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Trouver une voie

Les vacances sont comme toujours propices aux bilans… cocooning en famille, changement d'air, cure de sommeil, butinage de lectures… je balance entre ma tendance hyper-active à remettre un agenda structuré plein de découvertes et de sorties sur ma pause estivale et la tentation de me laisser aller à une paresse non planifiée, entrecoupée de ces petits riens qu'on ne fait jamais au quotidien: aller prendre 30 photos du coucher de soleil sur la plage, jouer au scrabble avec enfants et grand-parents, lire Historia et les revues sur la Bretagne à la médiathèque, marcher 2km en longe-côtes pour faire coucou à une webcam. Même pas envie de prendre la voiture pour aller voir les copines ou les cousins à 50 ou 80km. Au moins je peux prendre l'excuse écolo et me contenter d'un coup de téléphone.

D'habitude j'arrivais en vacances épuisée par mon rythme de folie. Bien que juillet ait été bien chargé, je ne suis pas du tout dans cet état cette année. Mes niveaux de fatigue physique, intellectuelle et nerveuse étaient tout-à-fait raisonnables. Mais je me suis rendu compte que je suis toujours instable sur le plan émotionnel et spirituel. Mon problème est le suivant: je me disperse de 36 manières à chercher le sens de ma vie, autrement dit à "trouver ma voie"! C'est comme si, à force de me libérer de différentes structures qui m'encombraient, je me trouvais soudain trop libre, et en errance.

Je regarde autour de moi, mais cela ne ma parle pas.

Je vois des gens se bagarrer contre leurs propres structures encombrantes, qu'elles soient familiales ou professionnelles. Les miennes sont satisfaisantes et je suis bien consciente que les émotions turbulentes que j'y mets parfois sont des exagérations de mon mental anxieux et n'ont rien de fondamental. Souvent il suffirait de mettre un peu d'ordre déjà à l'intérieur de soi, et tout irait mieux…

Je vois des gens accomplir des choses extraordinaires, bien au-delà de leurs aptitudes de départ, portés par la foi qu'ils mettent en un projet. Ces gens-là savent quelle phrase ils veulent entendre résumer de leur parcours au soir de leur vie. Curieusement il m'arrive de voir plus clairement qu'eux quelle voie guide certains de mes proches, ce qui me permet de les guider par une phrase ou l'autre ici ou là sur leurs parcours tellement plus évidents que le mien propre.

Je vois d'autres gens s'éclater (parfois au sens propre) dans une jouissance tous azimuts des biens et plaisirs de notre monde matériel, parfois juste simplement heureux d'embellir leur maison, leur voiture, leur bateau avec le moindre sou glâné ici ou là dans une vie de labeur qui prend grâce à cela tout son sens. Mais pas pour moi. Au début de ma vie l'argent n'était pas abondant mais je n'ai jamais manqué de rien et le paraître se résume pour moi à "être dans la norme". Eviter la honte (héritage socio-culturel) et éviter la frime (également méprisée). Ce qui m'écartèle d'ailleurs souvent à présent entre la norme des cadres supérieurs suisses où je développe mes nouvelles amitiés suite à mon parcours de vie et la norme de ma famille et de mes amies de la classe moyenne française dans laquelle j'ai grandi. Je ne peux pas être en plein dans les deux normes à la fois, c'est mathématiquement impossible. Je jongle comme je peux.

Quant à ma propre voie au beau milieu de tout cela… je suis bien embêtée… je vois la timidité, le doute, la peur insinués dans tous mes embryons de projets, déformant la moindre initiative, alors même que mes aptitudes me donneraient les moyens d'explorer toutes sortes de domaines. Si je devais résumer mon parcours aujourd'hui, ce serait quelque-chose du style,"elle est née avec une immense curiosité, elle a charché et appris, appris et cherché, cherché sans cesse et appris sans cesse tout au long de sa vie qui l'a toujours gâtée plus que nécessaire, mais s'en savoir trop quoi en faire, elle a juste pris quelques responsabilités de circonstance, et elle a finalement traversé la vie sans histoires, avec juste le regret de ne pas avoir bien compris ce qu'elle faisait là.".

Au moins, à force de développement personnel, de lectures, de rencontres et d'expériences, j'ai bien intégré le fait que je suis pleinement responsable de mes choix de vie. Je pourrais rester tranquille à naviguer à vue, mais j'ai maintenant dans la tête une petite voix qui me rappelle que je devrais prendre des responsabilités à la hauteur de mes aptitudes, la vie n'ayant pour ainsi dire pas mis d'obstacles dans mes roues, pas de maladie, pas d'accident, pas de séparation, pas d'échec scolaire, pas de chômage, etc. Cette voix s'est imposée à moi dans certains sites extraordinaires de mon voyage en Ecosse, mais je n'étais pas du tout prête à l'intégrer et j'ai eu de la peine à retomber sur mes pieds au retour. Car mon seul obstacle à me réaliser pleinement aujourd'hui, c'est moi-même, et surtout mes peurs. Même le fait d'être une femme, qui en d'autres temps ou d'autres lieux, m'aurait effectivement coupé les ailes, n'est pas une excuse dans la société où j'ai grandi… 

Il me semble parfois que si je ne surmonte pas mes peurs, je vais me noyer dans les regrets en seconde partie de vie…

Il est sans doute temps aussi de lâcher prise, de cesser cette rumination mentale permanente de recherche de sens qui m'égare plus qu'elle ne me guide, et de simplement laisser venir les évènements. Après tout, la période actuelle est riche en attentes de toute sorte, parfois je me dis que je suis ballotée par les turbulences de ce monde qui est peut-être une "nouvelle renaissance"pour reprendre un titre récent de "Nouvelles clés" entre des valeurs matérialistes, dont je suis déjà saturée, et des valeurs spirituelles mal définies, que je n'arrive pas à intégrer à mon propre parcours de vie.

