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Trois soeurs – Epilogue

Si vous avez manqué le début, tous mes papyrus sont archivés ici

La vieille femme aux étranges habits de cuir et de poil se tut, ne gardant que son énigmatique léger sourire. Marie-Jeanne était bien étonnée! encore interloquée, elle tourna vers Saint-Pierre un regard interrogateur.

– Cette histoire est donc pour moi?

Saint-Pierre ne répondit pas tout de suite, mais embrassa d’un vaste geste cet immense univers qui l’entourait désormais, rempli des lumières de la Connaissance, sous toutes formes des plus simples aux plus complexes telles que les esprits des hommes et des femmes de tous les temps les avaient façonnées au gré de leurs découvertes et de leur imagination. Il y avait les symbôles et les rituels, les chansons et les tableaux, les brevets et les romans…

– Cette histoire est, tout simplement.

Et la femme inconnue sembla soudain moins vieille et moins burinée, avec ses épais cheveux et son sourire doux, soudain familière, soudain proche:

– Elle est là pour vous rassurer, Marie-Jeanne. Vous n’avez pas mal fait. Vos trois filles sont comme la courge, le maïs et le haricot du peuple Indien d’où je viens. Elles sont à la fois uniques, et inséparables. Ainsi est leur histoire. Et cette histoire n’est qu’une facette de toutes les histoires de l’univers. Elle est leur histoire, individuelle, mais en même temps, universelle.

Saint-Pierre tendit la main vers Marie-Jeanne en un geste ample et assurant:

– Vous voici soulagée de ce dernier souci, Marie-Jeanne. N’ayez plus crainte d’avoir mal fait. Le temps est venu pour vous de vous reposer.

Mais Marie-Jeanne avait encore un peu d’inquiétude.

– Je comprends donc que je ne peux rien changer à cette histoire. Mais il s’agit là de mes filles et je les vois si incomplètes, chacune à sa façon! n’y a-t-il donc plus aucun moyen pour moi de les aider à progresser?

Saint-Pierre et l’Indienne continuaient de sourire.

– Marie-Jeanne, cette histoire, ces chemins entre-mêlés, sont ceux qu’elles ont choisis et construits. Ce sont les leurs. Votre rôle à vous s’achève ici, et maintenant. Mais vous avez raison, leur histoire à elles n’est pas finie, et elle conduit à d’autres histoires, d’autres chemins, qui restent à construire. Par elles.

Marie-Jeanne soupira.

– Pourrais-je au moins avoir une idée de la suite des ces histoires, de ces chemins, comme vous les dessinez si bien avec vos mots et vos images?

Cette fois, c’est l’Indienne qui ouvrit les bras pour montrer l’étendue de l’univers des possibles. Et Saint-Pierre secoua doucement la tête, tout en prenant Marie-Jeanne par la main.

– Ce sont vos filles qui vont les écrire, puis leurs fils et filles, puis les fils et les filles de leurs fils et filles.

Alors Marie-Jeanne ferma une dernière fois les yeux pour revoir les visages de ce monde qu’elle quittait enfin. Les visages des enfants d’Anne et des petits-enfants déjà venus, leurs rires et leurs pleurs, leurs moues boudeuses, leurs mots d’enfants, ces étincelles de vie dans leurs regards, l’énergie de leurs gestes, et devant eux, l’évidente promesse de tous leurs possibles avenirs.

A eux de les construire.Duguay_enfant1_2

Marie-Jeanne rouvrit les yeux, enfin prête à avancer derrière l’Indienne et Saint-Pierre.

L’histoire de Marie-Jeanne s’achève ici. Les histoires de Louise, Elisabeth et Anne se sont achevées aussi, depuis le temps de Marie-Jeanne qui s’est éteint voilà 25 ans, mais elles restent encore à écrire: sur mon propre chemin, ce temps n’est pas venu encore.