Ma belle-mère (suite)

Depuis 15 ans que je la connais, je ne l’ai pas vue tellement évoluer, si ce n’est vers des principes de plus en plus rigides et une communication de plus en plus difficile. Elle est pour moi l’exemple à ne pas suivre par excellence. Quand je l’ai connue, elle avait déjà épuisé tout le monde, ses parents, ses soeurs, son mari, ses fils, ses chefs. Elle avait perdu son mariage et son travail. Mais c’est une femme de principes, et ses principes, elle les avait suivis jusqu’au bout.

Ainsi, elle est passée des quelques principes de diététique que toute maman rêve en secret d’appliquer aux repas familiaux à une approche totalement rigide et réglementée de quantités de vitamines et nutriments à ingurgiter, jusqu’à aujourd’hui refuser de manger autrement que selon ses habitudes très strictes consistant à éviter tout aliment susceptible de lui nuire, soit parce qu’il est pollué, soit parce qu’il est indigeste, etc. Impossible de l’amener au restaurant, donc.

En fait, elle voit le mal partout dans la nourriture.

Par ailleurs, elle est passée de la couche superficielle de catholicisme que tout français de bonne famille recevait au milieu du 20ème siècle à une approche totalement rigide et réglementée des principes fondateurs du christianisme tels qu’ils sont décrits littéralement dans les deux Testaments, jusqu’à aujourd’hui refuser d’entrer dans une église (par exemple à notre mariage) car selon les Témoins de Jéhovah (qu’elle a rejoint dans les années 80) ces églises sont assimilées aux temples tant décriés dans le Nouveau Testament. Elle ne fête pas non plus Noël, ni les anniversaires. Etc.

En fait, elle voit le mal partout dans la Bible.

Bien sûr, les Témoins de Jéhovah sont connus pour être une secte, plus ou moins modérée (au moins, à ma connaissance, ils ne l’ont pas ruinée, et visiblement ils ne la poursuivent pas quand elle s’échappe 15 jours à l’étranger sans moyen de transport ni téléphone autres que les nôtres). Mais quand j’observe le parallélisme de ses approches de la nourriture et de la religion, je me dis que le sectarisme vient d’elle avant tout!

En fait, elle voit le mal PARTOUT. Elle ne voit que le mauvais côté des choses, et des gens, ses parents, ses soeurs, son ex, ses fils, ses petites-filles, même ses thérapeutes en médecine douce, ils ont tous un défaut, tout le monde y passe, et en général, ils le savent, car elle se plaint, gentiment, sans colère, mais elle se plaint, elle est toujours victime de quelque-chose ou de quelqu’un.

4hommes1Alors elle a finalement passé sa vie à se construire de plus en plus de principes (dans sa tête) pour échapper à ce mal omniprésent (dans sa tête). Ou du moins, la seconde moitié de sa vie, sans doute après cette crise existentielle dite du "milieu de vie" qui frappe plus ou moins fort les adultes généralement autour de la quarantaine. Ce qu’elle a construit avant, et notamment mon Mari Charmant et son frangin, mais aussi les projets techniques auxquels elle a contribué au début de sa vie professionnelle, est à mon avis suffisamment réussi pour ne pas conclure qu’elle a complètement gâché sa vie.

J’ai donc vraiment de la peine pour elle, mais que faire? aurait-elle encore la force de casser cette spirale infernale du dogmatisme, de s’ouvrir à nouveau à l’amour, à la tolérance, à l’ouverture d’esprit, à l’autre et aux grandes et petites joies de la vie pour les années qui lui restent?

* Image de l’exposition "Law & Order" de M. Uwe Tabatt

Posted in Psy

2 thoughts on “Ma belle-mère (suite)

  1. Au niveau de l’alimentation c’est ce qu’on appelle l’orthorexie non? Quant à la vie … parfois quand je rencontre de telles personnes je me demande de quoi elles veulent se punir, ou de quoi elles veulent tant se nettoyer? a moins que leur corps leur semble un haut temple purifié qu’il ne faut surtout pas dévoyer… Malgré tout je pencherai plus pour l’option un.bises

  2. La meilleure aide que tu puisses lui apporter, c’est de ne pas chercher à la sauver. Juste lui montrer des exemples positifs et la mettre devant la responsabilité de ses choix de vie : est-ce qu’ils contribuent bien à son épanouissement personnel ?
    Si tu t’engages dans un rôle de sauveur (elle peut tout faire pour t’y entrainer car cela renforce son rôle de victime, jusqu’à te faire éprouver de la peine), alors au début c’est gratifiant mais tu seras vite confrontée à l’impossibilité de pouvoir y arriver.
    Tant qu’elle ne voudra pas prendre conscience de sa situation rien ne peut l’y forcer : c’est seulement une façon de prendre le pouvoir sur autrui. C’est à toi de t’en protéger si tu ne veux pas qu’elle t’épuise à ton tour.
    Amités,

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