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Comprendre notre monde

Ces derniers mois, j'ai eu le temps de lire, de réfléchir, et de découvrir de nouveaux savoirs comme jamais depuis des années, mais avec en plus l'éclairage de l'expérience que je n'avais pas à 20 ou 30 ans.

En particulier, j'essaie de mieux comprendre le monde de la finance et de l'économie. Ils m'ont été complètement hermétiques pendant des années. La gouvernance de plus en plus financière, parfaitement honnête et d'une efficacité redoutable, mais sans vision, sans rêve, sans passion, sans réponse non plus à mes incessantes questions sur le "mais après?" de mon ancien employeur m'a finalement désespérée au point que j'ai démissionné, car rien n'avait plus de sens pour moi.

Mais je n'ai pas lâché le morceau. Les épreuves que nous traversons dans la vie sont autant d'occasions de grandir. Je veux comprendre pourquoi j'ai bloqué sur ces circonstances, qu'est-ce qu'elles reflétaient de mes propres limitations. Je veux maintenant mieux comprendre les règles du jeu et mon rôle là-dedans. De toute façon, je ne peux plus pas ignorer les réalités économiques et financières, d'une part parce que je dois encore trouver comment mieux y insérer mon projet professionnel, d'autre part parce qu'il nous est impossible de faire abstraction des bouleversements macro-économiques en cours dans nos propres projets privés.

Internet est un outil extraordinaire; depuis mon grenier au bord de l'alpage, je peux lire les blogs de tous ceux qui se posent des questions et partagent leurs idées, aux Etats-Unis, en Angleterre, en France, au Canada (je lis essentiellement en anglais et un peu en français). Mais aussi toutes sortes de livres et publications, scientifiques, technologiques, sciences humaines, je suis curieuse de tout et je suis toujours étonnée de voir combien d'informations inédites on trouve en 3 clics de Google, comme si les journalistes et même des essayistes s'arrêtaient à la première page ou aux mots-clés les plus communs, alors qu'en 10mn de recherche supplémentaire on trouve des trésors de pertinence sur la moindre question un peu élaborée.

Et puis il y a le sens de l'histoire. Ce premier chapitre de la prophétie des Andes m'avait interpellée en 2007 sans que j'y voie plus loin que mes propres connaissances culturelles de base. Puis en Ecosse, j'ai pendant quelques instants extraordinaires visualisé, ou plus précisément ressenti, la responsabilité intellectuelle d'un stratège dans la tente d'un général sur les vestiges archéologiques d'un camp romain. Comment percevait-il le monde et son évolution alors? Le dernier de ces stratèges a abandonné un jour ce camp pour se replier plus au Sud, puis encore plus au Sud, puis encore… jusqu'à Rome, s'il n'était pas mort avant, dans la lente agonie de l'empire romain. Dans notre groupe y compris parmi les animateurs certains se projetaient plus facilement sur les cultures chamaniques comme les pictes, moi par contre je me sentais plus en phase avec les romains, organisés, structurés, technologiquement évolués… Mais dans mon ressenti, ils manquaient un peu trop de créativité, de fantaisie… il en faut aussi, en tout cas moi j'en ai besoin, cela illumine mon quotidien. Peut-être qu'ils ont manqué d'imagination. Peut-être pas: après tout la civilisation a continué, le pouvoir des empereurs est simplement passé à l'Eglise, qui a ensuite longuement régné sur le Moyen-Age… Et là je retrouve ma généalogie… Templiers, hospitaliers, abbayes, châteaux… jusqu'à la révolution française… encore un monde qui disparaît, de nouvelles fortunes se font, d'autres s'enfoncent peu à peu… mes ancêtres sabotiers des forêts, marchands de bois, et tisserands des landes, marchands de toiles, doivent s'adapter aux nouvelles donnes: dès le milieu du 19e, il est loin le temps de la prospérité économique portée par les échanges internationaux de la Bretagne aux siècles précédents. Cela donne le tournis… et moi dans tout cela? qu'est-ce que je fais là?

Comme j'aimerais mieux comprendre ce monde, et ma place ici… J'ai lâché prise, j'ai médité, j'ai marché, j'ai dessiné, j'ai rêvé, mais au final je reviens toujours aux mêmes questions. C'est bien çà le fond de mon problème: toujours chercher le sens de tout cela…

 

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Espace créatif

Je suis ma résolution du nouvel an: je me pose plusieurs fois par mois un soir avec toile et pinceaux.

