…

Personnellement, j’ai failli abandonner au premier chapitre tant la mise en place était irréaliste, car je ne peux pas comprendre qu’une personne ayant un tant soit peu de bon sens et sans besoins financiers accepte d’emblée un compte bancaire ouvert à son nom et alimenté par un inconnu. Un peu de bon sens paysan, voyons! c’est forcément une anarque, à moins d’avoir un tonton chercheur d’or au Pérou qui apparaîtrait soudain dans votre généalogie, et encore…  Mais bon, les journalistes (l’héroïne est journalise) sont peut-être une espèce à part? ou bien est-ce ma propre méfiance de l’argent facile que me tient à l’abri de ce genre de folie? Du coup, j’ai paradoxalement davantage apprécié la deuxième partie du roman qui le remet clairement à sa place de conte moral dans une perspective très manichéenne. Avant un dénouement tout à fait en ligne avec mon bon sens paysan… ouf!

Pour moi, il reste en filigrane aussi, et surtout, le message que c’est à chacun d’entre nous, par notre libre arbitre individuel, qu’appartient la suite de l’Histoire… lisez ce conte, et demandez-vous à quel point l’Argent et le Pouvoir dirigent votre vie, vos choix, vos rêves… parce qu’il est facile de mettre la faute de la crise de la dette sur le dos des grands dirigeants, des politiciens, des technocrates, des banquiers, alors que Mr tout le monde Emprunte pour avoir une plus belle maison, une plus belle voiture, un plus beau téléphone, mais aussi de plus belles études (notamment les études de commerce, pour avoir un plus beau salaire) ou même un plus beau corps (chirurgie esthétique, même chez les gamines pour avoir de plus gros seins), etc…

Mais mettre de l’ordre dans ses croyances (personnelles et encore plus ancrées sur le plan collectif) relatives à l’argent et au pouvoir est vraiment difficile. Croire qu’ils vont vous donner plus d’amour, par exemple. En réalité, c’est en donnant qu’on reçoit. C’est évident quand on le pratique, mais difficile à expliquer! Et peut-être est-ce justement là notre prochain défi sociétal, d’évoluer vers des systèmes décentralisés aussi sur ces plans les plus tabous, avec des monnaies libres et une démocratie directe, en faisant le pari du développement de l’intelligence collective grâce à l’éducation des masses dont nous avons largement bénéficié en comparaison avec nos ancêtres depuis 2-3 générations. Bonjour le défi de la confiance à l’autre, individuellement, et aux autres, collectivement, dans toutes leurs différences, mais pourquoi pas? Ainsi, je fais une autre lecture, nettement plus agnostique mais tout aussi humaniste, de “Divina Insidia”: le vrai piège est humain, et chacun d’entre nous en détient une clé…

 

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