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C'est toujours un moment magique, bien plus fort que toutes les méditations que j'ai pu expérimenter. Je laisse un certain espace à mon infatigable vélo mental, pour reprendre les mots de Fichtre: c'est le mental qui amène de la structure dans le cadre, des cercles sous-jacents, un effort de symétrie, une certaine logique dans les couleurs. Mais en même temps j'ouvre aussi le cadre à une expression beaucoup plus brute suivant mon inspiration du moment. Je peins en musique, pour faciliter la montée des images, le bain d'émotions. Je ressens beaucoup de joie dans ces moments. Peu importe, finalement, le résultat, même si je le juge sévèrement; c'est un court-circuit du verbal, une expression inhabituelle de mon être, qui lui donne une autre dimension, une autre profondeur, et surtout c'est une réalisation, je peux la partager, dans mon salon, et même ici, c'est déjà plus qu'une chimère.

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J'ai besoin de ces espaces de créativité pour me sentir bien, comme si je pouvais n'être pleinement moi que dans ces espaces, ces moments où même le temps suspend son vol, où tout devient possible… et en même temps… je deviens folle de toutes ces idées qui me traversent l'esprit et que je suis incapable de communiquer, a fortiori de réaliser. Car j'ai sans cesse de ces idées, pas juste des images, des idées de choses à faire, à dire, à explorer, à partager, à construire, à inventer, à développer… des idées que je connecte sur d'autres idées des autres… des idées dans l'air du temps, des idées bizarres… mais ce ne sont que des idées, des images, des chimères… Quelle frustration! Car c'est bien de cela que je prends conscience peu à peu; c'est ma difficulté à exprimer, partager, communiquer avec les autres qui limite mon impact sur le monde, alors même que je suis profondément altruiste et qu'il y a des merveilles dans mes rêves que j'aimerais tant offrir aux autres pour progresser ensemble…

Peut-être tout cela n'est qu'une immense illusion de mon ego. Mais que faire d'autre ici-bas? comment trouver du sens à cette vie au-delà de nos petites affaires du quotidien? en même temps, à quoi cela sert de rêver, si on ne sait pas partager ces rêves, a fortiori les réaliser?

 

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Mes sacs à main et moi – 2006-2010, nouvelles expériences et remises en question

La première brèche, c'est l'été 2006, je suis en Ecosse quand les anglais déjouent l'attentat terroriste aérien à base de liquide. Mon vol de retour est un des rares vols maintenus sur le Royaume-Uni, mais nous n'avons le droit à AUCUN bagage à main. Je sauve l'ordinateur du boulot de la casse en l'emballant dans mon pyjama, mais l'écran de mon appareil photo, fidèle habitué de mon sac à main, en vrac dans la valise en soute, ne survivra pas à cette mésaventure. Pire: désormais je devrai systématiquement vider, ranger et assainir (ou du moins assécher) le contenu de mon sac avant tout départ aérien. Et bien entendu plus de couteau suisse ni même de tire-bouchon ou ciseau à ongles garanties de survie toutes circonstances au fond… Advienne donc que pourra.

Entre-temps, j'achète toujours mes sacs dans les grands magasins, de préférence pendant les soldes, mais je les choisis désormais sur leur look et non plus sur la bonne affaire. Mon dernier sac à main date de juillet 2008, lorsque je me suis offert un mercredi de shopping et détente après des semaines de marathon à finir mon mémoire professionnel à la maison en plus de mes responsabilités au boulot. Je ne me souviens plus du prix, mais je me souviens que je l'avais trouvé particulièrement joli, brun avec des décorations fantaisie, plus chaleureux que les précédents… Achat plaisir plutôt qu'utile, pour une fois!

Et en parallèle, des huiles essentielles en roll-on de poche relaxantes, anti-stress, anti-jet-lag, des fleurs de Bach, des petits cailloux glânés ici ou là s'invitent dans mon sac, le rendent plus vrai, plus chaleureux que mes ennuyeuses prévoyances médicalo-bricolo-rationnello-pratiques d'antan. Le téléphone, le carnet d'adresses et l'agenda sont aussi désormais dans le même appareil; si la caméra était vraiment trop mauvaise pour immortaliser les enfants et la musique inexistante sur le Palm puis le Blackberry, depuis mon passage à l'iphone il y a quelques mois, j'ai tout en un à présent – même la vidéo et même le GPS! 

Et puis, les enfants ont grandi, donc plus de couches ni de jouets; mais souvent des restes de sacs de bonbons, sucettes, bricolages, invitations d'anniversaires…

Bref, il est très naturel et authentique, le contenu de mon sac!

 

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Mes sacs à main et moi – 1993-2007, l’époque écureuil

Ce matin j'ai décidé d'abandonner mon gros sac à main au profit d'un mini-sac au quotidien, et pas seulement en représentation professionnelle, après l'avoir étrenné dans ce contexte il y a quelques semaines.

Le sac à main est à l'image de sa propriétaire… et moi maintenant je m'allège de tout ce qui m'encombre, en particulier de mes angoisses.

Mon premier sac à main aurait eu près de 20 ans si je l'avais gardé. A 20 ans, habillée jeans ou bermuda et blouson dans mon école d'ingénieurs, je faisais comme les mecs, j'avais le porte-monnaie et les clés dans les poches, pas besoin de sac à main.

Mais un jour j'ai racheté la voiture de mes parents avec les économies d'un stage d'été, et un auto-radio avec le solde. Mon angoisse no 1 était qu'on me vole ma voiture, au point que je me levais la nuit pour vérifier si elle était toujours sur le parking de la résidence universitaire en contrebas. Mon angoisse no 2 était qu'on me vole mon auto-radio, alors je l'avais acheté portable. Mais du coup il me fallait pouvoir le transporter. Et c'est pour cela que j'ai acheté mon premier sac à main. Gros, robuste, en bandoulière. Je ne me souviens plus du tout à quoi il ressemblait, sûrement noir et passe partout, mais je me souviens encore du prix: 75FF dans la galerie marchande d'un centre commercial de Rennes, en solde. Chaque franc comptait pour moi à l'époque, bien plus que le look. J'avais fait une bonne affaire, j'étais contente.

Mon deuxième sac à main l'a remplacé quand il a rendu l'âme. Je ne m'en souviens pas, mais il me semble que ce deuxième (ou était-ce même le troisième?) n'a tenu qu'un an, ce qui m'a convaincue par la suite d'acheter du cuir pour plus de solidité. Car entre-temps j'avais changé de voiture et l'auto-radio était intégré cette fois, mais je n'ai pas rétréci le sac, je l'ai rempli. Il est devenu une extension de ma maison, une béquille quotidienne prête à parer à toutes les éventualités: barres de céréales, vitamines, clés de chez mes parents et beaux-parents et même double de clé de la maison de vacances de ma belle-famille, bons de réductions, serviettes hygiéniques, aspirine, bonbons pour la gorge, sparadraps, désinfectants, carnets d'adresse et petit carnet au cas où, plans de ville, canif, bombe d'auto-défense, stylos… Le critère d'achat était toujours le même: 1) d'usage pratique (donc gros) 2) au meilleur rapport qualité-prix.

Est arrivée ensuite la phase des responsabilités… qui n'a rien arrangé.

D'abord je suis devenue maman, ce qui a ajouté les couches, lingettes, jouets et médicaments pour enfants au sac (et ce, bien que mes filles ait toujours eu leur propre sac pour la nounou, mais on ne sait jamais!).  D'où un nouveau critère 3) il faut plein de poches. Ainsi, parfaitement prévoyante et équipée, je n'ai donc jamais manqué de rien, même de jouets ou de quoi dessiner pour occuper un gamin dans une salle d'attente, pendant toutes ces années. Et j'avais toujours l'appareil photo numérique sous la main pour une photo des puces ici ou là.

Mais ce n'était pas tout, parce que de 2001 à 2007, mes nouvelles responsabilités professionnelles me faisaient voyager en Europe et aux Etats-Unis environ 15% de mon temps. Du coup mon sac s'est enrichi AUSSI de tout le nécessaire de survie en mode stress à l'étranger: micro-brosses à dent des trousses classe affaires Air France, collants de rechange (après avoir dû traverser toutes les halles d'expo du mega-centre de convention de Las Vegas puis l'hôtel-casino le plus proche jusqu'à trouver une boutique en mini-tailleur et… bas filés pour cause de non prévoyance, on ne m'y reprendra plus), lunettes pour ne pas dessécher les lentilles dans l'avion, produit à lentilles, porte-monnaie en dollars, porte-monnaie en euros, porte-monnaie en livres sterling, tickets de métro de Paris et New York, cartes de fidélité voyageurs fréquents/hôtels/location de voiture, adaptateur électrique, ipod, et bien sûr téléphone portable + agenda électronique. Curieusement je n'ai jamais pris le GPS. Il faut dire qu'outre le sens de l'organisation, j'ai toujours eu un excellent sens de l'orientation et le goût des cartes et plans papier… qui s'entassaient AUSSI au fond du sac au fil de mes voyages.

Cette note se fait déjà bien longue… la suite au prochain épisode!

 

 

 

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Créer le futur

Hier, je suis rentrée de quelques jours d'évasion sur Paris, entre famille et mes équipes là-bas. Ce que je vais le plus regretter, c'est l'énergie de la petite startup dont la réorganisation m'a confié l'incubation. Bon, ce n'est pas fini encore, d'ailleurs j'ai eu récemment une idée de diversification pour leur technologie que je dois absolument encore trouver le temps d'explorer ces prochaines semaines…

Mari Charmant nous a rejoints vendredi soir, avec une étonnante nouvelle. Contre toute attente, après 2 ou 3 ans de vains espoirs, il va très certainement réaliser dans quelques semaines un vieux projet qui à lui seul aurait pu justifier une remise en question de mes priorités. Que cela arrive 4 jours APRES ma décision finale a quelque-chose de vertigineux.

Quand j'ai suivi mon cours de développement de l'intuition et du ressenti à l'automne, j'ai partagé certains exercices avec lui. Cela l'a travaillé au moins au tant que moi, au point de le convaincre de s'inscrire à des cours de violon cet hiver et d'accélérer la réalisation de sa mission de vie. Quand je l'ai rencontré, il conduisait avec une poignée de copains enthousiastes toutes sortes de recherches en intelligence artificielle, en parallèle avec ses études d'ingénieur, et souvent au détriment de ces dernières. Quand on est fait pour explorer les nouvelles frontières technologiques du 21ème siècle, ingurgiter les ennuyeux savoirs du 19ème tels que résistance des matériaux ou métallurgie tient du calvaire… J'ai passé près de 20 ans à le rappeler à la réalité bassement matérielle à chaque flambée d'idéalisme… l'occasion d'autres expériences constructives, mais à présent, c'est moi-même qui ressens le moment de passer à une phase plus incertaine, plus exploratoire, les bases étant assurées, c'est sur le sens que nous devons nous concentrer à présent, quitte à retourner aux rêves fous de nos 20 ans…

Hier soir, j'ai ressenti le besoin d'explorer le web sur le message technologique de "la prophétie des andes", et les mots-clés m'ont amenée sur de nouveaux liens inexplorés, aux titres pourtant prometteurs:

http://www.synchronicites.net/

http://www.co-creation.net/

Je ne sais pas vers quel futur je me dirige, mais il me semble enfin cohérent et plein de sens…

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Le temps de la décision

Il est temps de décider.

Il y a 10 jours, j'ai donné un ultimatum à mon chef. 10 jours pour me convaincre de rester. 10% de chances de me faire revenir en arrière, tant je suis déterminée. Ce que je veux, c'est une histoire, une vision, du sens. Impossible…

Chef, désarmé et désespéré, a lancé les alarmes – direction dont il dépend, direction ressources humaines, direction tout court…

J'ai passé 2 heures et demi mardi à expliquer les raisons de mon départ à notre directeur de département. Je suis le 2e cadre à démissionner ce mois dans son département, suite à la fusion. Sa situation est donc difficile. Jamais nous n'avions eu, en 18 mois, un dialogue aussi vrai. Avant d'aller le voir, j'avais fait un gros travail sur ma colère, mon impatience et mes frustrations qui s'étaient beaucoup focalisées sur lui ces derniers mois. J'ai fait la part des choses; par sa culture différente des "vieux meubles" dont je fais partie, il est un vecteur du changement dont l'entreprise a besoin aujourd'hui pour assurer les mutations qui sont nécessaires à sa croissance, voire à sa survie à moyen-long terme. Et moi je n'ai pas su lui transmettre, lui expliquer, tout ce que je sais et fais au cours des 18 derniers mois; il n'a pas vraiment idée de mon métier, c'est la première fois dans sa carrière qu'il a la responsabilité d'équipes d'experts techniques. Nous devions initialement parler une heure, nous aurions pu rester discuter toute la nuit maintenant que nous allons enfin au-delà de notre précédent dialogue de sourds…

J'ai pu lui exprimer ce que j'avais eu sur le coeur cet hiver, sans basculer dans l'émotionnel – ma voix tremblait un peu, mais j'ai pris le temps de respirer et je suis heureuse de voir que je sais maintenant passer ce cap. Je lui ai aussi exprimé, et j'étais sincère, que je suis consciente de la nécessité des changements qu'il force dans notre organisation et nos objectifs, mais voilà, ces changements m'ont généré une prise de conscience violente sur laquelle je ne peux plus revenir, moi, personnellement.

C'est clairement un problème pour lui, mais comme mon chef avant lui, il n'a pas trouvé d'argument pour me convaincre. Tous deux m'ont envoyée chez PDG, à ma grande surprise, car si je fais de temps en temps des présentations au comité de direction, jamais en 12 ans je n'ai eu l'occasion d'un entretien avec PDG. J'ai supposé que mon chef, qui fait partie des hommes de confiance de la direction, avait insisté pour cet entretien. A ma grande surprise, PDG a insisté pour me voir seule, et surtout, il avait parfaitement préparé le dossier: il a commencé l'entretien en résumant les causes de mon départ, et ce résumé était précis et juste, il s'adressait à moi en tant que personne et à 100%. Le fait qu'il m'accorde une heure de son agenda me touchait déjà beaucoup, et je le lui ai dit d'entrée, mais qu'en plus il ait pris le temps de discuter avec Directeur et Chef, et de préparer ses arguments pour me retenir, me laisse encore sonnée.

J'ai eu tellement l'impression, ces derniers mois, que mon travail n'était pas reconnu et j'en ai tellement souffert, que tout-à-coup je ne comprends plus rien, pourquoi ils ne me laissent pas partir tranquillement? je sais bien moi qu'ils vont avoir de la peine à me remplacer, mais je ne pensais pas qu'ils le savaient déjà avant que je parte (à part Chef)!  

Et hier j'étais face à notre meilleur négotiateur, vendeur de tous nos gros contrats depuis toujours, avec des explications franches à toutes mes questions, jouant sur la promesse répétée d'une solution sur mesure en notant et reformulant soigneusement mes besoins, mais aussi avec un ou deux garde-fous subtilement amenés pour cadrer la solution de la bonne façon et me faire douter d'une alternative à son offre… Comme j'ai beaucoup de mémoire, j'ai tout enregistré sans prendre de notes, et déposé le tout sur papier en rentrant le soir pour faire la part des choses… or il n'y avait pas vraiment d'éléments nouveaux, rationnels et surtout factuels, dans la discussion, mais sur place l'emprise émotionnelle était si forte que je n'ai pas pu poster ma lettre de démission comme j'avais prévu hier soir. Brillant, il est vraiment brillant! en sortant de l'entretien, j'étais vraiment sonnée, j'ai failli me coucher en rentrant, et j'ai très mal dormi de nouveau cette nuit, alors que mon sommeil s'était enfin amélioré cette semaine.

J'ai du mal à croire que je vis tout cela.

J'essaie de rester le plus en cohérence avec moi-même, mais c'est difficile, car jamais à part peut-être au tout début de ma vie de couple je n'ai eu autant l'impression d'un changement profond de ma personnalité, presque déstructurant. Je n'ai jamais été aussi courageuse que ces dernières semaines, et ce courage entraîne tellement de changements dans mon environnement que je ne reconnais plus rien, et surtout je ne me reconnais plus. Je reconnais mes réactions émotionnelles, mais je prends un recul que jamais je n'avais su prendre à ce point. C'est comme si je repassais dans une crise d'adolescence pour construire une personnalité plus adulte, plus responsable, plus profonde et plus vraie.

C'est vraiment étrange.

Reste que mon choix est juste pour moi. J'en suis certaine. J'ai même l'intuition qu'il est juste tout court et que si je ne cherche pas à en tirer une quelconque vanité, vengeance, ou règlement de compte, il sera utile et positif pour les autres aussi. Je pense obsessionnellement à un accord toltèque ces jours, ma parole doit être impeccable. C'est très difficile! Mais c'est d'autant plus important pour ces prochains jours, où je vais devoir communiquer officiellement et largement mon départ, à mon équipe, à mes collègues, au reste de l'organisation, puis dans un second temps, à mes contacts extérieurs.

Je suis fatiguée, mais je dois encore passer toute cette transition.

C'est dur…

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Papyrus #5 – Le dernier cheval

Perjakezhelias Il est né au milieu de la Grande Guerre, a grandi au milieu d'une dizaine de frères et soeurs, a vécu quatre-vingts années au milieu de la Bretagne.

Il était de l'avant-dernier des mondes.

Il n'y a pas assez de mots pour décrire ce monde d'avant le nôtre. Surtout en français.

Dans ce monde d'avant, l'habileté d'un homme se mesurait à la rapidité de sa faux à dénuder les terres affleurées de rochers sans que jamais une étincelle ne vienne embraser les herbes sèches.

Dans ce monde d'avant, la subtilité d'un homme se mesurait à la précision de la modulation des gestes et de la voix qui guidaient son cheval, son troupeau ou son chien, selon le moment, dans ce ballet complexe où chacun jouait sa subsistance en synergie.Chienguiaudet

Les chevaux… depuis l'enfance, il leur parlait, il les menait. Il avait reçu tous les savoirs de la terre en héritage, comme ses frères, de son père, qui les tenait de son père, et ainsi de suite, sur ces mêmes terres depuis au-delà du temps des premières archives des églises. Il maîtrisait toutes ces habiletés, toutes ces subtilités, depuis le coeur de l'enfance`où il est si facile d'apprendre, et où tout lui avait été transmis.

Quand ses fils à lui sont nés, à la fin d'une autre guerre, le monde n'avait pas encore vraiment changé. Mais soudain tout s'est accéléré. Quand le petit est allé à l'école, l'électricité est arrivée. Il était malin ce petit, curieux du monde d'en haut et des choses de l'esprit, pressé d'y détourner l'habileté et la subtilité nécessaires à faire tourner le monde d'en bas en bonne intelligence. Désormais l'électricité pouvait garder les vaches avec un simple fil, et éclairer les livres jusque tard dans la nuit. Ce gamin-là a été vite perdu pour la ferme, poussé aussi vers d'autres sommets par sa mère et sa grand-mère qui avaient déjà compris que le monde changeait… et peut-être aussi saisi l'excuse des allocations familiales et bourses Perjakezhelias2 d'étude pour se libérer d'un gaillard à nourrir et blanchir d'octobre à juin 😉

Il restait donc l'aîné, tout aussi travailleur, toujours de bonne humeur, solide comme sont les hommes de cette terre (même le petit, tout intellectuel qu'il était, portera encore des sacs de 50kgs à passé cinquante ans). Ses bras étaient bien utiles, il y avait toujours à faire: il était bien préparé à son tour à reprendre une ferme sur ces terres du monde d'avant, la tête, la voix, les mains pleines du savoir du père, et du grand-père avant lui. Habiletés, subtilités du travail en synergie avec la terre et les bêtes, transmises une nouvelle fois au coeur de l'enfance où il est si facile d'apprendre…

Cheval Mais le monde d'avant s'effaçait déjà, et ces savoirs étaient remplacés par d'autres. Il était temps de faire des choix. Qui donc menait encore des chevaux aux champs? Le nouveau monde était celui des machines. Et ce fut donc le temps du dernier cheval… Pour le père, un crève-coeur. Pour le fils, la fierté de conduire le tracteur, pour mieux promettre aux filles des bals de village le confort d'une ferme moderne et rentable.

Mais le monde d'avant s'effaçait encore et encore, et de plus en plus vite. Le tracteur par exemple amenait d'autres questions: les petites parcelles encadrées de hêtres et d'ajoncs n'avaient plus de place dans ce monde mécanique, et il fallait plus d'argent pour faire tourner ce monde-là. Alors, comme pour le cheval, le père a résisté. Mais plus fort cette fois. Ces terres étaient les siennes, celles de ses frères et soeurs, celles de ses cousins. Celles que ses aïeux avaient lentement modelées à leur rude et pourtant savant labeur. Ils savaient où courait l'eau et quand chantait le vent de solstice en solstice, et chaque monticule, chaque roche, chaque arbre portait un bout de leur histoire, de joie ou de querelle, souvent un mélange… Renverser ce monde-là c'était toucher à tous les rêves oubliés, à toutes les rancoeurs enterrées, à tous les fantômes cachés derrière la moindre ligne du cadastre ancien. Voilà pour l'irrationnel. Et il est vrai pour le rationnel que ces terres ne valaient rien, trop rocheuses, trop pauvres, tout juste bonnes pour la lande et la bruyère et un peu de subsistance au milieu… Personne n'a insisté pour les rentabiliser. Elles sont donc restées aux vieux, à ceux du monde d'avant, avec leurs petits lopins morcellés de quelques hectares au faible rendement, leurs quelques vaches et poules, dans leurs fermes sombres, mal chauffées et mal aérées. Le fils a trouvé un emploi mieux payé pour ses bras solides, avec la sécurité sociale, à 15km, comme maçon dans un bourg un peu plus prospère; d'ailleurs, il y avait là-bas une fille adorable, et qui savait que les plus belles maisons sont celles des maçons… la décision a été vite prise.

Le père est resté seul, bientôt à la retraite agricole, cette belle invention du monde nouveau, avec la mère, le chien, un potager et quelques lapins. Impuissant à freiner ces mutations qui allaient trop vite pour lui, il les suivait depuis longtemps, de son mieux mais de loin, dans le journal, à la radio, puis, petite pension de retraité aidant, à la télévision. Il a continué à regarder son monde changer, son savoir de l'ancien monde s'effacer dans une évidente inutilité. Il voyait de temps à autre ses petits-enfants, partis d'emblée à la conquête du nouveau monde, habillés comme les princes des légendes, nourris comme des cochons à engraisser, transportés confortablement en voiture même sur le chemin de l'école, et le nez devant la télé dès le plus jeune âge. Que pouvait-il leur raconter, à ces petits-là? Ils étaient bien sûrs sourds au breton que leurs parents s'empressaient d'oublier: à les écouter, quand ils voulaient bien en parler, il ne restait que la honte de cette culture d'un autre âge. Alors il leur parlait seulement en français: la langue des livres, la langue des professeurs, la langue du journal, la savante langue du monde nouveau.  

Rougir-detre-paysan Le reste n'a plus jamais été dit. La langue du monde nouveau savait analyser, décrire et expliquer. Elle ne savait pas dire les émotions du monde d'avant, le beau, le vrai, l'évident, et lui restait de toute façon trop étrangère pour oser lui faire dire sa peur d'être oublié ou pire, d'être à jamais celui dont on a honte, encore moins oser crier sa colère de n'avoir plus d'autre existence que celle d'être le père, le vieux, l'ancêtre… le dernier dépositaire d'un savoir dont plus personne n'avait que faire… comme son dernier cheval, en 1960.

Il avait fait son temps, les articulations usées, le corps fatigué. Il a attendu son tour de passer dans l'autre monde, chargé de tout ce qui n'avait plus de raison d'être, de tout ce qui ne se disait plus.

Le monde d'avant s'est effacé, et son empreinte, celle du dernier meneur de cheval, avec.

Il ne reste que quelques photos et l'évidence des études ethnographiques. Et les questions sans réponse d'une petite-fille face à aux émotions non-dites héritées de cet autre temps…

(c) Kerleane – Nov 2009-Mai 2010Nature2009small

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Drôle de coincidence

Aujourd'hui j'ai reçu la visite inopinée d'une famille de nos connaissances que nous avions perdue de vue depuis leur déménagement à l'autre bout de la Suisse Romande il y a quelques années.

Quand ils sont arrivés, j'étais le nez dans l'épouvantable liste des tâches détaillées nécessaires à l'accomplissement de mes impossibles objectifs pour cette année, à trier ce que mon équipe peut faire toute seule, ce que je recommande d'abandonner, et ce qui reste sur mes épaules et donc base de négociation pour un éventuel mandat dans "mon autre avenir". Au terme de ces 4 jours de pont où j'ai encore avancé mon projet, ma décision est quasi irrévocable; mais je doute encore tellement de l'avenir…

Alors quand après l'échange des nouvelles familiales autour d'un café et quelques biscuits, notre ami nous a expliqué qu'il venait de commencer un nouveau job dans le social après une longue traversée des enfers dans le monde de la distribution, je suis restée sans voix. Bien sûr son histoire est bien plus violente que la mienne; je le voyais déjà exploité il y a 6 ou 8 ans en arrière; quand après son passage cadre, on lui a demandé d'exploiter à son tour, il a commencé à ne plus pouvoir dormir. Dans les mois qui ont suivi, sa fille a fait une grave infection en pleine période de fêtes, la plus stressante de l'année, et là il a réalisé qu'il ne la voyait quasiment plus, on le poursuivait jusqu'au fond des week-ends. Et là tout s'est déclenché: burnout. Son corps s'est mis à refuser le travail, évanouissements, vomissements, toute une violence physique et soudaine. 6 mois à l'assurance, et au retour la promesse du même job – impossible. "Ce ne sont pas mes valeurs", me dit-il aujourd'hui. Lente remontée à la surface, arrêt des anti-dépresseurs, mais démission, et chômage. Tous les postes qui se présentaient lui parlaient de ces mêmes fichues valeurs qui ne sont pas les siennes, il les a refusés… sauf un, et le voilà qui entame une nouvelle vie. Heureux.

Ils m'ont rafraîchi les idées et pour moi qui ai appris à faire attention aux synchronicités, je ne peux que m'émerveiller de l'évidence de celle-ci!

Si je ne lâche pas prise maintenant, je sais ce qui m'attend, à plus ou moins longue échéance…

Pour achever la petite histoire, ma fille aînée m'a justement demandé des nouvelles de cette famille il y a quelques jours, alors que nous ne pensions plus guère à eux depuis quelques années!

C'est drôle la vie des fois.

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Changer

J'ai dormi près de deux heures cet après-midi. Depuis 5 semaines, c'est la première fois que je m'accordais une telle décompression. Je préfère ne pas calculer la réalité de mon déficit de sommeil sur cette période.

Je n'ose même plus m'asseoir pour faire une liste de tâches. Au travail j'ai basculé sur des listes pour mes 6 collaborateurs directs, pour m'assurer qu'au moins ce que je délègue est suivi. A la maison, je ne planifie rien, je décide au cas par cas ce que je peux faire dans les 2 heures à venir.

Mon mental est tellement sollicité avec des changements de sujets constants que je me réveille la nuit après un premier cycle de sommeil encombrée de toutes les pensées de ce que je n'ai pas fait, pas dit, en parallèle avec ce que le sommeil a fait ressortir de ce que je suis en train d'apprendre, de comprendre, d'imaginer.

Je ne suis donc pas encore en état de burnout, puisque je suis encore combative, avec des émotions très vives et un cerveau qui tourne à plein régime, à l'antipode de la dépression, mais je sais que je ne peux pas continuer à ce rythme. Déjà, il faut que je dorme plus. Je me débats d'autant plus pour trouver des solutions, mais je suis au pied du mur: il faut que je change. Il faut que je lâche prise de tout ce qui n'est pas essentiel. Il faut que j'arrête de répondre à toutes les sollicitations. En fait je n'arrive déjà plus à les adresser toutes sans parfois plusieurs semaines de délai, mais tous ces manquements me donnent mauvaise conscience… cercle vicieux. 

Mon perfectionnisme me tue à petit feu.

C'est d'autant plus important pour moi de revenir aux bases de mon engagement. Quelles sont donc les valeurs à la source de cet engagement démesuré? Ce sont avant tout des croyances, des projections.

Il faut vraiment que je change. 

Je travaille donc maintenant sur un scénario de départ. Seul un tel électrochoc va me permettre de me recentrer et d'évoluer. Quand j'ai émis cette hypothèse à mon chef, il l'a prise très au sérieux – "ton départ n'est pas une option!". Je crois que c'est la première fois en 3 ans qu'il me passait un message aussi clair. Il faut dire que je serai la 2e – la veille, un autre de mes collègues avait annoncé sa démission… du coup, même mon N+2 s'est mis à réagir, en passant des messages aux tiers sur mon temps partiel par exemple. Ils ne peuvent pas se permettre le départ consécutif de deux "talents" sous le prétexte de notre violente réorganisation. Mais ce n'est pas parce que ce n'est pas une option pour l'entreprise que ce n'est pas une option pour moi. Cela-dit, raisonner ainsi est violent pour moi car je suis de nature fidèle et dévouée (c'est bien tout le problème). Mais c'est ma survie qui en jeu!

J'ai la chance de ne pas avoir besoin de mon salaire pour faire tourner la marmite – nous sommes deux. Avec les taux d'intérêts actuels, je ne suis pas pressée de rembourser ma maison.

Toute mon incertitude actuelle porte sur ma capacité à changer, à évoluer, vers plus d'autonomie et de confiance. Pour regagner le contrôle de mon agenda, que je ne pourrai jamais imposer au-delà d'un certain niveau hiérarchique a fortiori dans une multinationale, et pour conquérir la liberté de ne plus dépendre d'organisations transversales dans lesquelles mon rôle n'est jamais clair, c'est une évidence, il faut que je me mette à mon compte. Il faut que j'aille au-delà de la peur de voler de mes propres ailes, que j'accepte de ne plus avoir le feedback régulier d'une figure d'autorité sur ma performance. Mes compétences sont énormes, je suis bien organisée, j'ai un bon contact et une bonne écoute, mon intelligence me permet d'apprendre très vite sur des sujets complexes, mais je suis aussi très immature sur ma gestion des émotions, mes angoisses, mon perfectionnisme et ma tendance à culpabiliser pour tout, y compris les erreurs des autres que je n'ai pas su accompagner ou conseiller à temps, alors que ce n'était même pas mon rôle…

Après la phase de la colère qui m'a portée ces 4 dernières semaines à réagir sur tous les plans contre la situation impossible qui m'a été imposée, y compris à tenter de l'absorber malgré tout, après la phase de la négotiation des 2 dernières semaines où j'ai commencé à tester mon rapport de force pour faire changer la situation, j'entre dans la phase de dépression. Je n'ai plus le choix, il va falloir changer – je me sens du coup impuissante et ballottée par la réalité de l'évolution qui s'impose. Je peux soit accepter la situation avec les arrangements que mon chef va bricoler pour garantir ma survie, soit refuser la situation pour en créer une autre de toute pièce. Ailleurs.

Une première décision s'impose dans 2 semaines. Démissionner pour être libre à la rentrée de septembre.

En serai-je capable?